Beaubourg dans la même scene s’avançoit avec la hauteur d’un maître au milieu de ses esclaves, parmi lesquels il sembloit compter les spectateurs eux-mêmes, à qui son regard faisoit baisser les yeux. […] L’abattement de la douleur permet peu de gestes ; la réflexion profonde n’en veut aucun : le sentiment demande une action simple comme lui : l’indignation, le mépris, la fierté, la menace, la fureur concentrée, n’ont besoin que de l’expression des yeux & du visage ; un regard, un mouvement de tête, voilà leur action naturelle ; le geste ne feroit que l’affoiblir. […] César doit à peine laisser tomber un regard sur Ptolemée. […] Lorsque Alvarès vient annoncer à Zamore & à Alzire l’arrêt qui les a condamnés, cet arrêt funeste est écrit sur le front de ce vieillard, dans ses regards abattus, dans ses pas chancelans ; on frémit avant de l’entendre. […] La vraie gloire a pour objets l’utile, l’honnête & le juste ; & c’est la seule qui soûtienne les regards de la vérité : ce qu’elle a de merveilleux, consiste dans des efforts de talent ou de vertu dirigés au bonheur des hommes.
Il faut espérer que des phénomenes de cette espece n’auront plus lieu sous les regards de M. de Lamoignon. […] Ils décident, ils tranchent, & ils se persuadent que leur taille a cru de dix coudées, lorsqu’ils ont jeté quelque regard dédaigneux, ou proféré quelque mot au désavantage d’un auteur qu’ils n’aiment pas. […] Toutes les bibliotheques du monde disparoissent à leurs yeux, parce qu’il n’y a que leurs productions dignes de leurs regards. […] C’est-à-dire qu’un bel-esprit regarde comme un larcin qu’on lui fait, tout moment dont il ne jouit pas pour s’attirer les regards de la société.
À côté de ces pages de critique puérile, le livre du comte Tolstoï en renferme d’autres où, d’un puissant coup d’aile, le penseur s’élève soudain dans les hautes régions de l’esthétique, et d’un regard pénétrant nous ouvre, sur l’essence de l’art, des vues intéressantes et originales. […] Considérée comme expression du Monde, la Musique est un langage universel au suprême degré, qui, par rapport à l’universalité des concepts, se trouve à peu près dans la même relation que ceux-ci au regard des objets concrets. […] Nietzsche, qui pendant de longues années fut en quelque sorte le disciple le plus fervent de Wagner, qui put l’observer de près de son regard pénétrant de philosophe et d’analyste, qui dut chercher à se rendre compte du phénomène hautement intéressant qu’il avait sous les yeux, n’aurait certainement pas conçu sa thèse si hardie et si nouvelle sur la tragédie antique, sans les suggestions de celui qu’il considérait à ce moment comme un génie exceptionnel et sans égal. […] Les antiques légendes qu’il utilise, son souci d’ennoblissement de ces dieux et de ces héros étranges, — qui ne sont après tout que des bêtes fauves souveraines avec des accès de générosité et de lassitude de vivre, — la façon dont il a ranimé ces figures en y ajoutant l’aspiration du moyen âge chrétien à la sensualité extatique et à l’ascétisme, toute cette manipulation wagnérienne au regard des sujets, des âmes, des attitudes et des mots, se traduit clairement dans l’esprit de sa musique, autant que la musique peut parler avec clarté.
Que l’on jette un regard rapide sur l’ensemble de la littérature, bien peu d’œuvres apparaissent sans déchets ni scories. […] Ce n’est plus alors qu’une ample sonorité dont le battement agite la surface de la phrase ( car tes yeux n’avaient pas le regard qui défend et ta main n’avait pas le geste qui repousse ), une grande ondulation oratoire en quoi l’on retrouve, assoupie et amortie, l’ampleur de l’antithèse romantique, Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin. […] Il chatoie, arrête le regard.
Les manifestations vitales que nous apercevons au dehors ont une cause intérieure, cachée à nos regards. […] Cette rage ne s’éteignit qu’avec la vie, et lorsque le chien ne pouvait plus la manifester par ses lèvres et par ses dents, elle était encore dans ses regards, qui, les derniers, exprimèrent sa furie. […] Cette rénovation moléculaire est insaisissable pour le regard direct ; mais, comme nous voyons le début et la fin, l’entrée et la sortie des substances, nous en concevons les phases intermédiaires, et nous nous représentons un courant de matières qui traverse continuellement l’organisme et le renouvelle dans sa substance en le maintenant dans sa forme.
Il vit tout en un clin d’œil, mais au moment de remonter au ciel, il s’avisa d’avoir oublié de jeter un regard sur les lieux où se rend la justice. […] C’était un beau causeur, avec son monocle traditionnel et sa cigarette légendaire, gai tout juste, enjoué parfois, il portait beau ses cinquante et quelques années ; et, à contempler sa large tête hâlée, ses traits hardis et réguliers, son grand front obstiné, son nez droit volontaire, ses lèvres assez fortes, dessinées d’une ligne extraordinairement nette et pure, tout cet ensemble athlétique que confirmait un regard clair, troublant dès qu’il insistait, on eût dit plutôt un Breton, et un dur Breton, qu’un créole. […] Où notre regard luit comme un céleste feu ………………………………………………… (Bonheur.)
La grace en peinture, en sculpture, consiste dans la mollesse des contours, dans une expression douce ; & la peinture a par-dessus la sculpture, la grace de l’union des parties, celle des figures qui s’animent l’une par l’autre, & qui se prêtent des agrémens par leurs attitudes & par leurs regards. […] De son tems, & de celui de ses successeurs, florissoit Carthage ; & la république romaine commençoit à fixer sur elle les regards des nations. […] On cite sur-tout cet artifice avec lequel un peintre mit un voile sur la tête d’Agamemnon dans le sacrifice d’Iphigénie ; artifice cependant bien moins beau que si le peintre avoit eu le secret de faire voir sur le visage d’Agamemnon le combat de la douleur d’un pere, de l’autorité d’un monarque, & du respect pour ses dieux ; comme Rubens a eu l’art de peindre dans les regards & dans l’attitude de Marie de Médicis, la douleur de l’enfantement, la joie d’avoir un fils, & la complaisance dont elle envisage cet enfant.
un homme de la race de Confucius, d’Aristote, qui, jetant sur les institutions de l’Europe un regard créateur, infaillible, prophétique, ait cherché dans l’idéal vrai les principes d’amélioration, de perfectionnement, de justice, de nature à les introduire dans les lois sans subvertir le monde et à inoculer au corps social une dose de vérités absolues sans le faire mourir dans son opération médicale ?
Ses premières impressions furent des impressions de guerre, ses premiers regards rencontrèrent les signes caractéristiques de la société féodale.