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392. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre, avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Goethe reconnaissait toutefois à Chateaubriand un grand talent et une initiative rhétorico-poétique dont l’impulsion et l’empreinte se retrouvaient assez visibles chez les jeunes poètes venus depuis. […] Puis je le revoyais, et je retrouvais un jour d’été avec tous ses sourires ; je croyais entendre dans les bois, dans les buissons, dans les haies, tous les oiseaux me saluer de leurs chants ; le ciel bleu était traversé par le cri de coucou, et dans la plaine en fleurs bruissait l’eau du ruisseau. […] « Je courus, personne, n’avait rien vu, ce que je rapportai à mon maître, que je retrouvai dans la même position, toujours couché, toujours regardant le ciel. […] “La lutte avec le monde commence”, l’esprit l’emporte sur le cœur, et tout devient plus froid. — Il faut arriver aux dernières années et aux dernières scènes de l’existence, pour retrouver l’intérêt profond et saisissant. » 16.

393. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Nous retrouvons des qualités semblables dans tous les opéras de Wagner, avec cette différence que la déclamation y est inspirée par la langue allemande. […] La musique en effet est continue d’un bout du drame à l’autre et nous pouvons nous attendre à y retrouver à la fois le reflet de la décoration, de la plastique, de la mimique et des paroles. […] Tandis que les tierces descendantes de ce motif proviennent de B, le dessin qui les souligne provient de E, et le groupe des deux croches et du triolet va se retrouver partout où se manifestera de la pitié pour Amfortas. […] Il exprime la souffrance d’Amfortas, et nous le retrouvons à la fin : Gesegnet sei dein Leiden. […] Il retrouve alors sa force.

394. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Ici le poète se retrouve comme malgré lui amant et poète. […] À quelque temps de là, on les retrouve ensemble à Venise, dans une de ces rêveries nocturnes qui sortent de la mer et de l’ombre des palais de cette capitale des songes. […] Ce sujet plaisait tant à l’imagination dépravée de l’auteur qu’on le retrouve avec quelques variantes dans cinq ou six de ses œuvres en prose et en vers. […] Comme le poète retrouve dans le détail, la vérité et le pathétique perdu dans l’ensemble ! […] Et ce retour amer et délicieux à l’âge de pureté et d’innocence par l’air oublié et retrouvé d’un orgue dans la rue, comme il est compris et rendu dans ces vers funèbres.

395. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Si ces anciennes couches primitives avaient été complétement détruites par dénudation ou oblitérées par le métamorphisme, nous devrions retrouver seulement de faibles restes des formations qui les ont immédiatement suivies, et ces lambeaux devraient se présenter également à nous dans un état général d’altération métamorphique. […] Mais avant l’émersion de ces mêmes terres, toutes les conditions d’une formation puissante et riche en fossiles manquaient à la fois ; et les dépôts, formés à cette époque, ne pouvant provenir que des matières que la couche océanique tenait en suspension, devaient être partout égaux en puissance et se former partout à la fois sur le fond uni des mers, y laissant tout au plus la trace des stratifications feuilletées que nous retrouvons dans les schistes. […] Tout au plus en pourrait-on retrouver des lambeaux altérés par l’action de l’atmosphère sur les plateaux granitiques dénudés les plus anciennement soulevés, encore sous deux conditions : c’est d’abord que la vitesse de leur soulèvement primitif ait été supérieure à la vitesse de leur dénudation, et que depuis ils n’aient jamais été submergés de nouveau. Il faut dire, de plus, que ces dépôts de sédiments précipités devant avoir fort à peu près la même composition minéralogique que beaucoup des roches métamorphiques qu’ils ont recouvertes, puisqu’ils ont été tenus en suspension dans les mêmes mers et formés par les mêmes moyens, quoique un peu plus récemment, peut-être, il serait fort difficile de les distinguer de ces mêmes roches, avec lesquelles ils doivent partout se retrouver en contact immédiat. De toute manière, on a donc très peu de chance de retrouver des fossiles ayant appartenu à ces époques antérieures à la première émersion des terres.

396. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Un jour qu’il servait de guide et de conducteur à Gabrielle dans un voyage où elle allait retrouver le roi, il manqua d’arriver à la dame un grave accident de voiture dans le chemin. […] Pourtant il s’en consolait tout bas et prenait assez crûment son parti à la manière des vieux Gaulois, en se disant ou à peu près, comme dans le fabliau (je rends le sens, sinon les paroles) : « Après tout, ce n’est qu’une femme perdue, et il s’en retrouvera assez. » Je ne donne pas cette manière de sentir pour très délicate ni pour chevaleresque, mais elle est de Sully. […] Henri IV envoie une fois des vers à Gabrielle ; ce sont les stances célèbres : Charmante Gabrielle… Un littérateur belge73 a retrouvé dans un recueil manuscrit ancien le refrain : Cruelle départie… Henri IV ou ses poètes n’auront donc fait qu’emprunter à une chanson en vogue ce refrain qu’affectionnait peut-être Gabrielle, et ils l’auront adapté à des couplets nouveaux.

397. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Mais, malgré ces traits à noter et bien d’autres, ce second sermon pour la Toussaint est pénible, je le répète, un peu obscur, et, si l’on veut retrouver Bossuet tout à fait grand orateur, il faut passer au troisième : ou plutôt, dans une lecture bien faite et bien conseillée de cette partie des œuvres de Bossuet, on devra omettre, supprimer et le premier sermon et le quatrième, qui ne sont que des canevas informes, ne pas s’arrêter à ce second, qui est difficultueux, et alors on jouira avec fraîcheur de toute la beauté morale et sereine de cet admirable troisième sermon prêché en 1669 dans la chapelle royale, et où Bossuet réfutant Montaigne, achevant et consommant Platon, démontre et rend presque sensibles aux esprits les moins préparés les conditions du seul vrai, durable et éternel bonheur. […] … Éternelle poétique, principe, entretien et règle supérieure des vrais talents, vous voilà établie en passant dans un sermon de Bossuet, au moment même où Despréaux essayait de vous retrouver de son côté dans ses Satires. […] Ce lieu commun éloquent se retrouve à la fois dans le troisième sermon Sur la Toussaint dont j’ai parlé, dans le Sermon sur l’amour des plaisirs, et dans celui Sur l’ambition avec quelque variante : Ô homme, ne te trompe pas, l’avenir a des événements trop bizarres, et les pertes et les ruines entrent par trop d’endroits dans la fortune des hommes, pour pouvoir être arrêtées de toutes parts.

398. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Autrefois confident de l’inclination de Madame (Henriette d’Angleterre) pour Louis XIV, c’était lui qu’elle avait chargé d’engager secrètement Corneille et Racine à traiter le sujet de Bérénice dans lequel elle retrouvait quelque chose de sa situation, et où elle espérait voir exprimés quelques-uns de ses sentiments. […] Il serait curieux de retrouver ce volume, ce magnifique keepsake en l’honneur de Louis XIV, maintenant surtout qu’on sait à qui l’on en devait le texte et les explications. […] Guidé par lui, nous retrouvons cette péroraison de Bourdaloue, et, en la remettant en son lieu et à sa date, nous en comprenons en effet le touchant et l’onction : Mais encore une fois, ô mon Dieu !

399. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Il tient bon, il se pique de le retrouver partout, même dans les cas les plus déguisés. […] La Rochefoucauld échappe à cette loi presque inévitable, et, dans ces matières délicates et subtiles, lui qui n’avait pas lu les anciens et qui les ignorait, n’obéissant qu’aux lumières directes de son esprit et à l’excellence de son goût, il a, aux endroits où il est bon, retrouvé, soit dans l’expression, soit dans l’idée même, une sorte de grandeur. […] Les chrétiens ne sont pas ainsi : en même temps qu’ils élèvent l’homme par l’idée de sa céleste origine, ils lui révèlent sa corruption et sa chute, et, dans la pratique, ils se retrouvent d’accord, moyennant ce double aspect, avec les observateurs les plus rigoureux.

400. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Comme, à travers l’austère discrétion du solitaire, on retrouve dans ces derniers mots les restes d’un homme ami des belles lettres ! […] Au sortir de là, nous le retrouvons triomphant et à Chantilly et à Dijon, et dans toute sa gloire. […] Je me souviens que lui ayant dit, en le quittant, que j’espérais le retrouver en meilleure santé le lendemain, il me répondit, le plus haut qu’il put : Mort, mort !

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