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461. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Malgré son Gœtz de Berlichingen, Gœthe n’était point par goût et par choix dans le sens et l’esprit du moyen âge ; il n’aimait aucunement, même dans le mirage du lointain, la barbarie ni rien de ce qui y ressemblait : « De cette ancienne et ténébreuse Allemagne, disait-il un jour à propos d’une production de La Motte-Fouqué, il y a pour nous à tirer aussi peu que des chants serbes et des autres poésies barbares du même genre. […] Il ressemble en cela à l’aigle dont le regard plane librement au-dessus des diverses contrées, et à qui il est indifférent que le lièvre sur lequel il se précipite coure en Prusse ou en Saxe. » C’est ainsi que Gœthe entendait le patriotisme sublime, le patriotisme du poëte.

462. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles. […] Entré jeune dans la vie littéraire sous l’astre orageux de Balzac (l’auteur assurément qui ressemble le moins à Térence), M. de Belloy a sauvé de cette influence caniculaire son originalité, une manière de sentir à lui, modeste, discrète, délicate.

463. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Je le vois encore avec sa petite taille, sa tête portée en arrière, son geste pétulant, cette figure dont on a dit « qu’elle ressemblait à celle du péché mortel vieilli. » J’eus beau faire, je n’avais encore rien rabattu en moi, à cette époque, des hauts dégoûts et des dédains superbes de la jeunesse ; on l’entourait, on faisait cercle, on l’appelait Monseigneur à tour de bras : pour moi, je ne pus parvenir à rattacher à la figure du personnage rien qui ressemblât à de la considération et à du respect.

464. (1890) L’avenir de la science « XII »

Le chimiste manipulant ses appareils ressemble fort à un manœuvre ; et pourtant il fait l’œuvre la plus libérale de toutes : la recherche de ce qui est. […] Le dessin général des formes de l’humanité ressemble à ces colossales figures destinées à être vues de loin, et où chaque ligne n’est point accusée avec la netteté que présente une statue ou un tableau.

465. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Nos armées, sur les frontières, étendaient un rideau de gloire sur tant de calamités, sur des forfaits qu’elles ne protégèrent jamais de leurs armes victorieuses : elles ressemblèrent aux deux enfants de Noé jetant un voile sur l’ivresse de leur père. […] Nos généraux ne ressemblaient point à ce farouche Romain qui dépouilla Corinthe de ses monuments : les arts furent traités par nous comme de nobles captifs, ou comme ces dieux que le peuple-roi ramenait de chez les nations vaincues, pour les placer au Capitole.

466. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

« Le Dieu de la conscience n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par-delà la création sur le trône désert d’une éternité silencieuse et d’une existence absolue qui ressemble au néant même de l’existence ; c’est un Dieu à la fois vrai et réel, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’Être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. » Cours de 1828, p. 123. « L’unité en soi, comme cause absolue, contient la puissance de la variété et de la différence. […] Pour qu’il soit le gardien de la morale, il faut qu’il ressemble à l’homme le plus qu’il se pourra ; il faut qu’on le considère comme un juge, comme un roi, comme un surveillant éternel, comme un distributeur de peines et de récompenses.

467. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Il ne prévit point assez que dans la constitution économique des états, de longues victoires ressemblent presque à des défaites ; que tout ce qui est violent, s’use par sa violence même ; que de grandes puissances, unies pour résister, doivent à proportion s’affaiblir beaucoup moins qu’une grande puissance armée pour attaquer ; que les grands hommes qui, à la tête de ses armées, étaient fiers de le servir, devaient, par leur exemple, faire naître d’autres grands hommes pour le combattre ; que toutes les fois qu’on fait de grands efforts, il ne peut y avoir de succès que ceux qui sont rapides, parce que les moyens extrêmes tendent toujours à s’affaiblir. […] On l’a comparé à Auguste ; il lui ressembla bien peu.

468. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Ils sont persuadés que l’écrivain, borné au rôle d’historien-philosophe, doit mieux voir et mieux peindre ce qu’il voit ; qu’en cherchant moins à en imposer aux autres, il en impose moins à lui-même ; que celui qui veut embellir, exagère ; qu’on perd du côté de l’exacte vérité tout ce qu’on gagne du côté de la chaleur ; que pour être vraiment utile, il faut présenter les faiblesses à côté des vertus ; que nous avons plus de confiance dans des portraits qui nous ressemblent ; que toute éloquence est une espèce d’art dont on se défie ; et que l’orateur, en se passionnant, met en garde contre lui les esprits sages qui aiment mieux raisonner que sentir. […] Que chacune de ses paroles soit sacrée ; que son silence même inspire le respect, et ressemble quelquefois à la justice.

469. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Plusieurs d’entre vous ont vu, comme moi, la physionomie vénérable de ce vieillard, qui ressemblait à l’ancien législateur des Scythes, voyageant dans Athènes. […] Il semble, en effet, que l’esprit du genre humain ressemble à celui des individus : il brille et s’éclipse tour à tour. […] Leurs opinions métaphysiques, que nous méprisons aujourd’hui, ressemblaient pourtant à quelques autres fort admirées. […] Le plus grand nombre de ses jugements ressemble à celui-là. […] Une femme de nos temps modernes ne ressemble pas sans doute à la femme d’Ulysse.

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