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362. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

C’est de cette gloire, un moment consacrée, qu’il s’agit aujourd’hui de nous rendre bien compte. […] Mais, malgré les réserves de détail que l’on savait faire, personne alors ne se rendait bien compte de ce qui manquait foncièrement à ce style, et comment il péchait par la trame même. […] Selon Lemercier, qui s’en rendait mieux compte, il s’agissait, par certains essais, de repoétiser notre langue, devenue trop timide184. […] Parny avait contracté, à la fin de 1802, un mariage qui le rendit, durant ses dernières années, aussi heureux qu’on peut l’être quand le grand et suprême bonheur s’est enfui. […] Lorsqu’il était près de quitter l’île de France, lors de son dernier voyage, Éléonore lui envoya une négresse pour le prier d’aller la voir ; cette négresse était la même qui l’avait introduit en de plus doux rendez-vous.

363. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Tous ceux qui sont sur la liste des personnes attendues sont déjà rendus à la cour. […] Nous rendons grâces à votre majesté. […] Seigneur, il a la gorge coupée ; c’est moi qui lui ai rendu ce service. […] dût le trésor des germes de la nature rouler confondu jusqu’à rendre la destruction lasse d’elle-même ! […] Cependant je veux rendre ma tranquillité doublement tranquille, et prendre mes sûretés avec le destin.

364. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Une douleur rendue originale par la manière dont elle est subie, comme un rayon curieusement réfracté par la nacre ou l’opale, devient-elle libre en vertu de son caractère individuel ? […] En même temps, nous avons une tendance à nous rendre indépendants de ces objets internes tout comme des objets externes, et nous formons ainsi l’idée de volonté indépendante. […] Le seul fait de penser d’avance soit à une sensation, soit à une action, prépare à recevoir la sensation et la rend plus intense, prépare à l’action et la rend plus facile. […] Comme il s’agit alors d’une impossibilité, il est certain que l’idée de cette impossibilité ne la rendra pas possible. […] C’est alors la causalité s’exerçant sans raison en un sens plutôt qu’en l’autre ; il y a bien encore, selon eux, activité, mais non intelligibilité : la cause rend raison de l’effet en tant qu’elle le produit, mais elle n’en rend pas raison en tant qu’elle le produit tel et non tel.

365. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

M. de Humboldt lui-même, qui a dit en son Cosmos : « Buffon, écrivain grave et élevé, embrassant à la fois le monde planétaire et l’organisme animal, les phénomènes de la lumière et ceux du magnétisme, a été dans ses expériences physiques plus au fond des choses que ne le soupçonnaient ses contemporains » ; M. de Humboldt, en parlant ainsi, avait oublié l’hommage éclairé rendu à Buffon par Vicq d’Azyr, et que le sien propre ne fait que confirmer par des raisons scientifiques nouvelles61. […] Vicq d’Azyr, lié avec un grand nombre des promoteurs et des meneurs de la Révolution, ne se rendait à l’évidence qu’à l’extrémité ; il persistait à ne pas voir les choses aussi en noir qu’elles se prononçaient et éclataient de toutes parts à bien des yeux, et il ne désespérait qu’à son corps défendant pour ainsi dire. […] C’est le témoignage qu’ont rendu de lui tous les contemporains. […] La corvée retombait donc sur moi, et je me rendis au Louvre… La terreur de Vicq d’Azyr nous est encore mieux attestée par une pièce authentique qui est de sa main et dont je dois communication à M.  […] J’ose recommander cette idée au secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine, qui a déjà rendu un semblable hommage à Pariset.

366. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Je demande aujourd’hui à poursuivre cette espèce d’analyse pour les autres volumes, et à rendre quelque chose de l’effet général qui résulte d’une lecture suivie. […] Au lieu des chasses de Monseigneur, Dangeau nous rend exactement toutes ses revues, les fourrages de l’armée, le tous-les-jours du camp, comme il faisait du train de Versailles. […] L’accident principal du siège est l’attaque d’un ouvrage à cornes qui défend la place : « Samedi 31 avril. — Vauban a dit au roi que, s’il était pressé de prendre Mons, on pouvait dès aujourd’hui se rendre maître de l’ouvrage à cornes ; mais que, puisque rien ne pressait, il valait mieux encore attendre un jour ou deux, et lui sauver du monde. » Ce n’est pas le monde qu’on sauve, c’est du monde qu’on veut sauver à Louis XIV. […] La ville se rend après sept ou huit jours de tranchée ; le château tient un peu plus longtemps. […] En même temps les impôts augmentent ; les capitations ne rendent qu’avec lenteur.

367. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Plume habile, savante en couleurs, curieuse en nuances, cherchant l’art pour l’art, ayant moins à dire qu’à décrire, il a fait dans son genre des miracles de hardiesse et d’adresse ; il a fait rendre à notre langue plus qu’elle ne pouvait jusque-là. […] Car enfin si j’énumère dans ma pensée les différents écrivains et poètes qui ne sont point sans doute les cinq hommes forts proclamés par lui, mais qui, malgré cela, ont leur place au soleil, je trouve des talents élevés et distingués qui, lorsqu’ils s’expriment en vers, veulent dire chacun quelque chose et s’attachent à rendre de leur mieux des impressions, des sentiments. […] En revanche, il s’élève contre les écrivains de nos jours, semblables, dit-il, « à ces pianistes qui exécutent des impossibilités incompréhensibles, mais qui sont hors d’état d’inventer une mélodie, une ariette, une note. » Il s’élève contre les adorateurs idolâtres de la forme : « Cette forme il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu'elle recouvrait… Le gothique flamboyant fut le dernier effort de l’ogive mourante ; nous en sommes arrivés à la littérature flamboyante… » Mais prenez garde ! […] Il m’arrive assez souvent, dans l’intérieur de l’Académie, de me trouver en désaccord avec quelques-uns de mes honorables confrères pour qu’il me soit permis de les défendre et de leur rendre toute justice au dehors. […] Certes, M. de Lamartine a rendu en 1848 à la société des services dont il serait ingrat de perdre le souvenir ; mais littérairement, depuis des années, soit qu’il écrive l’Histoire de Turquie, soit qu’il emprunte celle de Russie à M. 

368. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Nous oublierons notre liaison avec l’auteur, notre amitié même pour lui, et nous rendrons à son talent le plus grand témoignage d’estime qui se puisse accorder, celui d’un jugement attentif, impartial et dégagé de toute complaisance. […] Pourquoi ne répondait-il pas à l’appel et ne paraissait-il pas au rendez-vous que lui assignait la voix générale, celle de la curiosité à la fois et de la bienveillance ? […] Se voyant de loisir et complètement livrés à eux-mêmes, comptant leurs forces et sentant croître leurs besoins, ils s’exaltèrent dans leurs prétentions ; la masse fermenta, des chefs ambitieux soufflèrent l’esprit de sédition, et lorsque Hannon, qui commandait pour les Carthaginois en Afrique, se fut rendu à Sicca et qu’au lieu de payer la totalité de la solde promise, il parla de réductions et de sacrifier une partie de la dette, on peut imaginer comme il fut reçu. […] Il ne faut rien s’exagérer pourtant, et lorsque du détail d’une civilisation on ne sait guère que ce qu’en apprennent les fouilles, et que ces fouilles ont rendu aussi peu qu’elles l’ont fait jusqu’ici sur le sol de Carthage, on se trouve bien en peine, malgré les travaux des Beulé et des Falbe, pour tout remettre sur pied et pour tout restituer. […] C’était la lune qui l’avait rendue si pâle, et quelque chose des dieux l’enveloppait comme une vapeur subtile.

369. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Cette justice rendue au plus méritant et au plus délicat des sacristains, nous entrerons dans la chapelle et nous reparlerons un peu, s’il vous plaît, d’Eugénie de Guérin. […] Ils n’ont plus de compte à rendre. […] Et, par exemple, un jour qu’Eugénie de Guérin visite le Nivernais (à quelques années de là), pour rendre son impression, elle dira : « Il fait bon courir, dans cette nature enchanteuse, parmi fleurs, oiseaux et verdure, sous ce ciel large et bleu du Nivernais. […] Ces expressions à la Wordsworth, — à l’Oberman et à la Chateaubriand, — qui ont en elles je ne sais quelle magie de sons et de syllabes en harmonie avec l’esprit des choses et avec la nature rendue, manquent généralement sous la plume d’Eugénie de Guérin. […] que cette timidité de bon goût et un peu excessive chez Mlle de Guérin est bien l’opposé de la manière osée, hardie, attaquante, de Mme de Gasparin qui, elle, ne trouve rien de trop franc à son gré, qui cherche, bien loin de les fuir, les notes aiguës, vibrantes, stridentes même, si elles rendent leur effet !

370. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Ce qu’il faut dire, au moins une fois pour toutes, c’est que la prétention de Bossuet, dans cette seconde partie de son Discours où il déroule et interprète l’histoire du peuple de Dieu, et où il fait de cette histoire exceptionnelle le nœud de celle de l’humanité pour tout le passé et pour tout l’avenir, est étrange si l’on s’en rend bien compte, et si l’on considère à quel prix elle se maintient. […] Disons la vérité et rendons toute notre pensée sans détour. […] Attendons-nous que Dieu fasse toujours de nouveaux miracles, qu’il les rende inutiles en les continuant ? […] Le génie social et civilisateur des Grecs l’a surtout gagné et lui inspire de belles paroles : « Le mot de Civilité, dit-il, ne signifiait pas seulement parmi les Grecs la douceur et la déférence mutuelle qui rend les hommes sociables ; l’homme civil n’était autre chose qu’un bon citoyen qui se regarde toujours comme membre de l’État, qui se laisse conduire par les lois et conspire avec elles au bien public sans rien entreprendre sur personne. » Le mot de Civilisation n’est pas dans Bossuet, mais il fait rendre à ce mot de Civilité tout ce qu’il peut contenir de meilleur et de plus étendu. […] Ce qui les forme, ce qui les achève, ce sont des sentiments forts et de nobles impressions qui se répandent dans tous les esprits et passent insensiblement de l’un à l’autre… Durant les bons temps de Rome, l’enfance même était exercée par les travaux ; on n’y entendait parler d’autre chose que de la grandeur du nom romain… Quand on a commencé à prendre ce train, les grands hommes se font les uns les autres ; et si Rome en a porté plus qu’aucune autre ville qui eût été avant elle, ce n’a point été par hasard ; mais c’est que l’État romain constitué de la manière que nous avons vue était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros. » La guerre d’Annibal est très-bien touchée par Bossuet ; et quand il a bien saisi et rendu le génie de la nation, la conduite principale qu’elle tint les jours de crise, et le caractère de sa politique, il ne suit pas l’historique jusqu’au bout, comme l’a fait et l’a dû faire Montesquieu.

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