/ 2506
442. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Mes discours ne roulait que sur la pitié qu’inspirent les vertus proscrites, que sur la terreur que produisent les crimes triomphants ! […] Enfin la réunion de ces diverses conditions remplies ne produit-elle pas le complément du récit en vers d’une action héroïque et merveilleuse ? […] Le séjour de Pâris chez Ménélas produisit une violation de la sainteté des pactes autant que de l’hospitalité par le coupable enlèvement d’Hélène. […] On est heureux d’avoir à le produire en exemple alors qu’on discute sur Virgile. […] Une religion qui remonte à un créateur et suprême moteur des choses, par qui tous les phénomènes et toutes les actions se produisent, et qui ordonne et gouverne tout.

443. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Goethe, âgé de vingt-trois ans, dans la plénitude et le vague d’un génie qui est à la veille de produire, mais qui hésite encore, le front chargé de nuages et de pensées qui vont en tous sens, le cœur gonflé de sentiments et ne sachant qu’en faire (sera-ce une passion ? […] Dans toutes ces premières pages de Werther, on se sent dans le vrai, on est avec Goethe tel qu’il était alors ; et toute la première partie de la relation avec Charlotte ou Lotte (comme elle s’appelle familièrement) produit le même effet. […] Je me suis arrêté sur le pont55 : la ville sombre des deux côtés, l’horizon brillant silencieusement, le reflet dans le fleuve, ont produit sur mon âme une impression délicieuse que j’ai retenue avec amour. […] La vraie conclusion de Werther pour les artistes (car Werther est un artiste ou veut l’être), ce serait la conclusion qu’a choisie Goethe lui-même, s’occuper, produire, se guérir en s’appliquant ne fût-ce qu’à se peindre ; et si tous, dans cette tâche, n’atteignaient pas aussi haut qu’un Goethe le peut faire, ils y gagneraient du moins de sortir de leur mal, de le traverser, et de se rattacher bientôt derechef aux attraits puissants de la vie. […] J’avais l’intention de faire d’Albert un caractère que pouvait bien méconnaître le jeune homme passionné, mais pas le lecteur ; cela produira un effet excellent et longtemps désiré.

444. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Assez de marques s’en sont produites au dehors, assez de bruits en ont transpiré du dedans pour que ce ne soit pas une indiscrétion de noter le fait. […] On sentait, jusque dans ces questions en elles-mêmes assez indifférentes, je ne sais quel souffle de passion et un surcroît de lutte qui venait du dehors et qui se produisait à tout propos. […] Auger, autre chose un examen raisonné et mesuré où l’on expose le pour et le contre des questions et où toutes les raisons se produisent. […] Enfin, l’Empereur ayant créé, le 22 décembre 1860, le grand prix biennal de 20,000 francs pour être attribué tour à tour, à partir de 1861, « à l’œuvre ou à la découverte la plus propre à honorer ou à servir le pays, qui se sera produite pendant les dix dernières années dans l’ordre spécial des travaux que représente chacune des cinq Académies de l’Institut impérial de France », l’Académie française a eu, la première, à en faire l’application, et après de longs débats intérieurs ou bien des noms célèbres furent contradictoirement discutés et agités, sans qu’on pût se fixer sur aucun, elle en vint à proposer l’Histoire du Consulat et de l’Empire par M.  […] L’essentiel est de se mettre en communication régulière avec l’air du dehors ; qu’elle tienne à honneur et à devoir de paraître informée, à son heure, de tout ce que la littérature contemporaine produit de distingué, même dans les branches réputées légères.

445. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

On pourrait croire qu’en rappelant l’activité intellectuelle à l’érudition on constate par là même son épuisement et qu’on assimile notre siècle à ces époques où la littérature ne pouvant plus rien produire d’original devient critique et rétrospective. […] Le Moyen Âge travaillait autant que nous, le Moyen Âge a produit des esprits aussi actifs, aussi pénétrants que les nôtres ; le Moyen Âge a eu des philosophes, des savants, des poètes ; mais il n’a pas eu de philologues 72 ; de là ce manque de critique qui le constitue à l’état d’enfance intellectuelle. […] Peut-être les siècles qui savent le mieux produire le beau sont-ils ceux qui savent le moins en donner la théorie. […] Cela est si vrai qu’un même sentiment peut fournir de la poésie, de l’éloquence, de la philosophie, selon qu’on le fait diversement vibrer ; à peu près comme les vibrations diverses d’un même fluide produisent chaleur et lumière. […] Une seule règle peut être donnée pour produire le beau : Élevez votre âme, sentez noblement et dites ce que vous sentez.

446. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

L’impression que produit sur cette classe de personnages la situation des personnages principaux m’a paru souvent ajouter à celle qu’en reçoivent les spectateurs proprement dits. […] Je pense donc que c’est sagement et avec raison que nous avons refusé à nos écrivains dramatiques la liberté que les Allemands et les Anglais accordent aux leurs, celle de produire des effets variés par la musique, les rencontres fortuites, la multiplicité des acteurs, le changement des lieux, et même les spectres, les prodiges et les échafauds. […] Ils y trouvent une telle jouissance, qu’ils s’occupent beaucoup plus de ce qu’ils éprouvent que de l’effet qu’ils produisent. […] La manière dont Schiller développe les motifs qu’on leur présente, et gradue l’effet que produisent sur eux ces motifs ; la lutte qui a lieu dans ces âmes farouches entre l’attachement et l’avidité ; l’adresse avec laquelle celui qui veut les séduire proportionne ses arguments à leur intelligence grossière, et leur fait du crime un devoir, et de la reconnaissance un crime ; leur empressement à saisir tout ce qui peut les excuser à leurs propres yeux, lorsqu’ils se sont déterminés à verser le sang de leur général ; le besoin qu’on aperçoit, même dans ces cœurs corrompus, de se faire illusion à eux-mêmes, et de tromper leur propre conscience en couvrant d’une apparence de justice l’attentat qu’ils vont exécuter ; enfin le raisonnement qui les décide, et qui décide, dans tant de situations différentes, tant d’hommes qui se croient honnêtes, à commettre des actions que leur sentiment intérieur condamne, parce qu’à leur défaut d’autres s’en rendraient les instruments, tout cela est d’un grand effet, tant moral que dramatique. […] Un fils couvert du sang de sa mère, et ne songeant qu’à sa maîtresse, aurait produit un effet révoltant ; Racine l’a senti, et, pour éviter plus sûrement cet écueil, il a supposé qu’Oreste n’était allé en Tauride qu’afin de se délivrer par la mort de sa passion malheureuse.

447. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Une intoxication durable, comme en laissent derrière elles certaines maladies infectieuses, produira l’aliénation. […] Les impressions faites par les objets sur le cerveau y demeurent, comme des images sur une plaque sensibilisée ou des phonogrammes sur des disques phonographiques ; de même que le disque répète la mélodie quand on fait fonctionner l’appareil, ainsi le cerveau ressuscite le souvenir quand l’ébranlement voulu se produit au point où l’impression est déposée. […] Nous venons de voir que des changements se produisent sans cesse dans le cerveau, ou, pour parler plus précisément, des déplacements et des groupements nouveaux de molécules et d’atomes. […] Cette phosphorescence, s’éclairant pour ainsi dire elle-même, crée de singulières illusions d’optique intérieure ; c’est ainsi que la conscience s’imagine modifier, diriger, produire les mouvements dont elle n’est que le résultat ; en cela consiste la croyance à une volonté libre. […] Essayez, par exemple, en mettant bout à bout les idées de chaleur, de production, de balle, et en intercalant les idées d’intériorité et de réflexion impliquées dans les mots « dans » et « soi », de reconstituer la pensée que je viens d’exprimer par cette phrase ; « la chaleur se produit dans la balle ».

448. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

C’est peu que de les avoir bien vus, bien gravés dans sa mémoire, il se plaît à en produire des copies imaginaires. […] Cherchons maintenant quelles sont, pour en produire de semblables, les qualités que doit avoir l’écrivain. […] Quand elle ne produirait que ce bien-là, ne serait-elle pas assez salutaire ? […] Les lettres nous donnent la mesure des forces morales ; et de plus, elles les produisent et les augmentent. […] Ce double objet de curiosité se produit également en des faits inverses, par la victoire des criminels, et par la destruction des vertueux.

449. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Bientôt le soleil, la pénétrant, l’agita profondément et y produisit une espèce de tourmente. […] Thiers produit trop ce genre d’illusion. […] Ce récit dramatique encourage, enflamme, et produit un peu l’effet d’une Marseillaise ; il fait aimer passionnément la révolution. […] Les temps sont passés ; mais un style simple, vrai, calculé, un style savant, travaillé, voilà ce qu’il nous est permis de produire. […] Le résultat même de ses études les plus habituelles, les plus antérieures, il le produit et le déroule volontiers sous une lumière légère et sur une surface sans ombre.

450. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

. — Une vieille comédie a été jouée, très vieille, très plaisante : chaque fois qu’un musicien produit un opéra, les feuilletonnistes la reprennent, d’accord avec le public : le wagneriste malgré lui. […] L’art doit produire l’impression complète de la vie. […] La mélodie de la forêt, image de ce que doit produire l’orchestre, rendant clair et retentissant le silence du poète. […] Mais Wagner n’est pas un musicien, il est un dramaturge, voulant produire la vie entière, non telle ou telle émotion. […] La divine, miraculeuse épée, vue ou nommée, produit en l’âme de Wofan ou de Siegfried une impression spéciale, grande ; à cette impression, toute psychique, répond le motif musical.

/ 2506