En France, surtout, c’est presque impossible… Le courage contre tout le monde n’est pas connu dans ce pays… Or, tout le monde a, pour une raison ou pour une autre, contribué de sa propre badauderie à ces réputations qui semblent être des préjugés venus en pleine terre, mais cultivés en pot par des gens d’esprit, et même par des connaisseurs, comme des capucines par des grisettes. […] Pour celles de Pascal, la Haine se chargeait de leur gloire, et elle leur en coulait une dans un tel bronze qu’aujourd’hui même nous ne conseillerions point à la Critique, si elle ne voulait pas se voir jeter dans sa propre fournaise, de toucher à ce livre accepté comme un chef-d’œuvre, quoiqu’il soit vrai pourtant de dire que le comique en a vieilli et qu’on n’y trouve jamais que la même ironie, ramenée et répétée… le croira-t-on ? […] Que cette Religieuse portugaise, trois étoiles d’un Francaleu quelconque, fût une fille perdue par son propre cœur ou qu’elle ne fût qu’une vocation forcée, il importait peu au xviiie siècle !
Pourquoi cette seconde édition n’aurait-elle pas été un retour vers le vrai, d’un esprit vigoureux averti par ceux qui l’aiment ou par sa propre réflexion ? […] Sortie des flancs de l’idée chrétienne, la France se résume et se constitue dans la double unité de la famille et de l’ordre : — de la famille, que le père nourrit, domine et défend, et qu’il doit représenter tant au profit de sa propre prépondérance qu’au profit de celle de l’État ; de l’ordre, dont la magistrature dessine la circonférence, l’armée le rayonnement, et le sacerdoce le centre. […] tourne dans le vide de l’abstraction, comme s’il était le derviche ou la toupie de son propre cercle vicieux.
. — Comment il figure le monde d’après son propre esprit. […] Carlyle a son style propre, et note son idée à sa façon ; c’est à nous de la comprendre. […] Rien de plus propre à manifester des vérités que ces êtres excentriques. […] Selon qu’un esprit y est propre ou non, il est capable, ou incapable. […] Au besoin, ils la violentaient quand ils voulaient vérifier par des textes les suggestions de leur propre cœur.
L’esthétique propre du roman est bien, comme les classiques l’avaient vu, une esthétique de composition desserrée, de temps, d’espace. […] Thibaudet trouve ici à louer dans Madame Bovary les mérites propres d’une image d’Épinal. […] Parlant d’une de ces ombres il nous fait pénétrer avec franchise dans son propre laboratoire d’ombres ! […] Elle a fait son domaine propre de ce qui manquait à leur philosophie. […] Il la voit surtout dans une religion qui fait de l’homme son propre confesseur.
Si son génie inventeur ne le mit point à l’abri des méprises, il sut du moins, comme Icare, se sauver du labyrinthe avec les ailes qu’il se fabriqua, & ses erreurs mêmes sont devenues des signaux propres à diriger ses successeurs. […] Avec des qualités aussi propres à attirer le respect des hommes, Descartes eut des foiblesses ; mais la Philosophie chez lui n’employa pas ses ressources à les déguiser ou à les justifier ; au contraire, elle servit à l’en guérir, & à élever son ame au dessus de ce cercle de miseres, autour duquel on voit ramper tant de ses prétendus imitateurs.
. — L’homme a éprouvé de tout temps le besoin d’idéaliser ou de parodier sa propre existence, de la répéter par le rêve du spectacle et de la fiction. […] L’Iliade est pleine, l’Odyssée est grosse de scènes toutes prêtes à se détacher du récit pour revivre de leur vie propre.
Le poëte tragique nous expose les inconveniens dont l’ignorance de soi-même est cause parmi les souverains et les autres personnes indépendantes qui peuvent se vanger avec éclat, dont le ressentiment est naturellement violent, et dont les passions propres à être traitées sur la scene peuvent donner lieu à de grands évenemens. Le poëte comique nous expose quelles sont les suites de cette ignorance de soi-même parmi le commun des hommes dont le ressentiment est asservi aux loix, et dont les passions propres au théatre ne sçauroient produire que des broüilleries, en un mot des projets et des évenemens ordinaires.
Qu’on le fasse en volant de ses propres aîles. […] Un homme capable par les forces de son génie d’être un grand poete, et qui pourroit tirer de son propre fond toutes les beautez necessaires pour soutenir une grande fiction, trouveroit mieux son compte à traiter un pareil sujet dans lequel il n’auroit point à éviter de se rencontrer avec personne, qu’il ne pourroit le trouver en maniant des sujets de la fable ou de l’histoire grecque et romaine.
La nouvelle comédie peignit les mœurs des âges civilisés, dont les philosophes de l’école de Socrate avaient déjà fait l’objet de leurs méditations ; éclairés par les maximes dans lesquelles cette philosophie avait résumé toute la morale, Ménandre et les autres comiques grecs purent se former des caractères idéaux, propres à frapper l’attention du vulgaire, si docile aux exemples, tandis qu’il est si incapable de profiter des maximes. […] Au caractère d’Achille, dont la peinture est le principal sujet de l’Iliade, ils rapportèrent toutes les qualités propres à la vertu héroïque, les sentiments, les mœurs qui résultent de ces qualités, l’irritabilité, la colère implacable, la violence qui s’arroge tout par les armes (Horace).