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569. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Longtemps, longtemps, je couvris de baisers les pieds rouges de sang de notre bon Seigneur. […] de mon sang apaise l’ardeur ! […] — Mais ton sang court dans leurs veines. — Ils n’ont pas une goutte de mon sang ! […] les taches de sang, les taches de l’honneur ne s’effacent plus, enfants !

570. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Lorsque des hommes ont versé leur sang pour un pays souvent bien ingrat, quand d’autres pour ce même pays ont consumé leur vie dans les anxiétés dévorantes de la politique, l’ambition fût-elle l’un de leurs mobiles, prononcer d’un trait de plume sur le mérite de leur sang ou de leurs veilles, sans connaissance des choses, sans souci du vrai, est une sorte d’impiété ! […] Tacite aurait cessé d’être Tacite, il aurait brisé sa plume, puisqu’on lui commandait de briser son cœur, sa conscience, son jugement sur le monde romain qu’il raconte, et, à la place du plus éloquent et du plus coloré des historiens, le monde n’aurait eu qu’un nomenclateur technique, un miroir inerte, qui n’aurait pas même eu le droit de haïr la tyrannie, la démence, la servilité, la boue et le sang qu’il aurait réfléchis dans sa métallique et immorale limpidité d’intelligence. […] Thiers, que la Révolution, qui avait eu son débordement de démagogie et de sang, devait rentrer dans son lit en se purifiant de toutes ses souillures ; nous pensons comme lui aussi qu’une liberté ne peut se fonder qu’en se modérant et en se donnant à elle-même de sévères limites ; mais nous pensons que la France, déjà corrigée par le spectacle et par le repentir de ses excès, tendait à se donner à elle-même ces institutions et ces limites, et que, la refouler tout à coup jusqu’au-delà des principes sains de 1789, c’était lui faire perdre en un jour tout le terrain franchi en neuf ans de travail, et lui préparer pour l’avenir un second accès de révolution pire que le premier. […] Il y a là des scènes de haut comique qui donnent au lecteur la comédie de l’ambition sur une scène encore trempée de sang.

571. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Éden, suave Éden, berceau des frais mystères, Pouvais-je errer en paix dans tes bosquets pieux, Quand Albion pleurait, quand le cri de mes frères        Avec leur sang montait aux cieux ? […] Non, la lyre n’est pas un jouet dans l’orage ; Le poète n’est pas un enfant innocent, Qui bégaye un refrain et sourit au carnage        Dans les bras de sa mère en sang. […] D’une main je lançais un peuple, de l’autre main je découvrais ma poitrine et je réprimais une populace victorieuse et domptée, puis je retombais sans me plaindre dans l’humiliation de la misère ou dans le sang de mon échafaud ; le plus grand des bonheurs n’est-ce pas l’échafaud pour l’innocent ? […] Plus la réflexion commence : on se complaît à penser qu’on a plongé plus avant que bien d’autres dans le Puits de l’abîme et dans la Cité des douleurs ; on a la mesure du sort ; on sait à fond ce qui en est de la vie, et ce que peut saigner de sang un cœur mortel. […] Excepté dans la Jeune Captive, pièce teinte avec son sang au pied de l’échafaud, André Chénier me paraissait un pastiche du Grec plus qu’un Français.

572. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il s’en plaint avec amertume : A force de vieillir, un auteur perd son rang ; On croit ses vers glacés par la froideur du sang ; Leur dureté rebute et leur poids incommode, Et la seule tendresse est toujours à la mode. […] Émilie a sacrifié au devoir filial d’abord sa passion pour Cinna, auquel elle ne veut se donner qu’au prix du sang d’Auguste, puis sa reconnaissance pour ce prince. […] Il est prêt à réparer tous les coups qu’il a portés : il sauvera le fils d’Andromaque : Coûtât-il tout le sang qu’Hélène a fait répandre, Dussé-je après dix ans voir mon palais en cendre, Je ne balance point : je vole à son secours23. […] Si, depuis trois siècles, nous avons toujours pris la livrée pour la passion elle-même, c’est peut-être que l’amour est plus dans notre imagination que dans notre sang, et que peu de gens parmi nous sont assez passionnés pour ne pas l’être selon la mode. […] Les personnages secondaires autour d’Athalie et de Joad sont engagés dans l’événement par des causes proportionnées à leurs rôles : Mathan, par sa jalousie contre Joad et la mauvaise conscience d’un apostat ; Abner, par sa muette fidélité au sang de ses rois, à laquelle se mêle l’esprit d’obéissance militaire aux puissances établies ; Josabeth, par une tendresse mêlée de crainte, qui lui fait préférer pour son enfant adoptif la sécurité à la gloire ; Zacharie, son fils, par l’âge, qui le rapproche de Joas, et par la communauté de leurs pieux amusements dans le saint lieu ; Salomith, cette charmante sœur de Zacharie, par les soins qu’elle a donnés, de moitié avec sa mère, au mystérieux enfant, qu’elle aime sans le connaître.

573. (1925) La fin de l’art

Charpentier, élu à l’Institut, son épée d’académicien, je n’ai pu m’empêcher de rire, une fois de plus, tant le contraste est comique entre l’idée d’académicien et l’idée d’épée à rigole pour le sang. […] Les dévôts affolaient son esprit, les médecins torturaient ses entrailles, faisaient de ses membres des fontaines de sang ! […] Les plus fades végétaux doivent contenir du sel, et l’herbe des champs elle-même est assez salée pour transmettre sa salure aux animaux qui ne vivent que d’herbe et dont la chair, pourtant, et le sang ont un degré élevé de concentration saline, et un degré constant d’ailleurs. […] Le sang d’un végétarien et le sang d’un marin nourri de viande salée contiendront parfaitement la même teneur en sel, et ceci n’est pas sans faire réfléchir.

574. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Ainsi s’expliquent les locutions bien connues : la voix de la raison, la voix du cœur, la voix du sang, la voix des passions ; chez nos tragiques, tout mobile est une voix ; ils disent : la voix de la nature, la voix de la fortune, la voix des bienfaits. […] Racine avait déjà dit : « Le sang de nos rois crie,29 » et Corneille : … Ne point écouter le sang de mes parents Qui ne crie en mon cœur que la mort des tyrans. […] Racine, Athalie, Acte I, scène 1, v. 89 (tirade de Joad) : « Le sang de vos rois crie, et n’est point écouté. » (et non « nos rois ») 30. […] Vivre sous ta puissance, / C’eût été démentir mon nom et ma naissance, / Et ne point écouter le sang de mes parents, / Qui ne crie en mon cœur que la mort des tyrans. » 31.

575. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Ô Vieillesse, il te doit un fier sacrifice : sans toi, il eût vomi tout son sang comme Philisteus à Samos… Tu ris ? […] Lui, se défend comme il peut, reproche à la patronne de « lui boire son sang jour et nuit ». […] Le pasteur Sang guérit les malades. […] Mais Sang ne désespère point. […] Et Sang se baisse sur elle ; il murmure : « Mais… ce n’est pas cela, … ce n’est pas cela, … ou bien, … ou bien… ».

576. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Nos vingt-deux idoles veulent du sang. […] Que de guerres supprimées, quel déluge inutile de sang ! […] Bonaparte, au milieu de son lac de sang et de ruines, mais auréolé du génie, correspond à la définition. […] Du côté chair et sang, la chose est jugée par plusieurs millions de jeunes cadavres accusateurs. […] Parés des couleurs les plus éclatantes, les perroquets de la démocratie apparaîtront toujours couverts de sang.

577. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Et qu’importe que votre sang soit versé ou par un centurion ou par un phlébotomiste ? […] Je le sens au bouillonnement de mon sang ; j’en conviens, c’est la passion qui me transporte, et qui m’associe dans ce moment aux trois soldats exécutés il y a deux mille ans. […] Avare du sang le plus vil, le titre d’homme est une recommandation suffisante auprès de moi. […] Le Spartiate hait-il son fils, lorsque, sous les coups de verges dont il le déchire, son sang ruisselle au pied de l’autel de Diane ?  […] C’est à travers des cicatrices que votre sang a recommencé de couler ! 

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