quoiqu’il soit donné à bien peu maintenant de te goûter inaltérée et pure, ou, te goûtant, de jouir longtemps de tes dons, trop infirme ou trop imprudent qu’on est pour pouvoir préserver tes douceurs sans mélange de toutes gouttes amères que la négligence ou la brusquerie de nature laisse tomber dans ta coupe de cristal ; tu es la nourrice de la vertu ; c’est dans tes bras qu’elle sourit, paraissant, comme elle l’est en réalité, née dans les cieux et destinée à y remonter de nouveau. […] Cowper est le poète de la famille, quoiqu’il n’ait été ni époux, ni père ; il est le poète du chez soi, de l’intérieur régulier, pur, doucement animé, du bosquet qu’on voit au fond du jardin, ou du coin du feu. […] On a dit que, dans les dernières années, il croyait voir un abîme ouvert à ses côtés ; si cela est exact, c’était une pure sensation physique dont il n’était pas la dupe et qu’il repoussait. […] Je remarquerai seulement qu’en Angleterre, la vie privée est plus close, plus abritée, mieux encadrée dans son ensemble, plus conforme par son esprit aux mœurs générales de la race et de la nation ; ainsi ornée et préservée, ainsi à demi enveloppée de son mystère comme le cottage l’est dans ses roses ou comme un nid dans le buisson, elle prête davantage à cette douce et poétique ferveur qu’elle inspire et dont on vient de voir tant de purs exemples.
On me flattait sur les détails de cette pièce : en effet, c’était le premier essor d’une âme tout étonnée des sentiments qu’elle éprouve la première fois, la pure fleur du sentiment qui paraît exagéré quand on ne l’a pas connu, et qui est pourtant l’amour. […] Moyennant toutes ces conditions, et « un peu de cette hardiesse et de cette liberté anglaise qui nous manque », Voltaire promettait au François II de valoir mieux que toutes les pièces de Shakespeare : c’était là une pure gaieté. […] On ne saurait dire ce qui manque à sa prose : elle est pure, harmonieuse, exacte, mais elle n’invite point à continuer… Marié et veuf d’assez bonne heure, le président ne se remaria point ; il donne à sa femme, Mlle de Montargis, des regrets qui peignent assez bien le mélange de ses sentiments : « Et d’ailleurs, dit-il, où aurais-je jamais retrouvé une femme telle que celle que je venais de perdre ? douce, simple, m’aimant uniquement, crédule sur ma conduite qui était un peu irrégulière, mais dont la crédulité était aidée par le soin extrême que je prenais à l’entretenir, et par l’amitié tendre et véritable que je lui portais. » Mme Du Deffand est très bien traitée dans ces Mémoires, et s’y montre presque sans ombre, sous ses premières et charmantes couleurs ; mais la personne évidemment que le président a le plus aimée est Mme de Castelmoron, « qui a été pendant quarante ans, dit-il, l’objet principal de sa vie. » La page qui lui est consacrée est dictée par le cœur ; il y règne un ton d’affection profonde, et même d’affection pure : « Tout est fini pour moi, écrit le vieillard après nous avoir fait assister à la mort de cette amie ; il ne me reste plus qu’à mourir. » On raconte que dans les derniers instants de la vie du président et lorsqu’il n’avait plus bien sa tête, Mme Du Deffand, qui était dans sa chambre avec quelques amis, lui demanda, pour le tirer de son assoupissement, s’il se souvenait de Mme de Castelmoron : Ce nom réveilla le président, qui répondit qu’il se la rappelait fort bien.
Mais après cela, je le demande, si le résultat est favorable à la charmante et pure jeune fille, y a-t-il dans nos mœurs modernes bourgeoises (il faut le dire à leur honneur) un obstacle raisonnablement invincible à ce que Jules Daruel, le jeune avocat distingué, épouse cette belle enfant si bien élevée, Aurélie, et qu’elle devienne la plus honorée comme la plus aimable des épouses et des mères ? […] Mais cette jeune fille si pure, si candide, oublie bien vite ce Jules, son ami, presque son fiancé d’hier ; il paraît complètement mis de côté par elle en moins de trois jours. […] Pour moi, cette petite Aurélie se conduit très mal en ce moment, et si je faisais comme M. de Pontmartin et que je montasse sur mes grands chevaux, je dirais qu’il est affreux, qu’il est indécent de nous montrer une jeune fille si pure, qui paraît justifier par son procédé ce vilain propos d’un poète : « Toute femme a le cœur libertin. […] Tu le sais, d’Auberive, notre Dauphiné est fier de vous : dans ce temps où tout s’en va, votre race a conservé intact cet honneur, ce vieil et pur honneur qui est le premier des biens… Si jamais tu pouvais l’oublier, je m’en souviendrais pour toi… Quand je regarde ton Emmanuel, si enthousiaste, si beau, si digne de sa sainte mère, je retrouve en lui cette fleur de noblesse que notre siècle ne connaît plus, qui bientôt, peut-être ne sera plus qu’un nom, mais que nous ne devons pas laisser périr, nous qui en sommes les gardiens… Quoi !
Il ne faut pas abuser, sans doute, de cette fusion du moral dans le naturel ; il faudrait encore moins se l’interdire et s’en tenir systématiquement à la couleur toute pure. […] Le paysagiste pur reparaît dans mainte page, — dans la halte si bien décrite autour du pistachier, cet arbre à tête ronde et aux larges rameaux en parasol, qui abrite un moment à midi la caravane rassemblée : « L’arbre reçoit sur sa tête ronde les rayons blancs de midi ; par-dessous, tout paraît noir ; des éclairs de bleu traversent en tous sens le réseau des branches ; la plaine ardente flamboie autour du groupe obscur ; et l’on voit le désert grisâtre se dégrader sous le ventre roux des dromadaires. » Quand il nous décrit, au contraire, la végétation monotone de l’alfa, espèce de petit jonc, plante utile qui sert de nourriture aux chevaux, mais la plus ennuyeuse aux yeux qui se puisse voir, et qui, régnant sur des étendues infinies, ressemble à « une immense moisson qui ne veut pas mûrir, et qui se flétrit sans se dorer », on retrouve l’homme dont le sentiment souffre et dont l’âme s’ennuie. […] Non, sans doute ; mais si l’on ne peut restituer la vérité et la couleur locale, parce qu’on n’est pas en présence du pur costume hébreu et qu’on peut toujours révoquer en doute la parfaite similitude du costume arabe moderne avec celui des patriarches, est-ce une raison pour trouver que Raphaël et Poussin aient fait pour le mieux, et que moins ils ont été fidèles en cela à la réalité, plus ils ont agi selon l’art ? […] Le peintre, avec son pinceau, peut rendre bien des choses, en dehors même de la couleur pure ; il peut donner idée du mouvement, du bruit, du fracas ; mais le silence, comment l’exprimer ?
Rodrigue ne s’estimera pas pleinement heureux et satisfait de vaincre don Sanche, d’obtenir Chimène et de lui agréer, bon gré, mal gré : il lui faut encore, par un excès de délicatesse, que ce soit consenti à l’avance, voulu et ordonné par elle, et ce n’est qu’à ce prix qu’il pourra goûter toutes les satisfactions et les jouissances raffinées de la passion pure. […] Il est venu, comme on dit, la mettre au pied du mur, pour mieux voir de ses yeux la pure passion déployer ses ailes et s’envoler. […] Et Rodrigue à son tour, se répétant aussi, apporte encore une fois sa tête aux pieds de sa maîtresse, — une pure formalité qui ne saurait être sérieuse et qui se résout en beaux vers. […] Leur méthode n’est pas celle de l’art, c’est celle de la science pure.
On ne devra pas demander de pensée de ce genre à un Spectacle dans un Fauteuil, que M. de Musset vient de publier, bien que ce livre classe définitivement son auteur parmi les plus vigoureux artistes de ce temps ; mais l’esprit de l’époque, en ce qu’elle a de brisé et de blasé, de chaud et de puissant en pure perte, d’inégal, de contradictoire et de désespérant, s’y produit avec un jet et un jeu de verve admirables en toute rencontre, et qui effrayent de la part d’un si jeune poëte. […] Ainsi, d’élans en élans, d’émotion en impiété, tout nous mène à la volupté enivrante de la nuit, au meurtre de l’époux, à la volupté encore, sur cette mer de Venise, où reparaissent voguant, pleins d’oubli, le meurtrier aimé et la belle adultère : Peut-être que le seuil du vieux palais Luigi Du pur sang de son maître était encor rougi ; Que tous les serviteurs, sur les draps funéraires, N’avaient pas achevé leurs dernières prières ; Peut-être qu’à l’entour des sinistres apprêts, Les prieurs, s’agitant comme de noirs cyprès, Et mêlant leurs soupirs aux cantiques des vierges, N’avaient pas sur la tombe encore éteint les cierges, Peut-être de la veille avait-on retrouvé Le cadavre perdu, le front sous un pavé ; Son chien pleurait sans doute et le cherchait encore : Mais, quand Dalti parla, Portia prit sa mandore, Mêlant sa douce voix, que la brise écartait, Au murmure moqueur du flot qui l’emportait… Les deux autres drames de ce volume, Don Paez et la Camargo, renfermaient des beautés du même ordre, mais moins soutenues, moins enchaînées, et dans un style trop bigarré d’enjambements, de trivialités et d’archaïsmes. […] Lui aussi, le plus intrépide et le plus adroit des chasseurs tyroliens, l’orgueil l’égare ; l’envie de toute supériorité l’ulcère ; il repousse ses joyeux compagnons et la vie simple ; il incendie en un jour de frénésie sa chaumière natale, rencontre un palatin avec sa maîtresse en croupe, dans une gorge étroite, se prend de querelle, tue l’un et emmène l’autre, délaissant sa douce fiancée d’enfance, la pure Déidamia. […] Tout cela constitue bien une espèce d’originalité ; e pure… On dirait de la plupart de ses jolies petites pièces ou saynètes que c’est traduit on ne sait d’où, mais cela fait l’effet d’être traduit. » 68.
Tout le monde, ou du moins une grande moitié du monde, dit tous les jours que la société est au bord de l’abîme, qu’elle s’en va périr avec la propriété, avec la famille, avec toutes ses institutions angulaires et fondamentales ; qu’on est en face de la barbarie pure. […] Cette unique constitution de société politique est la constitution royale pure ; cette unique constitution de société religieuse est la religion catholique : hors de là, point de salut, même ici-bas, et nulle stabilité. […] Il croit donc en définitive au triomphe de la religion chrétienne catholique sur toutes les religions, et de la constitution monarchique pure sur tous les gouvernements, comme il croit à une vérité géométrique, comme il est « convaincu de l’égalité des diamètres d’un même cercle » : c’est la comparaison qu’il emploie quelque part. […] Êtes-vous pour la Création de l’homme par Dieu prise au pied de la lettre, ou pour une génération à la manière des naturalistes purs ?
Souvent consulté, mais en pure perte, par les ministres dirigeants des grandes puissances, Mallet du Pan resta en Suisse tant qu’il y eut une Suisse véritablement républicaine et indépendante. […] Il mourut d’épuisement à l’œuvre et à la peine, le 10 mai 1800, dans sa cinquante et unième année, pauvre et pur, hautement estimé et considéré de tous ceux qui l’avaient connu. […] Il est pour les gouvernements mixtes, les seuls qu’il croyait compatibles avec la vraie liberté quand on la veut réelle et sincère chez une grande nation : c’est dire qu’il ne partage nullement les exagérations de la droite pure, et il est aussi loin, on peut l’affirmer, en bien des cas, de l’abbé Maury que de l’abbé Sieyès. […] Romilly sur la résignation et sur l’immortalité de l’âme, de le voir prendre généreusement, et par un sentiment de pure équité, la défense du clergé catholique en parlant des séances où, à l’occasion du serment civique, cet ordre opprimé eut à subir de véritables avanies : La postérité comprendra facilement, dit-il, l’expropriation du clergé, la réduction de ses revenus, l’abolition de ses privilèges, les changements opérés dans sa discipline ; les esprits se partageront, dans cinquante ans comme aujourd’hui, sur la nécessité de cette réforme ; mais ce qu’on n’envisagera qu’avec un tremblement d’indignation, c’est l’impitoyable acharnement qui persécute les membres de cet ordre infortuné.
Il écrivait plaisamment à sa femme, de Tours où il était en janvier 1816, à propos d’un bal de la haute société : « Si tu t’étais trouvée ici, aurais-tu été assez pure ? […] On t’eût admise à cause de moi qui suis la pureté même ; car j’ai été pur dans un temps où tout était embrené ! […] Lui, il indique en plus d’un endroit son idéal, son prince favori qu’il discerne déjà et qu’il désigne pour ses qualités honnêtes, bourgeoises, non courtisanesques, pour son économie surtout, et qui n’est autre que le duc d’Orléans d’alors (Louis-Philippe) : « Je voudrais qu’il fût maire de la commune ; j’entends s’il se pouvait (hypothèse toute pure) sans déplacer personne ; je hais les destitutions. » Il le signale en toute rencontre pour le prince de son choix, et à tel point que, s’il avait vécu, il eût été bien embarrassé ensuite pour faire autre chose que de battre des mains, tant il s’était lié à l’avance par ses éloges. […] Courier, en vieillissant, et par disette de sujets, serait sans doute revenu à de pures applications d’art ; il nourrissait un grand projet sur Hérodote, et il en a donné un essai de traduction très remarqué.