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555. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

La religion est la pensée dominante des Harmonies. […] L’Hymne au Christ respire une pieuse et filiale inquiétude sur l’avenir humain de la religion ; le poëte ressent profondément la plaie du christianisme dans notre âge : Ô Christ !

556. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

L’illustre auteur de Wilhem Meister lui rend justice quand il dit : « Tous les pressentiments sur l’homme et sur sa destinée qui me tourmentaient depuis mon enfance d’une vague inquiétude, je les retrouve dans Shakspeare expliqués et remplis ; il éclaircit pour nous tous les mystères, sans qu’on puisse indiquer où se trouve le mot de l’énigme. » S’il n’est pas exact d’avancer que Shakspeare éclaircit tous les mystères, du moins il les soulève, et, depuis lui, la grande poésie est partagée comme la religion. […] La Bénédiction de Dieu dans la solitude unit à cette belle réalité de notre sol et de notre nature une sorte de religion salubre qui passe de tous les objets à l’âme, qui la pénètre et la rend saine.

557. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

La Religion et l’Art, ces deux points élevés, ces deux sommets que quelques-uns croient apercevoir devant nous à l’horizon, et qu’ils tâchent de démontrer aux autres, lesquels prétendent n’y rien voir ; ces deux pics merveilleux, qui ne sont pour certains regards sévères qu’une fantaisie dans les nuages, apparaissent aux directeurs de la Revue comme les deux phares de l’avenir ; ils essaient souvent de s’en approcher et d’en gravir les premières hauteurs. […] En politique, l’avènement du prolétariat ; en religion, l’hostilité contre le christianisme, contre le spiritualisme pur, et l’appel à un panthéisme encore confus ; en art, le symbolisme le plus vaste : tels nous apparaissent les principes généraux, flottants sans doute, mais pourtant saisissables, inscrits sur les bannières de cette école.

558. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Il y a des vertus toutes composées de craintes et de sacrifices, dont l’accomplissement peut donner une satisfaction d’un ordre très relevé à l’âme forte qui les pratique ; mais, peut-être, avec le temps découvrira-t-on que tout ce qui n’est pas naturel, n’est pas nécessaire, et que la morale, dans divers pays, est aussi chargée de superstition que la religion. […] Sans vouloir méconnaître le lien sacré de la religion, on peut affirmer que la base de la morale, considérée comme principe, c’est le bien ou le mal que l’on peut faire aux autres hommes par telle ou telle action.

559. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Et avec cela, comme au siècle précédent, la conversation, où toute matière était touchée, où, devant les femmes et par elles, jamais avec pesanteur, parfois avec profondeur, étaient agitées les plus sérieuses questions de morale et de religion, de politique et d’économie. […] Depuis, les assauts qu’a subis la religion ayant tourné vers les dogmes et les pratiques l’attention de l’âme croyante, l’influence qu’a exercée malgré tout sur elle la philosophie, ayant fait passer au premier rang l’exercice des vertus bienfaisantes et la poursuite du bien extérieur, la dévotion n’est plus aussi fréquemment qu’autrefois accompagnée d’un progrès intellectuel.

560. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Enfin, au-dehors comme au-dedans, les croyances en lutte, les consciences en travail ; de nouvelles religions, chose sérieuse ! qui bégayent des formules, mauvaises d’un côté, bonnes de l’autre ; les vieilles religions qui font peau neuve ; Rome, la cité de la foi, qui va se redresser peut-être à la hauteur de Paris, la cité de l’intelligence ; les théories, les imaginations et les systèmes aux prises de toutes parts avec le vrai ; la question de l’avenir déjà explorée et sondée comme celle du passé.

561. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Il y a de très bonnes choses dans la partie mathématique, & dans la partie physique de cet ouvrage, lorsque les points qu’on y traite n’ont aucun rapport direct ou indirect avec la religion & les bonnes mœurs. Mais en général, peut-on conseiller la lecture de ce Dictionnaire à tout homme qui aime la Religion ?

562. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Elle ne lui reprochait pas de reconnaître une religion d’État ; mais que cette religion d’État fût le catholicisme, c’est le coup auquel elle ne s’attendait ni ne se résignait. […] Elle y proclamait la nécessité de restaurer en France l’idée religieuse ; mais « en bonne calviniste », disait-elle, elle proposait d’établir comme religion d’État la religion protestante. […] Le protestantisme devenu religion d’État sera la plus formidable machine de guerre qu’on ait jamais dirigée contre le catholicisme et ses alliés. […] L’amour, unique souci et culte unique, leur crée une morale à leur usage et une religion. […] Enfin le beylisme avait passé religion !

563. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Le poëme devait avoir trois chants, à ce qu’il semble : le premier sur l’origine de la terre, la formation des animaux, de l’homme ; le second sur l’homme en particulier, le mécanisme de ses sens et de son intelligence, ses erreurs depuis l’état sauvage jusqu’à la naissance des sociétés, l’origine des religions ; le troisième sur la société politique, la constitution de la morale et l’invention des sciences. […] Il ne l’est pas moins de Boulanger et de tout son siècle par l’explication qu’il tente de l’origine des religions, au second chant. […] Il eût expliqué, par quelque chose d’analogue peut-être, la base impie de la religion des Éthiopiens et le vœu présumé de son fondateur : Il croit (aveugle erreur !) […] Et traîne Encore après ses pas la moitié de sa chaîne. » Le troisième chant devait embrasser la politique et la religion utile qui en dépend, la constitution des sociétés, la civilisation enfin, sous l’influence des illustres sages, des Orphée, des Numa, auxquels le poëte assimilait Moïse. […] Il est vrai, il est incontestable, et, de manière ou d’autre, il faut que je le démontre. — Alors, plus ils ont d’esprit, de pénétration, de savoir, plus ils sont habiles à se faire illusion, à inventer, à unir, à colorer les sophismes, à tordre et défigurer tous les faits pour en étayer leur échafaudage… Et pour ne citer qu’un exemple et un grand exemple, il est bien clair que, dans tout ce qui regarde la métaphysique et la religion, Pascal n’a jamais suivi une autre méthode. » Cela est beaucoup moins clair pour nous aujourd’hui que pour André, qui ne voyait Pascal que dans l’atmosphère d’alors, et, pour ainsi dire, à travers Condorcet. — Dans les fragments de mémoires manuscrits de Chênedollé, qui avait beaucoup vécu avec des amis de notre poète, je trouve cette note isolée et sans autre explication : « André Chénier était athée avec délices. » 54.

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