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235. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Les âmes au fond desquelles vivait encore une foi intense, avaient perdu l’enthousiasme : les nobles avaient ruiné la féodalité, les gens d’Église étaient en train de perdre l’Église et la religion : les grandes idées périssaient par les hommes qui les représentaient. […] On se représente communément la Renaissance comme un réveil de l’antiquité. […] Qu’on se représente la France de 1494 descendant pour la première fois de l’autre côté des Alpes, les fils des compères de Louis XI, des compagnons du Téméraire découvrant soudain au sortir de leurs bonnes villes et de leurs maussades plessis la claire et délicieuse Italie : ce fut une stupeur, un éblouissement, un enivrement.

236. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Toutes les écoles : décadente, réaliste, symboliste, naturiste, ont été chez lui largement représentées. […] Alors que les autres revues ne représentent qu’une part de l’effort littéraire contemporain, la Plume résume cet effort considérable en son entier. […] La France entière s’est fait ici brillamment représenter.

237. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Chacun de nous a cette conviction secrète qu’il représente à lui seul l’esprit national, et il refuse à cet esprit les qualités ou les défauts variés qu’il admire ou pardonne chez toute autre nation. […] Il a représenté un type alors prédominant, mais qui a passé, n’étant point assez conforme à celui de la vie simple et éternelle. En somme, ce ne sont point les lois complexes des sensations, des émotions, des pensées mêmes, qui rendent la critique d’art si difficile ; on peut toujours, en effet, vérifier si une œuvre d’art leur est conforme ; mais, lorsqu’il s’agit d’apprécier si cette œuvre d’art représente la vie, la critique ne peut plus s’appuyer sur rien d’absolu ; aucune règle dogmatique ne vient à son aide : la vie ne se vérifie pas, elle se fait sentir, aimer, admirer.

238. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

En un sens, la théorie classique, comme on l’appelle, convient par un côté à notre philosophie, car elle proclame l’idéal comme loi suprême de l’art, de même que nous considérons l’absolu et le divin comme cause suprême de la nature ; elle préfère, comme nous-mêmes, l’âme au corps et la raison aux sens ; elle place le beau dans l’expression de la vérité et du sentiment, non dans l’imitation colorée et violente des formes matérielles : par ces différentes raisons, la critique classique que représente M.  […] Eh bien, représentez-vous un instant la raison antique, cette mâle et solide raison, telle que l’avaient faite Platon, Démosthène et Cicéron. Représentez-vous le sens commun de l’antiquité dans quelqu’un de ses plus solides et de ses plus ingénieux représentants, et mettez entre les mains de cet excellent esprit l’un de ces écrits fugitifs, rapides, concis et obscurs, que l’apôtre enflammé d’une secte nouvelle envoyait alors à ses frères dispersés ; en un mot, donnez à lire à Quintilien ou à Pline le Jeune les épîtres de saint Paul : ou je me trompe fort, ou ces étranges écrits, si éloquents pour nous malgré le mystère dont ils sont voilés, paraîtront au philosophe et au rhéteur antiques des prodiges de folie.

239. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Ce qu’on sait, c’est qu’elle représente la, sagesse dans un siècle qui n’en avait pas… En cela, en son mari, comme en bien d’autres choses, elle ressemblait à Madame de Maintenon, dont l’infortune conjugale est connue. […] Stanislas-Auguste était bien charmant pour faire un Numa Pompilius, qu’on se représente toujours un peu pataud (est-ce parce qu’il fut un législateur ?) […] V Le portrait gravé par Rajon à la tête du volume, et qui représente ce Roi de beauté créé Roi politique par une femme, nous le montre avec son cou nu de taureau adouci découvert jusqu’à la poitrine, et ses magnifiques épaules pleines de promesses viriles et nonobstant d’une grâce tombante d’épaules de femme.

240. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Aussi, remarquez-le bien, les peuples qui n’ont pas de grands hommes pour les résumer et les représenter devant l’histoire n’ont pas de grands noms. […] La royauté n’est qu’un choix du Ciel ; celui qui en est revêtu doit encore plus le représenter par sa sagesse et sa bienfaisance que par des coups de vigueur et d’autorité. […] Il est aisé de conclure après cela que le Chou-king représente la guerre et le despotisme comme des incendies dont l’éclat passager ne laisse que des cendres et des pleurs. […] Quand les tribunaux ont jugé que je devais avoir égard à ce qu’on me représentait, j’y ai eu égard ; je n’ai jamais rejeté que les représentations qu’ils ont jugé que je devais rejeter. Pas même une seule fois il ne m’est arrivé d’empêcher qu’on ne me représentât ce qu’on croyait devoir me représenter.

241. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Ni l’asymptote, ni l’ellipse, ni la cycloïde ne peuvent nous en représenter la loi. » Les relations des choses ne sont pas sur un plan, mais dans l’espace. […] Une carte de géographie n’est possible que quand le pays qu’il s’agit de représenter a été exploré dans tous les sens. […] On cherche le christianisme dans les œuvres des Pères platoniciens, qui ne représentent qu’un second moment de son existence. […] Cette couleur est encore bien plus frappante dans Empédocle, qui représente trait pour trait le théurge oriental. […] L’œuvre belle est celle qui représente, sous des traits finis et individuels, l’éternelle et infinie beauté de la nature humaine.

242. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Le souvenir d’un de ces monuments de larmes, de ces pierres milliaires du pèlerinage de la vie au ciel, se représente avec tous ses accidents de lumière, d’ombre et de nature pittoresque à ma mémoire. […] Quelques âmes en peine, représentées sous des traits de femmes avec des mains suppliantes et de grosses larmes sous les paupières, se dégagent à demi des langues de flammes qui lèchent la muraille. […] XV Plus loin Dante demande son chemin aux âmes pour escalader le rocher, et il représente encore ici par une naïve comparaison pastorale l’empressement des âmes à le lui indiquer. […] « Et l’ortie du remords me piqua si cruellement au cœur que, plus j’avais aimé les autres choses qui m’avaient détourné d’elle, plus je les pris en dégoût. » XXI Ici l’allégorie toujours froide et confuse de la foi représentée par une femme et de la vertu représentée par l’amour recommence. […] Le ruisseau représente sans doute la grâce.

243. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Elle représente, en effet, une forme ordinaire de l’action utile, mal à propos transportée dans le domaine de la connaissance pure. […] Nous n’avons aucune raison, par exemple, de nous représenter l’atome comme solide, plutôt que liquide ou gazeux, ni de nous figurer l’action réciproque des atomes par des chocs plutôt que de toute autre manière. […] À vrai dire, personne ne se représente autrement le rapport de la quantité à la qualité. […] Faut-il s’étonner si notre entendement, s’exerçant désormais sur cette idée qui représente justement l’inversion du réel, n’y découvre que des contradictions ? […] Et comment ne représenteraient-elles pas la même durée, lors même qu’elles seraient doubles l’une de l’autre ?

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