Regardez chez M. […] L’attitude de l’esprit les fait naître ; ils ont pour cause un point de vue ; la conscience n’est qu’une manière de regarder. Regardez un bien en général, et par exemple, prononcez ce jugement universel que la mort est un mal.
Son siècle y prêtait, et il ne manque pas de le prendre à témoin pour toutes les contradictions qu’il rassemble : Regardez cet univers, mon aimable amie, jetez les yeux sur ce théâtre d’erreurs et de misères qui nous fait, en le contemplant, déplorer le triste destin de l’homme ! […] de tous les points de vue auxquels on peut se placer pour le regarder, il en est un qui me paraît le plus juste et qui est aussi le plus simple : voyons-le à son moment dans le siècle ; voyons-le en lui-même et dans ses écrits, dans ses pensées confidentielles, dans tout ce qui lui échappe de contradictoire et de sincère.
Vandamme était devenu circonspect depuis Kulm, et, même dans son intrépidité habituelle, il regardait désormais à deux fois derrière lui. Tout à l’heure, c’était Reille qui y regardait à deux fois devant lui, depuis Vittoria.
Et, d’abord, on a droit de regarder comme non avenus, par rapport à La Fontaine et à son époque, les anciens poëmes français antérieurs à la découverte de l’imprimerie, si l’on excepte le Roman de la Rose, dont le souvenir s’était conservé, grâce à Marot, durant le xvie siècle, et qu’on lisait quelquefois ou que l’on citait du moins. […] Ce soin extrême n’a pas lieu de nous surprendre dans l’ami de Boileau et de Racine, quoique probablement il y regardât de moins près pour cette foule de vers galants et badins dont il semait négligemment sa correspondance.
Mais sir Walter Scott n’y regarde pas de si près ; et deux pages plus loin, pour prouver l’immoralité du siècle, il allègue les Mémoires de madame Roland, dont il compare le ton à celui d’une courtisane de haut parage. […] Quand sir Walter Scott en viendra à la campagne d’Italie et à la correspondance de Bonaparte avec Joséphine, il comparera le style étincelant de ces lettres au langage d’un berger arcadien, et il ajoutera ces singulières paroles qu’on croirait entendre sortir des lèvres froncées d’une milady autour d’une table à thé : « Nous ne pouvons nous dispenser de dire que dans certains passages, qu’assurément nous ne citerons pas, cette correspondance offre un ton d’indélicatesse (indelicacy) que, malgré l’intimité du lien conjugal, un mari anglais n’emploierait pas, et qu’une femme anglaise ne regarderait pas comme l’expression convenable de l’affection conjugale. » Risum teneatis… Maintenat que nous avons un échantillon du XVIIIe selon sir Walter Scott, prenons une idée du tableau qu’il trace de la révolution francaise : « La définition du tiers état par Sieyes fit fortune, au point que les notables demandèrent que les députés du tiers fussent égaux en nombre aux députés de la noblesse et du clergé réunis, et formassent ainsi la moitié numérique des délégués aux États généraux. » Mais on sait que l’Assemblée des notables se prononça contre le doublement du tiers, et que le bureau présidé par Monsieur fut le seul qui vota pour cette mesure.
Ils sont déjà loin de nous ces loisirs faciles, dédaigneux, où l’élite de la société, au balcon, regardait passer et se heurter la masse. […] Chacun en est plus ou moins, et s’arrange, comme il peut, pour faire route et regarder à la fois.
Sur tes liens détruits assez de vaines larmes ; Assez rôder autour du nid tant regretté ; Assez regarder fuir les cimes des grands chênes, Et voir fumer le toit où l’on fut abrité ! […] tu n’es plus solitaire et sans joie ; Dans la nue, au désert, perdue à tous les yeux, Quand tu veux te guider, tu regardes la voie Où marche en grossissant le groupe harmonieux.
Il arrive à chaque moment qu’un son appelle un son et le mot un mot : on s’amuse de leur cliquetis, et le hasard fait parfois qu’il en jaillit l’étincelle d’une idée : quand on regarde ce qu’on dit, après qu’on a parlé, il se trouve qu’on a dit quelque chose ; l’oreille a chassé pour l’esprit. « Traduttore, traditore », dit-on : sans la ressemblance des sons, on n’eût peut-être pas sitôt ni si bien remarqué la trahison que faisaient les traducteurs à leurs originaux. […] Taine : « J’étais hier vers cinq heures du soir sur le quai qui longe l’Arsenal, et je regardais en face de moi, de l’autre côté de la Seine, le ciel rougi par le soleil couchant.
Volontiers aussi les faiseurs de chansons se regardaient eux-mêmes et disaient leur vie, ses joies et ses misères ; les pauvres diables qui attendaient leur subsistance de la libéralité des nobles patrons ou des auditeurs populaires, étaient amenés à se prendre pour sujets de leurs chansons comme de leurs fabliaux. […] Regardons comment ce poète voit Marie l’Égyptienne au désert, toute nue, la chair noire, la poitrine moussue : Cheveux épars sur ses épaules.