/ 1999
681. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

A la contemplation de ces scènes voisines et déjà fabuleuses qui se confondaient avec nos premiers rêves du berceau, l’imagination s’est enrichie de couleurs encore inconnues ; d’immenses horizons se sont ouverts de toutes parts à de jeunes audaces pleines d’essor ; en éclat, en puissance prodigue et gigantesque, la langue et ses peintures et ses harmonies, jusque-là timides, ont débordé. […] Mais la puissance audacieuse et triomphante de Napoléon a surtout dominé ; elle a provoqué ces constructions sans nombre, et la plupart de ces statues et idoles de bronze dont on a peuplé sur son modèle les avenues de l’histoire. […] Hugo a tout d’abord tendu la main à ce haut et grave vieillard ; c’est ainsi qu’il les aime, qu’il les peint et qu’il les rêve : don Ruy Gomès de Sylva, dans Hernani, n’est pas d’une autre souche ; et lui-même, poëte, il m’a fait souvent l’effet de représenter cette sorte de type inflexible, transporté, dépaysé dans la littérature et dans l’art de nos jours : de là en partie, j’imagine, ce qu’il y a de faussé dans sa puissance.

682. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Le janséniste est trop fidèle chrétien pour ne pas respecter les puissances instituées d’en haut. […] Et qu’est-ce que la cour, sinon la tête de cette immense aristocratie qui couvre toutes les parties de la France, qui, par ses membres, atteint à tout, et exerce partout ce qu’il y a d’essentiel dans toutes les parties de la puissance publique ?  […] Ce peuple libre, juste et sage, toujours d’accord avec lui-même, toujours éclairé dans le choix de ses ministres, modéré dans l’usage de sa force et de sa puissance, ne serait jamais égaré, jamais trompé, jamais dominé, asservi par les autorités qu’il leur aurait confiées.

683. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Telle est la puissance de l’image contradictoire ; elle forme un couple avec la sensation contredite, et, tant que cet accolement dure, la contradiction persistante enraye l’hallucination, sinon au premier stade, du moins au second. […] Parfois enfin les petites sonnettes qui, en règle générale, reçoivent d’elle leur ébranlement, lui transmettent le leur ; et nous savons les principales conditions de ces effets singuliers. — Dans les hallucinations du microscope, la cloche a été si fortement et si constamment ébranlée en un seul sens, que son mécanisme continue à fonctionner, même lorsque le cordon est devenu immobile. — Dans le rêve et l’hallucination hypnagogique, le cordon est fatigué ; il ne rend plus ; le long emploi de la veille l’a mis hors d’usage ; les objets extérieurs ont beau le tirer, il ne fait plus sonner la cloche ; à ce moment, au contraire, les petites sonnettes dont les sollicitations ont été réprimées perpétuellement pendant la veille, et dont les tiraillements ont été annulés par le tiraillement plus fort du cordon, reprennent toute leur puissance ; elles tintent plus fort et tirent avec efficacité ; leur ébranlement provoque dans la cloche un ébranlement correspondant ; et la vie de l’homme se trouve ainsi divisée en deux périodes, la veille pendant laquelle la cloche tinte par l’effet du cordon, le sommeil pendant lequel la cloche tinte par l’effet des sonnettes. — Dans l’hallucination maladive, le cordon tire encore, mais son effort est vaincu par la puissance plus grande des sonnettes ; et diverses causes, l’afflux du sang, l’inflammation du cerveau, le haschich, toutes les circonstances qui peuvent rendre les hémisphères plus actifs, produisent cet accident ; le tiraillement des sonnettes, plus faible à l’état normal que celui du cordon, est devenu plus fort, et l’équilibre ordinaire est rompu, parce qu’une des fonctions qui le constituent a pris un ascendant qu’elle ne doit pas avoir.

684. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

il n’est rien de plus classique que d’inventer, lorsqu’on en retrouve la puissance, et que d’imiter au besoin ce qui mériterait d’être inventé ; que d’emprunter même, s’il le faut, ce qu’on peut embellir en le dérobant. […] La fable qu’ils imitent devient plus vraie entre leurs mains, l’action plus forte, les ressorts se multiplient ou acquièrent plus de puissance. […] vous l’avez rendu à la vie peut-être : de votre part un ressuscité ne m’étonnerait pas plus qu’un revenant ; et comme je me persuade que les hôtes de Macbeth sont, ainsi que moi, doués de la faculté de voir, je ne puis vous dire combien il me faut de réflexions avant de comprendre pourquoi, dans votre sagesse, vous donnez à mes regards plus de puissance, ou plus d’égarement qu’aux leurs.

685. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Caractère et esprit : orgueil, rêve, ennui ; médiocrité des idées : puissance d’imaginer et de sentir. — 3. […] Les paysages de Chateaubriand : précision, couleur ; puissance de l’effet. — 6. […] L’ennui, la mélancolie, tout le vague de l’âme de Chateaubriand, séparé de sa puissance pittoresque, formera le courant lamartinien665.À chaque instant, dans une lecture rapide, se notent les thèmes auxquels il ne manque que le vers de Lamartine.

686. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Après avoir rendu de grands services diplomatiques à la République française dans son ambassade de Berlin et ailleurs, et avoir influé à l’intérieur sur beaucoup d’actes importants de comité ou de cabinet, nommé membre du Directoire, Sieyès se vit une puissance reconnue et fut recherché de toutes parts. […] Rien de tout cela n’adoucissait ni ne guérissait cette âme, dont je surprends encore à cette date le cri douloureux, échappé du sein même de la puissance : Ils me recherchent !!! […] Il vous fait ressouvenir de ce mot, qui est de lui, mais qu’au milieu de toutes ses lumières il n’a pas assez réalisé par son exemple : « Il est des sciences qui tiennent à l’âme autant qu’à l’esprit. » Pourtant sa mémoire devra gagner considérablement à la publication de ses œuvres secrètes et de ses papiers : Sieyès y apparaîtra non seulement à titre de haute puissance intellectuelle, mais à titre d’homme qui a sincèrement voulu pendant longtemps l’amélioration des hommes38.

687. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

« Considérez, dit Kant, le cerveau d’un homme, par exemple d’un savant, avec tous ses souvenirs : une puissance supérieure n’aurait qu’à dire : Que la lumière soit ! […] D’autre part, l’habitude est une adaptation au milieu, selon la grande loi de sélection universelle ; c’est l’adaptation de la puissance à la résistance, de l’activité à son objet. […] Dans la vie comme dans l’art, ce sont les résultats qui importent et non les procédés par lesquels ils ont été obtenus : dans la mémoire, c’est la puissance de ressusciter aux yeux de la conscience un monde disparu qui importe, non les moyens de mnémotechnie naturelle ou artificielle par lesquels les idées sont conservées et associées.

688. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

III Mais, encore une fois, à cela près de cette Introduction, si nette dans sa pitié lucide pour des misères sociales que les inventions humaines, quand elles ne seront qu’humaines, ne soulageront pas ; à cela près, de cinq à six belles pages peut-être, où l’écrivain, quittant la Femme, se retourne vers un point d’histoire (voir le passage sur l’Afrique à propos de la négresse), et, sortant du pathos sentimental et physique, reprend des lambeaux de puissance et ranime son éclair éteint dans les larmes d’un attendrissement par trop continu à la fin, il n’y a plus, tout le long de ce livre qui en rumine un autre, que ces idées dont nous avons brassé déjà le vide et qui font de Michelet quelque chose comme une tête de femme hallucinée, — comme la madame de Krudner, par exemple, d’un naturalisme mystico-sensuel, tout à la fois très mélancolique et très burlesque. […] Cet ennemi du Christianisme, pour instituer sa société révolutionnaire a rabâché le Christianisme, dont il méconnaît l’esprit, la vie, la puissance immortelle. […] Il a eu toujours la puissance de l’odieux et du délicieux au même degré : artiste tendre, homme de parti injuste et souvent cruel, conscience égarée, chrétien détraqué… mais encore chrétien.

689. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

De ce point de vue, on aperçoit l’une des puissances révolutionnaires du progrès de la richesse ; le luxe est un des instruments qu’elle emploie pour briser les cadres sociaux : en permettant aux roturiers de « vivre noblement » elle diminue la distance qui les sépare des nobles. […] Gardons-nous de retomber à ce propos dans l’erreur cent fois énoncée qui « met la charrue avant les bœufs » : une société ne peut naître de contrats entre individus ; les contrats entre individus supposent au contraire, pour être valables et produire un effet social, l’existence d’une société selon les règles de laquelle ils sont formulés et par la puissance de laquelle, une fois formulés, ils sont garantis. […] Serait-il vrai, comme on l’a soutenu138 que la puissance d’imitation va en décroissant avec la civilisation ?

/ 1999