/ 2696
680. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Les enfants y reconnaissent les mœurs du chien qu’ils caressent, du chat dont ils abusent, de la souris dont ils ont peur ; toute la basse-cour, où ils se plaisent mieux qu’à l’école. […] Ils apprennent du fabuliste à reconnaître leurs impressions, à se représenter leurs souvenirs. […] Mais si, dans cet orgueil de la vie, il en est un qui, par désœuvrement ou par fatigue des plaisirs, ouvre le livre dédaigné, quelle n’est pas sa surprise, en se retrouvant parmi ces animaux auxquels il s’était intéressé enfant, de reconnaître par sa propre réflexion, non plus sur la parole du maître ou du père, la ressemblance de leurs aventures avec la vie, et la vérité des leçons que le fabuliste en a tirées ! […] Sous ces peaux de bêtes, je reconnais les scolastiques.

681. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Mais précisément parce qu’elle le cache, elle en reconnaît l’existence et peut la faire découvrir. […] Si nous comprenons ce qu’il y a d’incohérent, d’essentiellement mauvais, de ridicule dans le monde, reconnaissons aussi nos incohérences et nos petitesses, et si nous ne pouvons les comprendre, méfions-nous en par provision. […] C’est l’ironie de ceux qui ne veulent pas prendre la peine d’entrer dans les opinions et les sentiments d’autrui ou qui ne peuvent y parvenir, mais qui les dédaignent ostensiblement, en ayant l’air d’en avoir reconnu de toute éternité le peu de valeur. […] L’homme n’est à peu près jamais capable de poursuivre, ni de reconnaître clairement les fins très hautes et très éloignées.

682. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Ce costume ne les gêne pas pour causer des choses supérieures ; mais l’idée ne leur viendrait pas, en un tel habillement, de fumer un cigare ensemble, ou de tenir d’humbles propos, ou de reconnaître les plus légitimes exigences du corps. […] Nous demander un service serait à nos yeux un acte de corruption, une injustice à l’égard du reste du genre humain ; ce serait au moins reconnaître que nous tenons à quelque chose. […] Tout ce que j’ai fait autrefois paraîtrait maintenant acte de folie, et parfois, en regardant autour de moi, je crois vivre dans un monde que je ne reconnais plus. […] Plus tard, je vis bien la vanité de cette vertu comme de toutes les autres ; je reconnus, en particulier, que la nature ne tient pas du tout à ce que l’homme soit chaste.

683. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Dans les rôles secondaires s’affirme la façon allemande de comprendre et de jouer le drame : ces très honnêtes gens traduisent en leur vie de tous les jours la vie toute mythique de leurs personnages ; sincères donc et simples, mais toujours en ces chevaliers du Saint Gral on reconnaît les sympathiques habitués des brasseries. […] Wagner a toujours reconnu les liens qui unissent l’Art à la Religion ; il n’a jamais outrepassé les limites qui les séparent. […] ici nous la reconnaissons franchement, sans amertume, en souriant » (VIII, 37). Et en 1882, dans l’article daté de Venise, 1er novembre, et consacré au souvenir des représentations de Parsifal qui venaient d’avoir lieu, il écrit : « Oublier dans la contemplation de l’œuvre d’art — rêvée mais vraie — le monde réel du mensonge, c’est la récompense pour la douloureuse véracité qui nous a forcés de reconnaître que ce monde n’est que misère » (X, 395). — Nulle part, dans ce poème de Parsifal, nous ne touchons au monde réel.

684. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

  Pour pouvoir faire cette étude librement, il me faudra d’abord consacrer quelques pages à la réfutation d’une opinion qu’on répète avec tant de persistance, chaque écrivain empruntant l’idée l’un à l’autre, que bientôt elle sera passée à l’état de fait reconnu et indiscutable. […] Par contre, il enseigne : « Vérité, réalité, sensualité, sont trois termes identiques… il n’y a d’autre preuve de l’être que l’amour, que les sens. » Et Wagner nous dit : « Ce qui m’attira vers Feuerbach, ce fut que cet écrivain renie la philosophie et qu’il donne de la nature humaine une explication dans laquelle je crus reconnaître l’homme artiste tel que je l’entendais moi-même » (III, 4). […] Et toute question de doctrines métaphysiques à part, il faut bien reconnaître que Schopenhauer est le premier philosophe qui ait tenté une esthétique satisfaisante de l’art, et qui ait reconnu à la musique la place qui lui revient de fait.

685. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

J’en ai déjà vu d’autres, fort différents ; mais j’en reconnais les caractères essentiels. […] On avait vaguement reconnu les rapports du physique et du moral, et les rapports généraux du système nerveux et des fonctions mentales : mais nul n’en avait tenté une démonstration précise. […] Lewes répond à cette critique par la distinction suivante : s’il s’agit de reconnaître que la psychologie est une science possible, et de grande valeur ; que l’analyse subjective a été méconnue par Comte, et qu’il a eu le tort de regarder l’observation interne comme un procédé illusoire ; je suis avec M.  […] Mais s’il s’agit de reconnaître dans la psychologie une science indépendante, séparée de la biologie, et de lui assigner une place à part dans la hiérarchie des sciences abstraites, alors je suis avec M. 

686. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

De l’autre, les femmes furent écartées de l’héritage paternel et furent considérées comme impropres à fonder en droit un lien de parenté, en sorte que la famille reconnue par la loi ancienne différa de la famille telle que l’établissent les liens du sang. […] Il en était de même du fils de cette femme qui reconnaissait pour aïeul, le père ce son père, mais non pas le père de sa mère. […] Et ce n’est également que d’une façon détournée que la parenté établie par le sang parvint à se faire reconnaître et à se faire accorder en droit les mêmes effets que la parenté par le culte. […] La croyance nouvelle tendait à fonder le droit successoral sur la parenté par le sang dont elle reconnaissait déjà l’importance jusque-là sacrifiée.

687. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Il ne reconnaissait pas le passage des Panoramas. […] Il est arrivé à ne distinguer que difficilement les poids avec lesquels il fait de la gymnastique, à ne reconnaître qu’avec un effort, les gros des moyens, les moyens des petits. […] Fou d’inquiétude, je lui demandai s’il ne me reconnaissait pas. […] Il y avait de rapides instants, où ses yeux errants, courants, s’arrêtaient sur mes yeux, sur ceux de Pélagie, et semblaient nous reconnaître par un regard, une seconde, obstinément fixé sur nous, avec un sourire effacé de la physionomie… mais bien vite ils étaient emportés vers les visions terribles ou riantes.

688. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Tous conviennent que l’unité et l’universalité sont les signes péremptoires auxquels la vérité absolue se fait reconnaître. […] Du moins, dans Luther, on pouvait reconnaître encore, mutilés, il est vrai, par l’orgueil du sectaire, et souillés par d’ignobles concupiscences, les débris de ce qui avait autrefois été une foi et une conscience humaines ; mais chez Henri VIII, rien de pareil ! […] Il est bien évident que, pour nous qui sommes restés fidèles à la vérité, de pareilles assertions peuvent être discutées et poussées, les unes après les autres, dans l’abîme tourbillonnant de l’inconséquence ; mais, quoi qu’il en soit, on n’en reconnaît pas moins, sous ces affirmations plus faciles à articuler qu’à prouver, les racines à moitié arrachées du catholicisme, le germe oublié que rien n’a pu étouffer, la trace de ces idées traditionnelles mal effacées d’abord et qui finiront par reparaître, lettre par lettre, comme les merveilleux caractères de quelque palimpseste divin. […] Les anglo-catholiques admettent la tradition, la visibilité et l’union de l’Église, la succession apostolique, l’indépendance de l’Église vis-à-vis de l’État : « Ils professent et enseignent la doctrine catholique de la justification ; ils reconnaissent les sacrements comme canaux d’une grâce surnaturelle.

/ 2696