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1836. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

C’est Hésiode qui nous raconte les mauvais traitements qu’Uranus fit subir à Saturne, Saturne à Uranus et Saturne à Jupiter et Jupiter à Saturne. […] C’est l’histoire de leur famille qu’ils racontent, il faut donc l’accepter de confiance, selon l’usage. […] Enfin tout à fait sérieusement, ce qui se marque à ce que Platon tient à excuser ce qu’il attaque et à donner la raison d’être de ce que du reste il condamne, il parle ainsi de la mythologie tout entière : « Qu’on n’entende jamais dire parmi nous que Junon…, ni raconter tous ces combats des Dieux inventés par Homère, qu’il y ait ou non des allégories cachées sous ces récits ; car un enfant n’est pas en état de discerner ce qui est allégorique et ce qui ne l’est pas, et tout ce qui s’imprime dans l’esprit à cet âge y laisse des traces que le temps ne peut effacer… » Ici Platon dit tout en très peu de mots, contrairement à ses habitudes. […] Les dieux, les héros, les rois sont-ils moraux, dans les histoires légendaires qu’on raconte en leur honneur ; sont-ils moraux, c’est-à-dire abstinents, tempérants, respectueux de la justice et de l’égalité entre les hommes ?

1837. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Ne pouvant construire, il raconte. […] IV — La méthode de Kant On parla beaucoup de Kant, depuis un mois et plus, à propos de son centenaire ; on raconta surtout sa méthode de vie. […] « Je mis, raconte Gœthe, mes livres de côté ; je me plaçai en face de la nature ; un squelette d’animal, avec ses détails infinis, était devant moi sur ses quatre pieds ; je me mis à l’étudier, en commençant par le commencement, par la tête ; l’os intermaxillaire me frappait les yeux le premier de tous, je l’examinai dans les différentes classes animales. » Il fit de cet os une quantité de dessins qui furent accueillis plus tard dans les Mémoires de l’académie Léopoldine de Bonn ; Camper, à qui il les envoya, lui fit des compliments, mais ne parla point de l’os intermaxillaire ; son siège était fait.

1838. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

cet écrivain maladroit, âpre et trivial qui vous raconte avec une sécheresse de greffier ses troubles de dyspeptique et ses manies de névrosé ?

1839. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

On nous a donné des symphonies pour raconter la découverte du nouveau monde et pour prouver l’immortalité de l’âme. […] La science et l’art, chacun suivant ses lois particulières, ont donc pour but identique de raconter, d’énumérer, de manifester les propriétés de l’être, de la réalité existante par elle-même. […] Le temple, aux époques primitives, était le symbole de l’univers visible et la figure d’un certain ordre moral ; dans cet édifice matériel, la vie de l’âme, le grand fait religieux, sacrifice, expiation, résurrection, était représenté, raconté, célébré, commenté par tous les autres arts sous la suprême direction de l’art enseignant et moral de la parole, de la poésie. […] Ne voyez-vous pas, dans la manière puissante et sévère dont Bossuet interprète le passé, quelque chose qui rend toute transition impossible entre les âges qu’il raconte et l’avenir qu’entrevoit Fénelon ? […] On n’a jamais raconté qu’une composition en prose de trois pages se soit transmise oralement d’une génération à l’autre ; et nous voyons des poèmes de plusieurs mille vers traverser des siècles avant d’avoir été écrits.

1840. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Notre type d’occidental, Mithouard l’illumine de sa prose chatoyante, soit qu’il nous raconte l’histoire de Saint-Sébastien « capitaine des archers de Senlis », soit qu’il plaide le procès de Guilbicot, dit le Museur, lequel chemineau s’étant arrêté un soir d’automne dans le parc de Versailles, eut la curiosité d’ouvrir tous les bassins et de danser, entouré des jets de cristal, aux sons de la cornemuse, trouvant ainsi, sans le savoir, dans le miracle des eaux, la conciliation de la pierre et des arbres.

1841. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Un Napolitain mime involontairement tous ses récits et tous ses projets : s’il annonce qu’il va monter à cheval, il lève la jambe ; s’il raconte qu’il a mangé d’un plat de macaroni, il ouvre les narines afin de mieux flairer et avance la langue entre les lèvres ; s’il pense à une ligne sinueuse ou droite, il la décrit de l’œil et du doigt.

1842. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Des voyageurs nous ont raconté des combats d’Alligators mâles au temps du rut.

1843. (1913) Poètes et critiques

Et, en effet, si Beaunier joue avec ses souvenirs, s’il se raconte ici, comme partout ailleurs, à la façon renanienne, c’est-à-dire cum grano salis, il n’invente pas, assurément, cette sensation de crainte, ce mouvement de recul, à la seule pensée de s’engager dans la forêt obscure. […] Il a raconté ce roman, en prose un peu caduque dans ses Confessions, en vers jeunes et frais dans La Bonne Chanson ; il y a fait allusion avec douceur, avec tristesse, avec amertume, avec haine, dans tous ses volumes de vers, et ce serait à peine exagérer que de dire dans tous ses ouvrages.

1844. (1910) Rousseau contre Molière

C’est un plaisir de voir l’Alceste de Fabre, quand l’avocat, après lui avoir dit qu’il n’a pas le temps de s’occuper de son affaire parce qu’il en a une autre très urgente, lui raconte cette affaire-ci, s’oublier tout de suite, s’intéresser tout de suite avec passion à cette nouvelle histoire. : « Ô grand Dieu ! […] Dans un livre dont j’ai oublié le titre, l’auteur racontait l’histoire d’une institutrice, modèle, à son avis, de toutes les vertus et assemblage de toutes les perfections, qui avait été odieusement persécutée par tous ses supérieurs. […] Il a été si loin d’y retomber que, de même qu’il réfute l’École des Maris et l’Ecole des Femmes dans les Femmes savantes, de même il réfute, un peu, l’anecdote Chrysalde-Léonor, dans l’Avare, en ce sens que ce qu’il donnait dans l’anecdote Chrysalde-Léonor comme très sérieux, il le donne dans l’Avare comme la chose impossible, que ne peut raconter qu’une menteuse et que ne peut croire qu’un imbécile : HARPAGON Frosine, il y a encore une chose qui m’inquiète.

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