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265. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Il n’était pas tel que nous le voyons aujourd’hui lorsqu’à pas lents, un peu voûté et comme affaissé, il s’achemine tous les jours régulièrement par les quais jusque chez Crozet et Techener, ou devers l’Académie les jours de séance, afin que cela l’amuse, comme dirait La Fontaine. « Vous l’avez rencontré cent fois, vous l’avez coudoyé, dit un spirituel critique, qui en cette occasion est peintre168, et sans savoir pourquoi vous avez remarqué sa figure anguleuse et grave, son pas incertain et aventureux, son œil vif et las, sa démarche fantasque et pensive. » Prenez garde pourtant, attendez : il y a de la vigueur encore sommeillante sous cette immense lassitude, il survient de singuliers réveils dans cette langueur. Un jour que je le rencontrais ainsi dans une de ces cours de l’Institut que les profanes traversent irrévérencieusement pour raccourcir leur chemin, comme on traverse une église, — un jour que je le rencontrais donc, et qu’arrivé tout fraîchement moi-même de sa Franche-Comté et de son Jura, je lui en rappelais avec feu quelques grands sites, il m’écoutait en souriant ; mais j’avais cherché vainement le nom de Cerdon pour le rattacher à cette haute et austère entrée dans la montagne après Pont-d’Ain : ce nom de Cerdon, que je ne retrouvais pas et que je balbutiais inexactement, avait dérouté à lui-même sa mémoire, et nous avions tourné autour, sachant au juste de quel lieu il s’agissait, mais sans le bien dénommer. […] Il serait chimérique de prétendre ressaisir et désigner, au sein d’un talent aussi complexe et aussi mobile, le reflet et le croisement de tous les rayons étrangers qui y rencontraient, y éveillaient une lumière vive et mille jets naturels. […] Si de tout temps il y eut en sa manière quelque chose qui est le contraire de la condensation, ces qualités élargies n’ont pas dépassé la mesure en se continuant, et elles ont rencontré, pour y jouer, des cadres de mieux en mieux assortis.

266. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Réunissons en un groupe et en un faisceau toutes les capacités et facultés, communes ou propres, qui se rencontrent en lui, et nous saurons ce qu’il est, en sachant ce qu’il contient. […] Toutes ces conditions se rencontrent dans le rêve ; c’est pourquoi nous avons en songe non seulement des perceptions extérieures fausses, mais encore des souvenirs faux68. […] Notez que tout ce rêve était un roman ; mais le recul et l’emboîtement s’étaient faits spontanément sans rencontrer de représentation contradictoire, en sorte que l’article imaginé se trouvait affirmé. […] « En 1541, à Padoue, dit Wier, un homme qui se croyait changé en loup courait la campagne, attaquant et mettant à mort ceux qu’il rencontrait. […] Cela fait, aidé d’une formule, il considère leur couple en soi, exclusion faite de tous les cas particuliers où ils se rencontrent.

267. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Bien plus, beaucoup de nos corps chimiques, l’hydrogène, le fer, le sodium, d’autres encore, se rencontrent dans le soleil, à trente-cinq millions de lieues de notre terre, au-delà encore dans des étoiles si éloignées qu’il faut plusieurs années à leur lumière pour arriver jusqu’à nous, ou que leur distance échappe à toutes nos mesures. — À cette distance prodigieuse, les astres restent pesants comme notre terre ; on s’en est assuré par les mouvements des étoiles doubles. […] Mais d’autre part ce groupe ne convient qu’à cet homme et ne dure comme lui qu’un court intervalle de temps. — À présent, de l’individu, passez à la race ; c’est l’inverse qui arrive ; sans doute ici, les caractères communs sont beaucoup plus répandus dans l’espace et durent bien davantage dans le temps, puisqu’ils se rencontrent dans un nombre indéfini d’individus contemporains et se répètent à travers un nombre indéfini de générations successives. […] Après une observation plus minutieuse et plus pénétrante, il se trouve que cette idée était trop large : il n’y a pas dans la nature de type qui lui corresponde ; les organes de circulation et de respiration, le squelette, les membres, ne sont pas les mêmes chez les poissons proprement dits et chez le narval, le cachalot, le dauphin, la baleine ; ceux-ci sont des mammifères ; il faut les retirer et les placer à part ; cette opération faite, mon idée, ramenée à de justes bornes, concorde avec un groupe naturel de caractères effectivement liés et qui se rencontrent toujours ensemble, ceux du poisson. — Par contrecoup, mon idée du mammifère s’agrandit ; elle était trop étroite, puisqu’elle ne contenait que des animaux terrestres, à quatre pieds, qui allaitent ; j’y fais rentrer les cétacés qui nagent et les chéiroptères qui voient ; dorénavant, élargie et proportionnée à l’extension du type, elle s’applique à toutes les espèces qui présentent le même groupe de caractères, quelles que soient leurs différences d’apparence extérieure et d’habitation. […] D’autres caractères ou groupes de caractères, encore plus généraux, se rencontrent, sous le nom de propriétés chimiques et physiques des corps, non seulement dans le monde vivant, mais aussi dans le monde inorganique. […] IV On comprend que ce procédé peut s’appliquer à toutes les classes d’objets, puisque, dans toutes les classes d’objets, nous rencontrons et nous isolons des caractères généraux capables d’être combinés les uns avec les autres.

268. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Il ajoute qu’il avait rencontré une sœur Philomène à l’hôpital, qu’elle avait épousé un de ses amis, qui est mort de phtisie, il y a quelques années. […] Eh bien, il a fallu qu’il se rencontrât un homme de talent, pour rendre le thème ridicule à force d’être caricatural et outré, en faisant tout bêtement de cette jeune fille, une empoisonneuse et une assassine à la d’Ennery. […] Mercredi 9 juin Visite aujourd’hui de Mme ***, cette jeune fille que j’ai eu la velléité d’épouser, en sortant du collège, et que j’ai rencontrée, une seule fois, dans ma vie, une vingtaine d’années après, dans un petit chemin de Bellevue, un jour que mon frère et moi, nous allions voir Banville, à la maison de santé du docteur Fleury. […] Il parle du cerveau de sa femme, comme vu à jour pendant le délire du chloroforme, et des hautes choses qui en sont sorties, et qui étonnaient l’accoucheur, n’ayant jamais rencontré chez ses accouchées, un cerveau pareil. […] Il dit tout ce qu’il y aurait mis maintenant, et décrit l’effet que lui avait fait à lui, accoutumé aux arbres d’un vert noir, aux rivières de la Provence roulant de la poussière, l’effet que lui avait fait le paysage lyonnais, avec la claire verdure de ses peupliers montant dans le ciel, et le murmure courant de ses ruisseaux, qui le poussait à courir affolé par la campagne, — et il cite un joli vers, un vers à la façon de la poésie de ces années, peignant cela, et qu’il a fait à onze ans : J’aime ouïr le frais murmure du ruisseau Dans le sentier……… Et encore, ajoute-t-il, j’ai eu le malheur de rencontrer quelqu’un, à qui j’ai lu le commencement de mon livre, et qui m’a dit que c’était enfantin.

269. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Les deux Nouvelles que publie la Bibliothèque des chemins de fer laissent le regret que les œuvres complètes d’Edgar Poe n’aient pas rencontré un traducteur qui nous mît à même de juger l’auteur américain dans toute la variété de ses inspirations et chaque scintillement de son génie. […] Imagination emportée vers le merveilleux, le surnaturel, le fantastique, il rencontra d’abord et toujours autour de lui, comme un cercle de Popilius infranchissable, tout un monde qui ne lui fit pas rebrousser chemin, — car il était vigoureux — mais qui devait contrarier, comme nous le verrons, son action spontanée, et même y mêler beaucoup de la sienne. […] Le fait est que j’ai rencontré, en revenant ici, le lieutenant G…, et que j’ai fait la sottise de lui prêter l’insecte, qu’il a porté au fort ; impossible donc de le voir avant demain matin. […] et la science appliquée à l’industrie ; et, à cause de cela, au point de vue du merveilleux et de la poésie, son voyage dans la lune est bien au-dessous, par exemple, de celui de Cyrano de Bergerac, ce Rodomont de l’hyperbole, qui, à force d’audace, rencontra heureusement parfois. […] VIII Ainsi, en plein cœur de son propre talent, pour le diminuer et le piquer de sa tâche, voilà que nous rencontrons le Bohème, c’est-à-dire l’homme qui vit intellectuellement au hasard de sa pensée, de sa sensation ou de son rêve, comme il a vécu socialement dans cette cohue d’individualités solitaires qui ressemble à un pénitentiaire immense, le pénitentiaire du travail et de l’égoïsme américain !

270. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Vingt autres les avaient rencontrées avant nous ; qu’importe encore ? […] Sache que, de tous ceux que j’ai rencontrés (et j’en ai connu un très grand nombre), je n’en ai jamais vu un seul si merveilleusement doué. […] Elles ne se sont donc pas rencontrées dans toute nation ; elles ne sont réunies que pour cette nation. […] Quoi qu’en dise M. de Montalembert, elles se sont rencontrées en Angleterre. […] Il s’en est rencontré d’autres aussi spéciales et tout opposées.

271. (1876) Romanciers contemporains

Qu’y rencontreront-ils comme héros ? […] Se sentant las et altérés, ils s’arrêtèrent au bord d’une fontaine qu’ils rencontrèrent sur leur chemin. […] Il trouve toujours l’expression propre, apparemment parce qu’il la cherche jusqu’à ce qu’il l’ait rencontrée. […] L’ayant vu nu, il l’a décrit nu même lorsqu’il l’a rencontré ivre-mort et vomissant près d’une borne. […] Le lecteur est ravi, parce que, a dit Pascal, il craignait de rencontrer un écrivain, et il a trouvé un homme.

272. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

Nous nous sommes contenté de jouir en silence des beautés de sentiments qui débordent de ces pages, de pleurer avec le père, de remonter avec l’époux et l’ami le courant des jours évanouis où nous nous sommes rencontrés en poésie à nos premiers vers.

273. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Je suis persuadé que son ouvrage rencontrera le succès auquel il a droit : les spécialistes, comme je l’indiquais à l’instant, y trouveront matière à compléter leurs connaissances et sans doute à découvrir des aperçus nouveaux ; la masse du public, elle aussi, voudra lire ce livre et ceux qui le suivront, car, aujourd’hui comme au temps de La Fontaine, nous aimons tous et toujours à nous faire conter l’histoire de Peau d’Ane ; notre plaisir se double même d’une piquante sensation de curiosité lorsque c’est un nègre qui nous la conte, pourvu que ce nègre ait trouvé un interprète aussi averti que l’est M. 

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