Alfred de Vigny n’est point désespéré pour les raisons sentimentales et romanesques qui font les désespérés de la terre ; mais pour une raison d’une tout autre noblesse, pour une raison métaphysique, une raison qui est une idée, et du mutisme de laquelle, quand il l’a sans cesse interrogée, il ne prit son parti jamais… Pour vous en convaincre, lisez cette page si triste et si belle, triste comme tout ce que Pascal a écrit. […] L’esprit du poète des Destinées dompte, de sa raison et de son désespoir, ces deux pesanteurs froides et terribles, son âme qui résiste, mais qui, enfin, reste domptée ! […] « Oui, tel est le siècle. — C’est que la raison humaine est arrivée en ces hommes et doit arriver en tous à la résignation de notre faiblesse et de notre ignorance.
Ces deux Athletes étoient trop enthousiastes pour avoir raison. Costar sur-tout rendoit ses raisons ridicules par la maniere de les énoncer.
Quelles bonnes raisons peut-on attendre d’un homme qui oublie toute raison dès le commencement ?
Il a raison. […] Le Bon ait raison sur ces deux points. […] Eh bien, il a raison ! […] Est-ce une raison pour être mort ? Est-ce deux raisons pour être mort ?
Tout à l’heure vous égaliez à la foi une faculté que la foi traite de subalterne ; maintenant vous égalez à la raison une faculté que la raison regarde comme pernicieuse. Vous attaquez dans leur essence la foi et la raison, et encore plus la raison que la foi. […] Jean Reynaud n’a pas une seule raison pour lui et les a toutes contre lui. […] Je ne lui confierais l’état de ma garde-robe ; et il a raison. […] Et en vérité ils ont raison.
C’est en écoutant les voix les plus diverses, venant des quatre coins de l’horizon en faveur du rationalisme, qu’on arrive à se convaincre que, si les religions divisent les hommes, la raison les rapproche, et qu’au fond, il n’y a qu’une seule raison. […] Voilà qui est parfait, pourvu qu’il s’agisse de l’instruction sérieuse, de celle qui cultive la raison.
Nous ne craignons d’être accusés de partialité, que par ceux qui sont plus zélés pour la Philosophie actuelle, que pour la raison & la saine Littérature, espece d’hommes qu’on peut diviser en deux classes : les uns ressemblent à ces peuples imbécilles qui croyoient leurs Oracles infaillibles, pour quelques prédictions justifiées par le hasard : les autres ressemblent aux Prêtres de ces mêmes idoles, qui profitoient de l’ignorance & de la crédulité publique, pour accréditer les mensonges les plus extravagans. […] Sera-t-il croyable qu’en se laissant aller à l’intempérance des idées, en prétendant annoncer la vérité dans des accès de délire, en faisant hurler la raison d’un ton d’énergumene, en étalant des maximes gigantesques, en combattant les sentimens reçus, en se parant d’une morgue plus burlesque que philosophique ; sera-t-il croyable que M. […] Ignorent-ils que les siecles de Périclès, d’Auguste, de Léon X, n’ont cessé d’être les beaux siecles de la Littérure & de la saine raison, que quand l’esprit philosophique a commencé à égarer & à abrutir les autres genres d’esprit ?
Mais, à travers les fautes et les erreurs des gouvernants, la raison humaine marchait, et avec elle la tolérance. […] J’ai ouï dire seulement à plus d’un esprit convaincu et ferme, que penser de la sorte et à mesure qu’on s’élevait plus haut dans le monde de la raison, ce n’était pas se sentir inquiet et souffrir, c’était plutôt jouir du calme et de la tranquillité. […] Et saint Louis qui racontait l’histoire, ne blâmait nullement, mais approuvait le chevalier, qui n’avait en cette rencontre agi que comme tout bon laïque devait faire, laissant les clercs disputer à souhait avec les mécréants et ne connaissant, lui, pour les mettre à la raison, que la pointe et le tranchant de l’épée. […] La science n’a pas besoin d’excuses quand elle procède sincèrement et selon son véritable esprit : elle peut sur certains points aller trop vite, avoir ses hypothèses anticipées, hasardées même ; mais qu’on la réfute alors ; qu’on oppose raison à raison, expérience à expérience. […] Cette circonstance, pourtant, de n’être point agrégé, avait éveillé la susceptibilité d’une partie des élèves, et une autre partie lui était peu favorable pour d’autre raisons.
La théorie de l’union et de la confusion de la raison et de la foi, qui n’est autre qu’une paraphrase des premiers versets de saint Jean, ne peut paraître claire qu’à ceux qui sont déjà persuadés à l’avance et illuminés. […] La grande prétention et l’ambition, on le sait, du Père Lacordaire est de réconcilier pleinement le Christianisme, le Catholicisme, avec le siècle, de ne le retrancher d’aucun des actes, d’aucun des emplois légitimes de la vie et de l’esprit, de lui faire prendre pied partout pour y porter avec lui la consécration et le rajeunissement : aussi nie-t-il formellement que le dogme soit ni puisse être en rien opposé à la raison ; loin de là, il s’empare de la raison même au nom du dogme, pour la restaurer et la sanctifier. Écartons les querelles de mots et les confusions : pour qui lit ces lettres, comme pour qui a assisté aux conférences du Père, il est clair que la raison est subordonnée ; qu’elle a tort, selon lui, dès qu’elle n’est pas entièrement d’accord avec ce que l’auteur ou l’orateur déclare être la foi, et qui n’est, philosophiquement parlant, qu’un premier parti pris sur toutes les grandes solutions. […] A plus forte raison, ne devons-nous pas en avoir pour ces écrits qui sont comme le cloaque de l’intelligence humaine, et qui, malgré leurs fleurs, ne recouvrent qu’une effroyable corruption.