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554. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Ses plaintes continuelles, ses inquiétudes, sa profonde tristesse, confirmèrent M. de Beauvau et les autres dans l’opinion qu’ils avaient de sa faiblesse et de sa peur ; et il n’y avait personne à Trianon ou à Versailles qui imaginât encore que l’incommodité du roi pût être le commencement d’une maladie. […] Cette histoire ridicule peut servir à faire connaître l’empressement peu réfléchi, l’exactitude machinale des subalternes, que la plus profonde vénération n’abandonne jamais. […] Il faut qu’ils sachent que, comme nous sommes obligés malgré nous de leur donner des marques extérieures de respect et de soumission, nous jugeons à la rigueur leurs actions, et nous nous vengeons de leur autorité par le plus profond mépris, quand leur conduite n’a pas pour but notre bien et ne mérite pas notre admiration ; et, en vérité, il n’était pas besoin de rigueur pour juger le roi comme il l’était par tout son royaume. […] Leur conversation était souvent interrompue par de tendres et profonds soupirs, par des sanglots, par des gémissements, et quelquefois aussi par des moments de sommeil ; car heureusement leur inquiétude et leur douleur ne leur ôtaient pas toute faculté de dormir.

555. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Dans ce discours, il dénonçait d’un ton de conviction profonde le danger moral qui, selon lui, menaçait la société. […] Mais au moins vous n’auriez pas le reproche à vous faire d’avoir favorisé ce courant de matérialisme, d’athéisme, qui emporte les masses et leur inspire une profonde indifférence pour les lois religieuses les plus sages et les plus saintes. […] Il n’est pas possible de ne pas éprouver une affliction profonde lorsqu’on voit, dans une certaine littérature moderne dont on vient louer les auteurs, fouler aux pieds les lois de l’ordre éternel, attaquer la religion, base de l’ordre social. […] Mais je croirais manquer à ce que je dois à ma qualité d’homme de lettres et aussi à mon office de sénateur, si je ne disais tout haut ce que je pense sur une question où il est fait appel directement à nos convictions les plus vives et les plus profondes.

556. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Néanmoins ils doivent se ranimer en observant, dans l’histoire de l’esprit humain, qu’il n’a existé ni une pensée utile, ni une vérité profonde qui n’ait trouvé son siècle et ses admirateurs. […] Sans doute de tels écrits pourraient nuire à la morale, s’ils produisaient une profonde impression ; mais ils ne laissent jamais qu’une trace légère, et les sentiments véritables l’effacent bien aisément. […] Au milieu d’une nation indécise et blasée, l’admiration profonde serait impossible, et les succès militaires même ne pourraient obtenir une réputation immortelle, si les idées littéraires et philosophiques ne rendaient pas les hommes capables de sentir et de consacrer la gloire des héros. […] La méditation profonde qu’exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser aux événements de la vie ; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir.

557. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

De même qu’elle l’a repoussé jadis par obéissance il son père, de même elle le congédie avec une dignité profonde par respect des droits que Polyeucte, en devenant son mari, a reçus à son affection. […] Si nous considérons maintenant l’époque de Voltaire, nouvelle et plus profonde transformation. […] Dans ce qui reste après cette grave amputation, l’écrivain est condamné au perpétuel dilettantisme, qui jongle avec les opinions et dit tour à tour blanc et noir ; impassible, il risque de composer des ouvrages qui ont le froid et le poli de la glace ; détache de la lutte des idées, il est réduit au souci exclusif de la forme ; forcé de s’abstenir en toute question qui touche à la vie profonde de la nation, il s’abâtardit en une sorte de veulerie et de lâcheté intellectuelles  ; il en arrive à fabriquer de jolis riens, des bibelots de décadence, flacons ciselés où ne demeure plus une goutte de liqueur, plus un atome de parfum ni de pensée. […] Certes, la débauche, l’impudeur, la sensualité ont dans la nature de l’homme et dans la constitution d’une société des causes plus profondes que dans la littérature, même dans celle qui est, à bon droit, taxée d’immorale.

558. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

De ces états profonds de la nature humaine, l’un des plus importants est cette croyance, à laquelle quelques hommes exceptionnels échappent seuls — encore n’est-ce qu’en théorie — cette croyance sur laquelle toute notre civilisation d’occident semble fondée : l’homme se croit libre. […] Elle n’est toutefois qu’une conséquence elle-même d’une autre illusion plus profonde et qui l’explique en partie : l’illusion de la personnalité, la croyance à l’unité du moi. […] Elle émigre de ce corps, de ce moi qu’elle avait jusqu’alors animé, pour se répandre au dehors, et tandis que la maison où elle a demeuré va s’affaisser peu à peu jusqu’à ce qu’elle s’effondre, cette vie profonde de l’espèce se construit d’autres demeures humaines, d’autres corps où elle va persister et fleurir. […] Car elle ne demande à un remède que de guérir le mal immédiat, et lorsqu’elle a trouvé ce topique, elle ne se préoccupe pas des modifications profondes que peut déterminer dans l’organisme, l’ingérence d’une substance étrangère.

559. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Je crois qu’Alfred Salabelle me dénaturait dans son esprit, mais nous serions impardonnables si nous risquions de méconnaître sous de rudes paroles une nature profonde. […] Ce trait immédiatement nous emporte dans ces profondes parties de notre race (plus estimables qu’agréables) qui produisirent les Arnauld et tout le monde janséniste, Pascal mis à part, les Lamennais, les Proudhon. […] Qu’a-t-il pris de sève par ses racines dans la terre profonde ? […] Quand on évoque ces deux noms, il me semble revoir, au milieu d’une mer humaine tachée de milliers de bannières rouges, ces deux hommes aux gestes larges et aux paroles profondes, qui semblaient, comme des apôtres, montrer aux prolétaires la cité future, tout un monde de paix, et non cette vie si proche à laquelle aucun esprit sensé ne voulait croire : la vie où l’on ne parlerait pas d’autre chose que de canons, de tranchées, d’attaques, de meurtres et d’incendies… Où sommes-nous tombés maintenant !

560. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Aujourd’hui, pour toujours, chacun d’eux appartient à ce monde des tranchées par ses impressions profondes, par ses premières et grandioses expériences. […] Le mieux est de faire sortir des rangs (et pris aux quatre coins de la France) quelques-uns d’eux, et qu’ils parlent, qu’ils nous laissent saisir sur leur visage même, sans intermédiaire, leur bonne volonté prodigieuse et leur accord profond avec le sacrifice que réclame la patrie. […] Il est prêt maintenant, il va quitter le pays de Jeanne d’Arc, le quitter en septembre, quand l’année lorraine prend sa plus profonde douceur, et, dans le même mois, le jeune héros accomplira son destin.‌ […] On ne circule que dans des boyaux étroits et profonds, remplis de boue, de flaques d’eau, séparées par de gros cailloux qui nous font trébucher.

561. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Mais il ne lui prit jamais, et il ne sut produire, à son exemple, ni ces maximes de calme et de profonde sagesse qui rayonnent d’un éclat pur, au milieu des splendeurs poétiques, ni ces mouvements d’âme, ces rapides évolutions de pensées les plus vives qu’il y ait au monde, ni cette précision singulière en contraste avec l’abondance des images, ni ce mélange, ce choc rapide du sublime et du simple, du terme magnifique et du terme familier, ni cette propriété toute-puissante qui rend présent à tout ce que le poëte a vu dans son plus rare délire. […] Il fallait aller plus loin, pour être juste envers le poëte et pour toucher aux sources profondes de l’art. […] Elle frappe dans l’ensemble, dans les détails, malgré tout ce qui sépare le majestueux évêque français, fils de magistrat, magistrat lui-même, reçu dans la cour et le conseil d’État d’un grand roi, le théologien profond, l’orateur incomparable, dont la voix illustrait les grandes funérailles, et l’harmonieux Trouvère de la Grèce idolâtre, le fils d’un musicien de Béotie, habitant une petite maison de Thèbes, poëte et chanteur, et, à ce titre, hôte bien voulu dans les cités de la Grèce, dans les palais des rois de Syracuse, d’Agrigente, d’Etna, de Cyrène, et souvent aussi, dans la maison et à la table de riches citoyens, dont il célébrait, pour des présents ou par amitié, les triomphes dans les jeux sacrés de la Grèce. […] Ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités : dans le progrès de leur âge, leurs années se poussent les unes les autres, comme les flots ; leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle ; et enfin, après avoir fait comme des fleuves un peu plus de bruit, et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces noms qui nous séparent les uns des autres, mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. » C’est ainsi, c’est avec un semblable regard mélancolique et vaste, que souvent, à l’occasion d’une prouesse vulgaire et d’un nom sans souvenir, le poëte thébain suscite une émotion profonde par quelque leçon sévère sur la faiblesse de l’homme et les jeux accablants du sort.

562. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Vous pouviez intituler votre livre Histoire du ciel, à bien plus juste titre que l’abbé Pluche, qui, à mon avis, n’a fait qu’un mauvais roman… Je vois dans votre livre, monsieur, une profonde connaissance de tous les faits avérés et de tous les faits probables. […] Henri Martin, doyen de la faculté de Rennes, qui s’occupe avec une critique profonde de l’histoire des sciences de l’Antiquité, nous y aidera : La dernière moitié du xviiie  siècle, dit M.  […] C’est l’âge des illusions ; c’est le temps où la nature puissante grave des traits profonds, mais où en même temps elle peint avec des couleurs si douces et si chères.

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