Malgré le fléchissement des mœurs, l’abbé d’Olivet reste toujours, il est vrai, autant que Pélisson, l’homme de sa corporation littéraire, parlant d’elle devant elle, ce qui rappelle le mot si comique de Vernet dans le Père de la Débutante : « Ma fille, dites donc quelque chose de Monsieur à Monsieur ! […] À toute page du livre que voici le souvenir de Boileau s’élève, et la lecture de cette longue fadeur rappelle, par le contraste, la sévérité de ces satires dans lesquelles il a buriné la plupart de ces noms d’académiciens, qui pour la première fois frapperaient nos regards s’il ne nous les avait appris et s’il n’avait versé sur quelques-uns la gloire d’un ridicule ineffaçable.
L’homme de Malherbe devient l’homme de Vaugelas, de Vaugelas dont les mérites si grands sont oubliés, et qu’il nous rappelle. […] Voilà ce qui empêche de regarder aux erreurs menues et fait applaudir à la large justice d’un écrivain qui, en jugeant la littérature d’avant Corneille, ne s’est pas rappelé assez qu’il écrit, lui, après Corneille !
Le Requiem, Madrigal, La Chanson de Musette, Hier, en voyant une hirondelle Qui nous ramenait le printemps, Je me suis rappelé la belle Qui m’aima quand elle eut le temps, etc. […] Comme cela rappelle, n’est-il pas vrai ?
On sortait, si on se le rappelle, de l’époque où les Méditations de M. de Lamartine et ses Harmonies, d’une valeur poétique bien autrement supérieure, étalaient à la sensibilité publique un christianisme faux et souffrant, mais n’en tenaient pas moins leurs beautés, quand il y en avait, de cette inspiration chrétienne, toute faussée et souffrante qu’elle pût être. […] Cette simplicité que le poète a trouvée dans une grande délicatesse d’organisation et plus encore dans le sentiment chrétien qui est le fond de sa vie vraie et non pas uniquement de sa vie littéraire, cette simplicité communique à sa poésie quelque chose de la pénétrante grandeur des hymnes de la liturgie qu’il rappelle et le fait arriver à des effets où l’art disparaît plus profondément que dans les chœurs même de Racine.
Elle ne lui pèse plus, ni à vous non plus qui le lisez, et véritablement il rappelle ces femmes qui ressemblent presque à des magies encore plus qu’à des magiciennes, et qui, malades de ces maladies nerveuses et mystérieuses comme l’utérus dont elles sont sorties, lèvent une table de marbre de l’extrémité de leurs doigts tournés en fuseau et la portent comme une corbeille de fleurs ! […] À dater de Heine, de cet Allemand presque Français tant il s’était naturalisé parmi nous, la France n’a vécu que sur les vieux poètes qui existaient de son temps à lui et que la personnalité de son génie, à lui, effaçait, même de Musset, qui faisait songer à lord Byron, que Henri Heine ne rappelait pas.
Et cela frappe d’autant plus qu’il essaye aujourd’hui de jouer au Boccace, et que ses Amours d’Italie, qui sont de bien grandes fatuités, ont l’audace de rappeler le Décaméron ! […] Je sais bien que les grands faiseurs de nouvelles, que ce Boccace, qu’il a osé rappeler, que le Bandello, que Cervantès, se sont toujours montrés assez indifférents à la manière dont ils amenaient leurs récits, ne se préoccupant que de l’intérêt du récit même ; mais au dix-neuvième siècle, avec les accroissements que le temps apporte aux littératures, il n’est plus permis de faire si bon marché des nécessités de la composition, devenues de plus en plus impérieuses.
Il n’y a, de fait, que Balzac, dans ces contes inouïs qui ne sont pas pour les enfants et qui ont tout, excepté l’innocence ; il n’y a que Balzac qui ait parlé depuis Rabelais cette langue phénoménale que Feuillet rappelle en plus d’un endroit de son livre par la propriété pittoresque de l’expression, l’opulence des vocables, le mouvement ému, les contours renflés, la grâce du tour, et particulièrement ce coloris qui étend sur toutes choses ses clartés rougissantes et qui nous fait nous demander, à nous, vieux critiques, accoutumés au feu de la phrase quand elle en a : « Mais dans quel baquet de pourpre s’est-il plongé, ce diplomate, pour en être ressorti avec cet éclat et cette vie qu’un artiste de profession lui envierait ? […] Nous avons donc eu dans ces Contes, au prix d’un plaisir, deux leçons : la leçon morale que doit aux enfants tout conteur, et qui est le pain de la confiture, disait Bernardin de Saint-Pierre, et la leçon de langue que le conteur ne devait pas et qu’il nous a donnée, sans avoir l’air d’y toucher, — la seule chose, cette finesse (j’aurai la brutalité de le dire en finissant), qui sente la diplomatie et qui nous rappelle à quel diplomate nous avions affaire, puisque, dans tout ce carnaval de contes d’enfant et de grand-père, il s’est si parfaitement et si délicieusement déguisé.
On peut se rappeler que Paul Jove, dans son livre des hommes illustres, composa les éloges de presque tous ceux qui contribuèrent à la renaissance des lettres. […] Je vais attendre que l’Être suprême, que nous adorions tous deux, me rappelle aussi à lui ; et alors mon ombre ira rejoindre la tienne, et la rejoindra sans trouble et sans regret. » 77.
Buffier avoit rappelé les Vers (il ne dit pas la Poésie) à leur premiere destination, en les faisant servir à imprimer, dans la mémoire des hommes, les événemens principaux de l’Histoire.