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590. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Car, pour le fond et pour la forme, elle semble être le fait d’une race épuisée, débilitée et corrompue sans inspiration, sans grandeur, réduite à ne pas lever les yeux au-dessus d’elle-même, à se prendre pour unique objectif, à se mirer dans ses bassesses, ses` platitudes, ses vices, ses folies, ses hontes, voire même ses crimes s’attachant à ne faire ressortir des sujets qu’elle traite que les côtés scandaleux, grossiers, repoussants, jusqu’à ceux qui comprennent les servitudes viles et secrètes de la vie organique, appelées par les latins postscenia, et que, jusqu’ici, nous nous efforcions de dissimuler avec soin à la vue du monde, lequel, du reste, n’a rien à gagner à les voir, les connaissant pour son propre compte et par son expérience quotidienne. […] Et quand on pense que Diderot, dont se recommandent les réalistes, blâmait même Rubens de manquer de goût en s’en tenant à la race flamande trop plantureuse et trop massive, suivant lui. […] C’est qu’en effet, François Millet a fait du paysan soit l’homme préhistorique, descendant de l’espèce simienne, suivant Darwin, soit un être appartenant à une race dégénérée par les durs travaux, les privations et les moteurs bestiales. […] En parcourant récemment une revue, mes yeux se portèrent sur un article signé, je crois, par Jules Soury, et je m’arrêtai à un certain paragraphe ainsi conçu : « Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, en dépit des humanitaires et des sentimentalistes, gens fort honorables mais plus pourvus de sentiments que d’esprit scientifique, la sélection la plus efficace, celle qui peut conserver les races fortes, c’est la guerre. » Et ailleurs, le même écrivain ajoute : « Depuis longtemps, nous avons démontré que la poésie et les arts étaient appelés à disparaître dans un avenir relativement prochain. […] Vingt ans de corruption impériale n’ont pu changer ni même affaiblir les caractères élevés de notre race.

591. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Si, par quelques traits profonds, naturels, par quelques élancements de passion, ces deux grandes poésies se peuvent rapprocher comme dans un éclair, elles sont séparées par toutes les différences de race, de civilisation, par un abîme : elles n’ont pu être violemment rapprochées et confondues que par des esprits inexpérimentés et sans goût, qui n’avaient pénétré le génie de l’une ni de l’autre. […] « Fille de Tantale, Niobé, entends ma voix messagère de désastre, reçois la parole lamentable qui proclame tes angoisses ; délie le bandeau de tes cheveux, ô la malheureuse, qui n’a mis au monde toute une race de fils que pour les flèches accablantes de Phœbus : tu n’as plus d’enfants !  […] De toutes parts, la race des oiseaux chante à voix sonore, les alcyons autour de la vague, les hirondelles au bord des toits, le cygne sur les rives du fleuve, et sous le bois le rossignol135.

592. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Beau vers, belle pensée, qui a dû naître bien des fois au cœur d’un baron féodal isolé, gardien d’une marche, d’une frontière, investi d’un fief éloigné où il n’était pas avec des gens de sa race, où il se sentait dépaysé et sans racines ; vers qui respire tout l’esprit de la féodalité, c’est-à-dire de la féalité au seigneur, du dévouement absolu, et qui exprime au vif la moralité cordiale de ces temps : c’est un vers d’or. […] Et, même sans sortir de chez nous, du moyen âge à ce temps-ci, de Rutebeuf à Béranger, par Villon, Rabelais, Marguerite de Navarre, Bonaventure Des Périers, etc., la veine est visible et continue ; la race gauloise est demeurée en ce sens fidèle à elle-même, — plus fidèle dans ces choses de la malice et du rire que dans la poésie élevée et généreuse. […] C’est le meilleur exemple de poésie de pure race, franche du collier, gauloise de suc et de sève, qui s’est trop perdue.

593. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Depuis Moïse jusqu’à lui, il recompose toutes les destinées de sa race. […] Mais sa flûte, mais sa harpe, mais ses notes lyriques du roi des cantiques ont survécu à son empire détruit, à sa race dispersée parmi les nations ! […] Ton Jéhovah dort sous ses nues Et d’autres races sont venues !

594. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Ces belles apparitions de la nature, parmi ces laideurs et ces vulgarités de la misère romaine, attestaient encore, dans cette noble et forte race, la puissance éternelle de la sève qui produisit jadis tant de gloire et en qui germe toujours la beauté. […] Le génie semble s’accumuler et s’amonceler lentement, successivement et presque héréditairement pendant plusieurs générations dans une même race par des prédispositions et des manifestations de talents plus ou moins parfaits, jusqu’au degré où il éclot enfin dans sa perfection dans un dernier enfant de cette génération prédestinée au génie ; en sorte qu’un homme illustre n’est en réalité qu’une famille accumulée et résumée en lui, le dernier fruit de cette sève qui a coulé de loin dans ses veines. […] Les Tassi, race noble et militaire, déjà connus au douzième siècle, avaient leur château dans les environs de Bergame, non loin de Mantoue, terre féconde, qui ne paraît pas, au premier aspect, favorable à l’imagination, mais qui voit d’en bas les Alpes d’un côté, les Apennins de l’autre, et à qui ces deux hauts horizons noyés dans un ciel limpide inspirent on ne sait quelle grandeur et quelle élévation sereines, qu’on retrouve dans Virgile, dans le Tasse, dans Pétrarque, tous poètes de la basse Italie.

595. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Elle vous représente, à elle seule, toute la race des malheureuses créatures chassées des splendeurs du vice par la perte de leur jeunesse et qui s’attachent, en rampant, à la fortune de leurs jeunes rivales. […] Et puis c’était pour la première fois que la courtisane moderne nous était montrée sur la scène, avec ses raffinements et ses élégances, son accent parisien et son air de race. […] L’instinct de la race persiste jusque dans les excès de leur vie nouvelle : il y a du courage dans leur parti pris, et de l’élan dans leur chute ; elles vont au scandale comme elles iraient au feu, avec une verve et une bravoure d’Amazones.

596. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Les écrivains issus de ces écoles ou de ces races compliquées et sombres, peuvent s’essayer dès l’âge de vingt ans, ils n’ont pas d’âge ni d’heure, on ne dira jamais d’eux, de leur pensée ni de leur style : « Le souffle matinal y a passé. » On est en Chypre. […] Est-il besoin de faire remarquer comme ces races ferventes comptaient tous les jours de l’année par rapport à Dieu, à ses fêtes et à ses saints ?

597. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Si nous avions le temps de le suivre dans l’entresol du docteur Quesnay chez Mme de Pompadour, et de l’y entendre parlant des Bourbons et de leur race, et les louant de verve et comme par mégarde, nous trouverions en lui le type, en quelque sorte, du bourru flatteur. Mais il me semble que tout se concilie chez Duclos, et que les inconséquences elles-mêmes s’expliquent moyennant l’humeur et la race.

598. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

C’est ainsi encore que sur lui, sur sa propre race, sur les qualités et les défauts des siens, de son frère, de sa femme (passe encore), mais aussi de sa fille, de son fils, sur le plus ou moins de sensibilité de celui-ci, sur son absence d’imagination, ses bornes d’esprit et de talent, et son « raccourcissement de génie », il dit et écrit tout ce qu’il a observé, tout ce qu’il pense ou qu’il conjecture, sauf à être lu de quelques-uns des intéressés et notamment de son fils même, après sa mort. […] Ce n’est pas le style d’un académicien ni d’un homme essentiellement poli ; ce n’est pas celui d’un grand seigneur, mais plutôt d’un bourgeois comme du temps de d’Aubray dans la Satyre Ménippée, ou si l’on aime mieux, d’un gentilhomme campagnard, de bonne race, nourri de livres, et qui s’exprime crûment, rondement et avec sève.

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