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1609. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Nisard en qualité de suppléant ; mais cette chaire, qu’il avait tout fait pour mériter et pour conquérir, il ne lui fut point donné d’y monter et d’en prendre possession en son propre nom. […] « Un pareil voyage fait si vite est propre à donner le sentiment plutôt que la connaissance des choses. » Mais enfin ce premier sentiment, c’est beaucoup déjà, c’est l’éveil de l’esprit et la vie. […] Il écrivait le 13 mars à ses parents : « L’anxiété que mêlaient à l’inquiétude commune mes propres pensées m’avait mis hors de moi. […] Le professeur, qui parle seul et sans discontinuer, est soumis à des conditions particulières et qui ont leurs difficultés propres ; la plus grande est dans la quantité de notions substantielles et saines qu’il est tenu de débiter en y mettant du mouvement, de la vivacité, une demi-action, et sans négliger l’agrément jusque dans le sérieux. […] Commençant par saint Augustin et Boëce et la vive influence qu’ils avaient exercée sur Dante et Pétrarque, il aurait marqué le caractère propre de ce sentiment chez ces deux poètes ; il aurait montré chez Shakespeare et Molière l’art profond sous lequel se voile sans jamais s’étaler, sans jamais nuire à l’action, leur personnalité discrète.

1610. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Ce qui est pis, c’est qu’il prétend être son propre biographe. […] Le rêve est si fort, qu’il n’est pas bien sûr de n’être pas là-bas à Londres. « Il devient ainsi son propre spectre et son propre fantôme. » Et cet être imaginaire, comme un miroir, ne fait que redoubler devant sa conscience l’image de l’assassinat et du châtiment. […] La porte moussue, mal assise sur ses gonds grinçants, boiteuse et décrépite, se balance devant son mirage, comme une douairière fantastique, pendant que notre propre fantôme voyage avec nous. […] Voici les conseils de ce goût public, d’autant plus puissants qu’ils s’accordaient avec son inclination naturelle, et le poussaient dans son propre sens : « Soyez moral. […] C’est le principe d’après lequel j’élève mes propres enfants, et c’est là le principe d’après lequel je veux que les enfants soient élevés.

1611. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Veuillot, lui, ne retrouve pas la vérité : il la découvre réellement, il la conquiert, et cela, par son propre effort et en plein frémissement de jeunesse. […] Certes il est permis à un bon catholique et il lui est même recommandé d’être, s’il peut, un bon politique, de se servir avec habileté des circonstances, voire de s’y plier dans l’intérêt de sa foi, mais à une condition : c’est qu’il ne paraisse jamais réduire ou limiter le domaine où cette foi doit s’exercer et qui est, par définition, universel, ni faire à ses adversaires l’abandon de ses propres principes et se diriger d’après les leurs. […] On enrage d’avoir raison contre ceux qui se réclament de nos propres principes. […] Il osait croire que la pratique de Lucrèce, d’Horace et d’Ovide, de Cicéron, de Sénèque et de Tacite, n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus propre à former des âmes vraiment chrétiennes. Et, en effet, si je consulte là-dessus ma propre expérience, je sens très bien que ce que les classiques de l’antiquité ont insinué et laissé en moi, c’est, en somme, le goût d’une sorte de naturalisme voluptueux, les principes d’un épicurisme ou d’un stoïcisme également pleins de superbe, et des germes de vertus peut-être, mais de vertus où manque entièrement l’humilité.

1612. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

À l’égard de ces dernières, disait A. de Jussieu, « le plus grand nombre des caractères propres à l’espèce, au genre, à la famille, à la classe même, s’effacent, disparaissent peu à peu, et se moquent de toutes nos classifications. » Mais lorsque l’Aspicarpa ne produisit en France, pendant plusieurs années consécutives, que des fleurs dégénérées, s’éloignant ainsi étonnamment d’un grand nombre des caractères les plus importants du propre type de l’ordre, Richard n’en vit pas moins avec sagacité, ainsi que l’observe de Jussieu, que ce genre n’en devait pas moins rester parmi les Malpighiacées. […] Mais ce genre, bien que très isolé, occupera toujours la position intermédiaire qui lui est propre ; car originairement F était intermédiaire en caractères entre les genres primitifs A et I ; et les divers genres qui en sont descendus doivent avoir hérité jusqu’à certain point de ses traits caractéristiques. […] D’après ses propres paroles : « Les embryons de mammifères, d’oiseaux, de Lézards, de Serpents, et probablement même ceux des Tortues, sont durant leurs premières phases de croissance d’une ressemblance parfaite, soit dans leur ensemble, soit par le mode de développement de leurs parties. […] Nous le voyons du reste clairement dans nos propres enfants : nul ne peut savoir s’ils seront grands ou petits, et quels seront précisément leurs traits. […] Finalement, les diverses classes de faits que j’ai considérées dans ce chapitre me semblent établir si clairement que les innombrables espèces, genres et familles d’êtres organisés, qui peuplent le monde, sont tous descendus, chacun dans sa propre classe ou groupe, de parents communs, et se sont tous modifiés dans la suite des générations, que sans hésitation nous devrions encore adopter cette théorie, lors même qu’elle ne serait pas appuyée sur d’autres faits ou sur d’autres arguments 167.

1613. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Et à leurs propres visions, quand ils en avaient, ils n’ont généralement attaché qu’une importance secondaire : c’étaient des incidents de la route ; il avait fallu les dépasser, laisser aussi bien derrière soi ravissements et extases pour atteindre le terme, qui était l’identification de la volonté humaine avec la volonté divine. […] La rencontre, chez les mystiques, de cette expérience telle qu’on l’attendait, permettrait alors d’ajouter aux résultats acquis, tandis que ces résultats acquis feraient rejaillir sur l’expérience mystique quelque chose de leur propre objectivité. […] Il peut n’être pas musicien, mais il est généralement écrivain ; et l’analyse de son propre état d’âme, quand il compose, l’aidera à comprendre comment l’amour où les mystiques voient l’essence même de la divinité peut être, en même temps qu’une personne, une puissance de création. […] Tout le long du chemin, il la sentira s’expliciter en signes issus d’elle, je veux dire en fragments de sa propre matérialisation. […] Ceux qui affirment n’auront que du dédain pour des idées qui se déclarent elles-mêmes provisoires et perfectibles ; ils n’y verront que leur propre thèse, diminuée et appauvrie.

1614. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

De nos jours on a essayé de rendre à la poésie sa langue propre, son style, ses images, ses priviléges, mais l’entreprise a pu paraître bien artificielle, parce qu’il a fallu aller chercher ses exemples dans le passé par delà Malherbe, et encore des exemples très-incomplets et sans autorité éclatante.

1615. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alphonse Karr. Ce qu’il y a dans une bouteille d’encre, Geneviève. »

On y ferait à chaque pas, en se baissant, son butin de moraliste : « Chaque femme se croit volée de tout l’amour qu’on a pour une autre. » — « Madame Lauter, encore sur ce point, était comme toutes les femmes, — excepté vous, madame ; — elle ne plaçait l’infidélité que dans la dernière faveur. » — « On ne se dit : Je vous aime, en propres termes, que quand on a épuisé toutes les autres manières de le dire ; et il y en a tant que l’on n’arrive quelquefois à dire le mot que lorsqu’on ne sent plus la chose et que le mot est devenu un mensonge. » — « La justice du monde, comme la justice des lois, ne découvre presque jamais les crimes que lorsqu’ils n’existent pas encore, ou lorsqu’ils n’existent plus. » — Mais je m’arrête, de peur du sourire de l’auteur, pendant que je me baisse à ramasser ainsi les aphorismes qu’il sème en s’en moquant tout le premier : il me ferait niche par derrière.

1616. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

Il avoit une mémoire prodigieuse, une érudition vaste, une pénétration active, le tact de l’esprit subtil, une adresse merveilleuse à présenter ses idées, & par-dessus tout une dextérité de discussion propre à séduire quiconque ne seroit pas en garde contre ses prestiges.

1617. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 451-455

Ce Poëte, si jaloux de la vérité, a consacré dans ses Mélanges un chapitre pour réfuter les Mensonges imprimés, & n’a pas pensé qu’il fournissoit la matiere d’un volume, quand on voudroit recueillir ses propres mensonges.

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