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257. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

… Dans l’immense grand homme que fut Christophe Colomb, Pie IX vit le saint qu’il fallait en faire sortir, et de sa main pontificale, — de cette main qui dispose de l’éternité, — il lui prépara son autel. […] Je veux surtout insister sur ce point : Léon Bloy — l’écrivain sans public jusqu’ici, et dont quelques amis connaissent seuls la violence éloquente, qu’on retrouvera, du reste, dans la troisième partie de son livre, quand il descendra de la hauteur du commencement de son apologétique, — a pris aux Livres Saints, sur lesquels il s’est couché depuis longtemps de toute la longueur de sa pensée, la placidité de la force et la tempérance de la sagesse.

258. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Quand le jansénisme commença de se répandre dans le monde, on se tourna vers Port-Royal comme vers le sanctuaire, le centre religieux de la nouvelle Église : les bâtiments de Port-Royal des Champs furent relevés334 et servirent d’asile aux solitaires, aux hommes saints que la grâce avait touchés, et qui, sans se lier par aucuns vœux, sans quitter leur nom, sans former une communauté régulière, venaient vivre là, dans la retraite, une vie d’étude et de piété. […] Il y eut là une lutte pénible, que compliquèrent des questions d’intérêt : enfin Jacqueline l’emporta et devint la sœur Sainte Euphémie. […] Il y a un point où les adversaires de Pascal avaient raison : c’est quand ils l’accusaient de rire des choses saintes. […] Pascal étudiera la Bible, fera valoir que seuls les Juifs ont conçu Dieu dignement, établira la vérité des livres saints et du livre de Moïse en particulier, la vérité des miracles de l’Ancien Testament, prouvera la mission de Jésus-Christ par les figures de la Bible et par les prophéties, puis par la personne même, les miracles, les doctrines, la vie du Rédempteur ; enfin il montrera dans la vie et les miracles des Apôtres, dans la composition et le style des Évangiles, dans l’histoire des saints et des martyrs, et dans tout le détail de l’établissement du christianisme, les marques évidentes de la divinité de notre religion. […] Pascal est un grand poète chrétien, à placer entre sainte Thérèse et l’auteur inconnu de l’Imitation ; tant il a rendu avec force la poésie de la religion : non la poésie extérieure, mais la poésie intime, personnelle, qui coule de l’âme croyante et unie à son Dieu.

259. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

quand on pose de ces thèses contre cet enseignement séculaire qu’on appelle l’Église, et qu’on lui dit, avec le sans-façon d’un goujat, qu’elle, la sainte Église, ne fut jamais juste, on est tenu au moins de déterminer avec une clarté d’éclair fixé, avec une splendeur de soleil, ce qu’on entend par la Justice, Mais P. […] … Seul éternellement dans la vie, ce lépreux de cœur qui s’appelle Rousseau eut des maîtresses plus ou moins ignobles, des sentimentalités plus ou moins putrides, mais il n’eut jamais, dans la sainte vérité du mot, ni un amour ni une amitié. […] Proudhon ne connut pas celle-ci : l’imagination dévorante, le cancer de feu dont madame de Staël disait : « Ce n’est plus une faculté, c’est une maladie… » En restant et en développant ce que Dieu l’avait fait, — une nature chrétienne, — et même en devenant un Saint, s’il avait pu le devenir, Proudhon n’eût jamais été, par exemple, un Saint comme le fut saint Jérôme. […] S’il n’avait pas été un Saint, il aurait toujours été un docteur. […] Le xviiie  siècle et la Révolution française n’y avaient point passé… Ce n’est pas non plus La Rochefoucauld, l’aride et égoïste La Rochefoucauld, ni, plus tard, Chamfort, à la morsure empoisonnée, pour le moins aussi athée que Proudhon, qui peuvent lutter d’indignation vertueuse et chrétienne avec Proudhon, avec ce rude Alceste contre d’autres femmes que des Célimènes, et dont, ventre saint gris !

260. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Je viens de lire ses Lettres posthumes, publiées par un de ses amis et disciples, l’abbé Perreyve, qui semble lui avoir emprunté quelque chose de sa parole et de son glaive : il faut voir avec quelle fermeté, avec quelle certitude le panégyriste enflammé lui décerne son titre de saint, lui assigne son rang et son rôle d’apôtre, et le propose pour modèle aux jeunes générations catholiques de l’avenir. […] Saint Jérôme, le plus passionné des Pères, avait bien retenu de l’Antiquité profane et des ardeurs de sa jeunesse un accent qui retentissait dans son style ; mais, pénétré de Jésus-Christ jusqu’à la moelle des os, le saint diminuait en lui les restes du poëte et du voyageur. […] Il faut voir son livre intitulé Sainte Marie-Madeleine (deuxième édition, 1860).

261. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Pour mieux l’adorer, Michelet la traite à la fois comme une déesse, comme une reine, comme une sainte, comme une malade, comme une blessée, comme une enfant. […] Michelet, prêtre de la bonne Isis, de la sainte Cybèle, croit que ce qui est naturel, universel, inévitable, ne saurait être un sujet de honte non plus que de facéties. […] L’acte même de la génération et tout ce qui l’entoure n’a rien de saint en soi.

262. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption.

263. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Jean Site de Joinville publia l’histoire de St. […] On trouvera plus d’agrément dans l’Histoire de France, sous les regnes de St. […] Ils sont du Président de la Place, qui fut tué à la St. […] Daguesseau, ce grand Magistrat choisit deux Bénédictins de la Congrégation de St. […] Barre, Chanoine régulier de Ste.

264. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Je sens tout à coup la jeune et sainte sève de la vie bouillonner dans mes nerfs et dans mes veines. […] Il ne se reconnaît plus ; l’air saint qu’il respire le sanctifie à son insu. […] Sors d’ici, misérable, et ne prononce pas le nom de l’angélique créature, et ne viens pas présenter à ma passion sainte un profane désir ! […] Tu ne respectes pas non plus les saints sacrements. […] Elle revient atterrée à la maison, rentre dans sa chambre et arrose machinalement un pot de fleurs placé pieusement par elle devant une image de la sainte Vierge dans une niche au-dessus de son lit.

265. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Lorsqu’on trouve à deux un nid au faîte d’un mûrier ou de tout arbre pareil, l’année ne passe pas qu’ensemble la sainte Église ne vous unisse… Proverbe, dit mon père, est toujours véridique.” […] sainte Vierge ! […] ” « “S’il ne le fait à dessein cet homme doit être idiot”, pensa l’ermite… Et aussitôt, brisant la confession : “Allez suspendre à cette perche, lui dit-il en étudiant son visage, votre manteau ; car je vais maintenant, mon frère, vous donner la sainte absolution.” […] ” s’écria l’ermite… Et aussitôt de se précipiter aux genoux du saint pâtre, en pleurant à chaudes larmes. […] et sur moi que votre main s’étende, car c’est vous qui êtes un grand saint, et moi le pécheur.”

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