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27. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Ce livre fut-il, comme d’autres le disent, une froide leçon de tyrannie pour donner aux princes la théorie des crimes heureux ? […] Machiavel divise les princes en princes héréditaires et en princes nouveaux. […] On en a conclu que Machiavel conseillait le meurtre des anciennes familles des princes vaincus. […] Lui seul peut le savoir ; mais il est bien difficile d’innocenter même l’histoire quand elle présente ainsi la ruse ou le meurtre à l’âme d’un prince, sans avertir au moins ce prince que la ruse est une bassesse et que le meurtre est un forfait. […] Princes ou républiques se liguent tantôt avec les papes, tantôt avec les empereurs, tantôt avec les Suisses, tantôt avec les Français.

28. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Jugement sur ce prince. […] Dès 1663, panégyrique sur Louis Dieu-donné : c’était le nom de ce prince, dont la naissance fut regardée comme une faveur du ciel. […] Par une loi éternelle, tout prince doit naître, vivre, mourir, et être enterré au bruit des éloges : l’habitude, la reconnaissance et le respect satisfirent à tout. […] Je ne parle pas des dernières années de ce prince ; je plains tant de grandeur suivie de tant de désastres. […] En donnant de la consistance à la nation, ce prince lui donna de la grandeur.

29. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Autres vies analogues. — Princes et princesses. — Seigneurs de la cour […] Le train des princes est si inséparable de leur personne, qu’il les suit jusque dans les camps. « M. le prince de Condé, dit M. de Luynes, part demain pour l’armée avec une grande suite : il a deux cent vingt-cinq chevaux, et M. le comte de la Marche cent. […] Les ministres, les princes du sang eux-mêmes lui en rendaient. […] Total 33 240 000 livres  À quoi il faut ajouter la maison militaire du roi et les 2 millions en apanage des princes. […] Dans les jours ordinaires on buvait 50 douzaines de bouteilles, et 80 douzaines pendant la visite du roi et des princes.

30. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Ainsi j’approuve les auteurs qui, lorsqu’ils ont pris pour sujet quelque évenement arrivé en Europe depuis un siecle, ont masqué leurs personnages sous le nom des anciens romains ou de princes grecs, ausquels personne ne prend plus d’interêt. […] Ils ont mis sur la scene des souverains morts depuis peu de tems, et quelquefois même des princes vivans. […] C’étoit un moïen d’y réussir que de répresenter les rois et les princes avec un caractere vicieux, dans des spectacles qui devoient avoir encore plus de pouvoir sur l’imagination des grecs, que sur celle des peuples septentrionaux. Voilà pourquoi les poëtes grecs ont défiguré quelquefois le veritable caractere des souverains ; voilà pourquoi ils ont introduit si souvent sur la scene Oreste malheureux et poursuivi des furies, quoique les historiens citent ce prince pour avoir vêcu et regné long-tems et heureusement. […] Les françois sont vantez de toutes les nations pour respecter naturellement leurs princes : ils font même davantage, ils les aiment.

31. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Ce spectacle affligeant est donné au monde pour montrer aux hommes éblouis combien les princes, si grands en apparence, sont petits en réalité. […] La Providence allait renverser, dans la tombe prématurée du prince, les idées, les plans, les rêves, l’ambition, l’espoir et la vie du philosophe. […] Fénelon avait corrigé et achevé dans cette âme l’œuvre ébauchée par la nature d’un prince accompli. Or ce prince, ces vertus, ces saintetés, ces espérances montrées et perdues, c’était Fénelon qui les avait faites ! […] En pleurant le prince mort, je m’alarme pour les vivants.

32. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie. À la suite de tous ces noms de guerriers ou de princes rassemblés des trois parties du monde, c’est un spectacle curieux de retrouver les noms du Dante, de Pétrarque, de Boccace, de l’Arioste, du cardinal Bibiéna, auteur de la comédie de la Calandre, jouée au Vatican sous Léon X, et du célèbre Machiavel ; sans compter cette foule innombrable de savants, presque tous Grecs ou Italiens, qui dénués, il est vrai, de ce mérite rare du génie, contribuèrent, cependant, par leurs travaux, au rétablissement des lettres, en faisant revivre les langues qui ne s’étaient conservées que chez les chrétiens de Constantinople, et la philosophie ancienne qui, depuis la chute de l’empire, n’avait été cultivée que par les musulmans arabes. […] Il est d’abord fort singulier que ce panégyriste, ayant loué près d’une centaine de princes grecs, idolâtres, musulmans et chrétiens, n’ait pas fait l’éloge d’un seul pape : il était cependant italien et évêque. Je remarquerai ensuite qu’il a fait l’éloge de plusieurs princes qui étaient encore vivants, et dans ces articles il change tout à coup de ton ; il ne raconte plus, il loue, et l’historien devient déclamateur. […] Quoique ce prince fût encore vivant, Paul Jove ose l’appeler de son véritable nom, c’est-à-dire, un monstre ; il est vrai que ce monstre était alors détrôné et enfermé dans une cage de fer ; mais beaucoup d’autres auraient craint que la cage ne fût brisée, et que ce monstre, en remontant sur le trône, ce qui est arrivé quelquefois, ne redevînt un très grand prince.

33. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Ce jeune prince, âgé de dix-neuf ans et cinq mois, tomba malade de la petite vérole, dans une marche qu’il faisait avec son régiment, et mourut le 26 mai 1767. […] Il avait l’esprit plus orné que ne l’ont la plupart des gens du monde ; enfin, mon cher frère, je voyais en lui un prince qui soutiendrait la gloire de la maison. […] En 1770, après un voyage en Suède auprès de la reine leur sœur, le prince alla en Russie, où il était désiré et demandé par l’impératrice Catherine. […] Au moment du départ, et lorsque le prince était encore en Suède, Frédéric lui écrivait (12 août 1770) : « Vous apprendrez à connaître là bien des gens dont nous avons besoin. […] À un moment, Frédéric s’étant plaint de n’être pas bien secondé, le prince, piqué, envoie à son frère sa démission.

34. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

En souscrivant à ce mariage, le jeune prince avait sacrifié son inclination pour Marie Mancini, sœur de la comtesse de Soissons, qu’il avait aussi eue pour sa maîtresse. […] Monsieur était un prince efféminé, de petit esprit, de petite stature, d’une galanterie fade et misérable ; madame de Fienne lui disait : Vous ne déshonorez pas les femmes qui vous hantent, ce sont elles qui vous déshonorent. […] La considération de la gouvernante lui paraît déjà nécessaire pour préparer les peuples à respecter un prince appelé à es gouverner. Il nomme la duchesse de Montausier gouvernante de M. le Dauphin, et le duc de Montausier est désigné d’avance pour être son gouverneur, quand, âgé de sept ans, le prince passera des mains des femmes en celles des hommes. […] On voit que le prince n’était point en retard de marcher sur les traces de Henri son aïeul, dans la carrière de la galanterie.

35. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation. […] et se peut-on croire obligé d’éloigner, comme jugement téméraire, la pensée que le prodige de cet édit qui les appelle à la couronne après le dernier prince du sang, et qui leur en donne le nom, le titre, et tout ce dont les princes du sang jouissent et pourront jouir, n’ait pas été, dans leurs projets, un dernier échelon, comme tous les précédents n’avaient été que la préparation à celui-ci ; un dernier échelon, dis-je, pour les porter à la couronne, à l’exclusion de tous autres que le dauphin et sa postérité ? Sans doute il y a plus loin de tirer du non-être par état, et de porter après ces ténébreux enfants au degré de puissance qu’on voit ici par leurs établissements et a l’état et rang entier des princes du sang, avec la même habileté de succéder à la couronne ; sans doute il y plus loin du néant à cette grandeur, que de cette grandeur à la couronne. Le total est à la vérité un tissu exact et continuel d’abus de puissance, de violence, d’injustice ; mais une fois prince du sang en tout et partout, il n’y a plus qu’un pas à faire ; et il est moins difficile donner la préférence à un prince du sang sur les autres, pour une succession dont on se prétend maître de disposer, puisqu’on se le croit de faire des princes du sang par édit, qu’il ne l’est de fabriquer de ces princes avec de l’encre et de la cire, et de les cendre ainsi tels sans la plus légère contradiction73. » Madame de Maintenon ne fut ni créole, ni créole publique, ce qui signifie femme publique, ni à l’aumône. […] Il vécut et mourut zélé protestant, sans que la conversion de Henri le détachât de ce prince.

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