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534. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Saint-Simon de son temps, Lemontey du nôtre, ont beaucoup dit sur le grand roi ; j’en pense volontiers tout le mal qu’ils articulent, à l’endroit de l’égoïsme qui chez lui était monstrueux, et que soixante années d’idolâtrie cultivèrent. […] On n’en veut jamais de cette sorte à un homme et à un roi sans avoir de très-proches raisons61. […] Ici les reproches de l’auteur contre Louis XIV deviennent fondés ou du moins plausibles ; il est piquant et il n’est peut-être pas faux de soutenir que les rigueurs contre les protestants augmentent graduellement en raison directe des scrupules et des remords du grand roi, et qu’il croit, à la lettre, faire pénitence à leurs dépens. […] Si je m’échappe à dire d’un roi qu’il est expérimenté par l’infortune, si je dis d’un voyageur que l’aspect de certains lieux sauvages l’impressionne désagréablement, j’ai déjà blasphémé : me voilà rejeté à cent lieues du siècle que je veux aborder, et qui me renvoie les échos de ma voix qu’il ne connaît pas62. […] On assure que le roi le voulut voir : on le plaça pour cela sur le grand escalier où Sa Majesté devait passer.

535. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

De même Richelieu, amoindri d’abord, demandait à être replacé à son vrai rang, et bien moins en tête des ambitieux ministres que dans la série même des rois. […] M.Mignet a plus fait pour Louis XIV que tous les panégyristes : il nous a ouvert l’intérieur de son cabinet et l’a montré au travail comme roi, judicieux, prudent dès la jeunesse, invariablement appliqué à ses desseins et ne s’en laissant pas distraire un seul instant, au cœur même des années les plus brillantes et du sein des pompes et des plaisirs. […] Ainsi, dans cette première lutte avec la Hollande et pendant les années qui la préparent (1668-1672), on peut admirer l’art profond avec lequel le roi isole à l’avance ce petit peuple et le sépare successivement de tous ses alliés, pour l’écraser ensuite ; mais patience ! […] La hauteur personnelle de Louis XIV et ses ténacités d’orgueil compliquèrent toujours et traversèrent plus ou moins la vue de ses vrais intérêts comme roi ; son rare bon sens, en se mettant au service de cette passion personnelle, ne la dominait pas assez. […] Quoi qu’il ait fait alors, et fût-il Cromwell, il est absous comme en Égypte par le tribunal suprême, et il entre à son rang dans les pyramides des rois.

536. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Ce mot désigne d’abord vers 1400 des représentations figurées, sans dialogue dramatique, des scènes muettes, pantomimes, tableaux vivants, dont les sujets étaient mythologiques, allégoriques ou chrétiens, et qu’on donnait aux fêtes, aux entrées de rois et de princes. Ainsi, quand Charles VII fait son entrée solennelle à Paris en 1437, de la porte de la ville, par la rue Saint-Denis, jusqu’au pont du Châtelet, s’échelonnent de place en place diverses scènes de l’Évangile, Passion, Résurrection, Annonciation, etc., sans parler de saint Denis qui naturellement reçoit le roi à la porte Saint-Denis, entouré de saint Louis, saint Thomas, saint.Maurice et sainte Geneviève. […] Pour la Passion, ou plutôt pour la Vie du Christ, il n’apparaît pas d’ensemble primitif : le poème cyclique succède aux Nativités, aux Annonciations, aux Adorations des rois mages, aux Résurrections, aux Passions, etc., qui existèrent d’abord séparément151. […] La grande basoche de Paris, dès le début du xvie  siècle, était un corps considérable, ayant ses armes, son roi, son chancelier, jugeant ses membres, frappant monnaie, tenant ses réunions générales deux ou trois fois l’an, et surtout vers le mois de juin ou juillet, faisant sa montre solennelle où elle défilait devant son roi, donnait aubades et sérénades aux présidents et conseillers du parlement, à grand fracas de tambours, hautbois et timbales. […] Le bon roi usa du théâtre comme de plus modernes ont usé de la presse.

537. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Mais les Dialogues des morts ont surtout un intérêt historique et politique : Fénelon juge les rois de France, et parfois rudement. […] Le roi lui interdit d’aller à Rome se détendre, l’exile dans son diocèse, chasse ses amis de la cour. […] Sa disgrâce éloigna ses espérances sans les détruire : ruiné dans l’esprit de Louis XIV, il continua de gouverner de loin son élève par l’intermédiaire de ses amis, et, au bout de quelques années, le roi autorisa de nouveau leur commerce. […] Un vieux roi de soixante-dix ans l’en écartait encore pour quelques jours : il était sûr de son élève. […] Sous un tel roi, le précepteur aurait régné.

538. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Durant notre époque classique, il domine au théâtre ; il est le thème principal ou l’accessoire obligé de presque toutes les pièces ; il est le roi et souvent le tyran de la scène. […] Dans un autre poème (Garin le Loherain), la femme du roi Pépin voulant se mêler de lui donner un conseil politique, le roi lui assène un coup en plein visage, et, comme sa main est gantée de fer, la pauvre reine s’en va, toute saignante, méditer ce rappel au silence et à la modestie. […] Il ne faut jamais oublier ces paroles de la duchesse de Bourgogne à Mme de Maintenon87 : « Ma tante, se mit-elle à dire, il faut convenir qu’en Angleterre les reines gouvernent mieux que les rois ; et savez-vous bien pourquoi, ma tante ?  […] L’enfant, peu à peu, est devenu le petit roi de notre société. […] Il reste, comme ses confrères, Crispin, Dubois ou Trivelin, le roi des fourbes et des déclassés.

539. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Ils n’ont plus qu’un seul maître ; et ce maître est le roi. Aucune idée humiliante ne s’attache à ce servage : une habitude d’esprit dont nous tenons aujourd’hui trop peu de compte, confond alors dans l’opinion publique l’idée de roi avec celle de France : le roi, c’est l’État. […] Le roi veut bien prendre sa part ; mais il ne veut pas qu’on la lui fasse. […] Sans mettre officiellement la main au timon des affaires, ils sont en réalité les maîtres et les rois. […] Appuyée sur la science, servie par le commerce et les institutions de crédit, elle a ses princes qu’elle couronne d’un diadème d’or ; grands propriétaires, puissants banquiers, suzerains d’ateliers et de comptoirs, plus riches que des rois et plus indépendants.

540. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Cependant, l’anneau ayant été trouvé par un pêcheur dans le ventre d’un poisson et porté au roi, le roi se souvient. […] Carmosine en dirait autant, parlant de son roi. […] Le roi eût sauté en pleine mer, et ni vu ni connu. […] Les rois l’impressionnaient particulièrement. […] Lionnette est donc fille d’une courtisane et d’un roi.

541. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Trois cent mille familles étaient expulsées, dépouillées, privées de leurs enfants, des milliers d’autres familles, dans les provinces protestantes, étaient contraintes, moitié par la persuasion commandée, moitié par la violence imposée, à désavouer la religion du roi. […] Celui-ci, qu’il présenta pour la première fois à Louis XIV, ne demanda pour toute grâce au roi que de désarmer la religion de toute force coercitive, d’éloigner les troupes des provinces qu’il allait visiter, et de laisser la parole, la charité et la grâce opérer seules sur les convictions qu’il voulait éclairer et non dompter. […] — Continuez à faire venir des blés, écrit-il ailleurs aux ministres du roi, c’est la controverse la plus persuasive pour eux… Les peuples ne se gagnent que par la parole. […] Le roi, madame de Maintenon et le duc de Beauvillers avaient été admirablement servis par le hasard ou par le discernement, en rencontrant et en choisissant un tel maître pour un tel disciple. […] Il ne tarda pas à captiver la cour tout entière, à l’exception des envieux et du roi, qui avait contre le génie les préventions du plus simple bon sens, et qui n’aimait pas qu’on regardât trop un autre homme que lui dans sa cour.

542. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Le guet-apens de Bayonne s’exécuta à point nommé comme il l’avait résolu : le vieux roi et son fils, amenés avec astuce dans le piège, y restèrent. […] Pendant les longues entrevues des deux empereurs, la foule des rois, des souverains de second ordre, des princes et des ambassadeurs, servira de comparses sur l’avant-scène ; les parties de chasse et les fêtes couvriront le sérieux du jeu. […] On y voit le maréchal Jourdan tout fait à la mesure de ce roi dont il est le Berthier, Jourdan, sage, tranquille et médiocre, s’écriant du fond du cœur, dans une lettre au général Belliard : Ah ! […] Quant à Joseph, il ne renoncerait pas si aisément à son métier de roi, et il n’est nullement d’humeur à aller planter ses choux ; il se croit très propre à régner, mais il le voudrait faire à son aise, sur un trône à lui, comme un bon roi Louis XII sous le dais, comme s’il était l’héritier d’une longue race. […] Mais ceux qui ont vécu en révolution savent que ce ne sont pas seulement les rois et les grands qui se trompent.

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