Les princes applaudissent avec fureur ; le roi, transporté d’un zèle destructeur, saisit une torche, et Thaïs, montrant le chemin ainsi qu’une nouvelle Hélène, incendie une nouvelle Troie. […] Le père, sollicité par la misère et par la curiosité des princes et des villes, fut obligé de conduire son fils dans plusieurs cours, petites ou grandes, de l’Allemagne. […] À Stuttgart ils ne parviennent pas à se faire entendre ; les artistes italiens sont maîtres de l’oreille du prince ; ils écartent dédaigneusement les rivaux, même enfants. […] Nous étions dans la galerie lorsque le roi revint de chez madame la Dauphine, qu’il avait été voir à l’occasion de la mort de son frère, le prince électeur de Saxe. […] Ils prenaient Wolfgang pour un gentilhomme allemand ; d’autres l’ont même pris pour un prince ; le domestique les laissait dans cette croyance ; on me considérait comme un chambellan.
« On répète que je suis un serviteur des princes, un valet des princes ! […] De tels princes et de tels temps sont, Dieu merci, loin derrière nous. […] Pour lui personnellement, qu’a-t-il retiré de son rôle de prince, sinon charges et fatigues ? […] Un soir, j’étais seul avec elle, prenant le thé, lorsque les deux princes arrivent en sautant, pour prendre le thé avec nous. […] Jamais je n’ai eu beaucoup de respect pour la condition pure de prince, quand elle n’est pas alliée à une nature solide et à la valeur personnelle.
Par exemple, celle-ci : « Ceux qui ne veulent pas souffrir que le prince use de rigueur en matière de religion, parce que la religion doit être libre, sont dans une erreur impie. » Ou bien cette autre : « Les princes ont reçu de Dieu l’épée pour seconder l’Église et lui soumettre les rebelles. […] On n’a jamais en effet, donné une théorie plus complète du despotisme pur, et il serait impossible d’imaginer un état social plus dégradant, plus voisin de la barbarie : le genre humain n’est plus qu’un bétail, il n’y a plus de société, plus de citoyens, mais des troupeaux dociles, défilant sous la verge du prince, qui est nécessairement, fatalement, le représentant de Dieu sur la terre. […] Écoutez plutôt : « L’autorité royale est absolue… Les princes sont des espèces de dieux, suivant le langage de l’Écriture, et participent eu quelque façon à l’indépendance divine… Au caractère royal est inhérente une sainteté qui ne peut être effacée par aucun crime, même chez les princes infidèles… » Bossuet en déifiant le prince, quelqu’il soit et de quelque manière qu’il ait été établi, en le marquant d’un caractère de sainteté qu’aucun forfait ne peut effacer, n’est plus qu’un adorateur du fait brutal, de la force pure, et il rétrograde ainsi par-delà le moyen âge et jusqu’aux Césars byzantins… » Je ferai la même observation que pour l’alinéa précédent. […] Mais les princes ont reçu de Dieu l’épée pour seconder l’Église et lui soumettre les rebelles. »… C’est sur ce droit de forcer la conscience que s’engage la querelle… Bossuet n’échappe aux prises de Jurieu qu’en s’enfonçant dans sa barbare doctrine, en soutenant, contre la nature, la pitié, la justice, — le faux droit de la tyrannie. […] Si la Prusse n’avait pas reçu cette impulsion soudaine, si elle n’avait pas absorbé toute cette force d’eugénisme, ses destinées n’auraient pas, malgré tout le génie d’une série de grands princes, balancé celle des autres états allemands.
Fiancée d’abord avec son cousin Louis-Napoléon, les destinées du prince appelé à l’Empire, et y marchant à travers maint hasard, vinrent rompre presque aussitôt, à son égard, ces projets et ces arrangements de famille. […] Après le plaisir de travailler, elle n’a rien de plus agréable que de visiter les grandes galeries, notre musée du Louvre, et d’y revoir les chefs-d’œuvre ; et si on lui parle des tableaux modernes qu’elle a chez elle et dont ses salons sont ornés : « Ici ce sont mes amis, dit-elle, mais là-bas ce sont mes admirations. » Le goût de la princesse est classique : on a remarqué que le goût des princes l’est naturellement73. […] [NdA] C’est La Bruyère qui a fait cette remarque, au chapitre « Des grands » : « Les princes, dit-il, sans autre science, ni autre règle, ont un goût de comparaison ; ils sont nés et élevés au milieu et comme dans le centre des meilleures choses, à quoi ils rapportent ce qu’ils lisent, ce qu’ils voient, et ce qu’ils entendent.
Delille a régné, ou du moins il a été le prince des poètes de son temps. Il y a eu à divers moments en France de tels princes des poètes, et il serait curieux d’en noter la dynastie assez irrégulière, assez capricieuse. […] Voiture, vrai prince des beaux esprits, et galamment chaperonné de la sorte, n’eut qu’un moment. […] Il devint de son temps un vrai prince des poètes, comme on l’était avant Louis XIV, avec tout ce que l’idée de mode et d’engouement ramène sous ce nom. […] A Darmstadt, il avait visité incognito les jardins du prince dessinés et calqués dans le temps, livre en main, sur le poëme.
Il le définit un amant sans foi, un prince foible, un dévot scrupuleux. […] Il a fait à la fois, d’Énée, un prince religieux & un grand homme ; un héros qui craint les dieux, mais à qui les oracles n’en imposent pas ; un héros plein de franchise & de valeur, ne sauvant sa gloire, & ne s’arrachant à Didon, qu’après l’avoir rendue triomphante de ses ennemis, & fait preuve des sentimens les plus élévés. […] Elle se moque d’un héros qui s’occupe d’amour, lorsqu’il devroit avoir la tête remplie des grandes vues que les dieux ont sur lui ; qui, dans le temps que la reconnoissance vouloit qu’il s’attachât à Carthage, prétexte leurs ordres pour aller s’établir dans tel coin de la terre plutôt que dans tel autre, & trahit une reine qui s’est livrée à lui, & l’a comblé de biens pour devenir le ravisseur d’une femme promise à un autre prince. […] Le Franc, & le blâme d’avoir appellé foible & parjure un tel prince. […] L’entrevue de ce prince, avec la reine Élisabeth, est dans toutes les règles de l’épique.
Bergeret, secrétaire du cabinet, à célébrer Louis XIV, ses guerres, ses conquêtes, le triomphe de sa diplomatie impérieuse : Heureux, disait en terminant Racine (et cette péroraison n’est pas la plus délicate partie de son discours), heureux ceux qui, comme vous, Monsieur, ont l’honneur d’approcher de près ce grand prince, et qui, après l’avoir contemplé, avec le reste du monde, dans ces importantes occasions où il fait le destin de toute la terre, peuvent encore le contempler dans son particulier, et l’étudier dans les moindres actions de sa vie, non moins grand, non moins héros, non moins admirable, que plein d’équité, plein d’humanité, toujours tranquille, toujours maître de lui, sans inégalité, sans faiblesse, et enfin le plus sage et le plus parfait de tous les hommes ! […] Dacier, homme fort fameux par son érudition et ses ouvrages, qui a épousé Mlle Le Fèvre, plus fameuse encore que lui par sa profonde science, avait eu une pension du roi de 500 écus ; ils se sont tous deux convertis depuis quelques mois. » Bien plus, c’étaient M. et Mme Dacier qui avaient décidé la conversion entière de la ville de Castres. — « Dimanche, 17 février. — J’appris que le roi donnait à Foran 1500 francs de pension en faveur de sa conversion, outre celle de 2000 francs que le roi leur donna, à Villette et à lui, il y a quelque temps, comme chefs d’escadre ; ils sont tous deux nouveaux convertis, et le roi répand volontiers ses grâces sur ceux qu’il croit convertis de bonne foi. » — « 10 mars. — Le roi donne au marquis de Villette, cousin-germain de Mme de Maintenon et chef d’escadre, une pension de 3000 fr. ; il s’est converti depuis peu. » Ces sortes de pensions et de faveurs sont à l’infini : elles sont décernées hautement, données de bon cœur et de bonne foi, non pas comme motif de la conversion, mais après la conversion et comme marque de satisfaction du prince pour un retour à la règle. […] Qu’il me soit donc permis, Seigneur, de finir ici en le félicitant de votre protection divine, et en lui disant à lui-même ce qu’un de vos prophètes dit à un prince bien moins digne d’un tel souhait : « Rex, in aeternum vive ! […] Il aura à combattre l’empire et l’Espagne, les princes d’Allemagne protestants, la Hollande ; il perd ses alliés, la Suède, le Danemark ; il perd l’Angleterre dont le prince d’Orange va saisir le gouvernail en renversant Jacques II.
C’est ainsi qu’on le voit à Bruxelles, puis dans le midi de la France, et bientôt à Madrid, chargé d’une mission secrète pour son prince pendant les années 1632-1633. […] Il n’y eût pas eu de position plus fausse que la sienne entre Mme de Longueville qui était sa divinité, M. le prince qui était son héros, et le cardinal Mazarin qu’il appelait son Jules César. […] Ce sont les vers improvisés à la reine Anne d’Autriche dans une promenade à Ruel : Je pensais que la destinée Après tant d’injustes malheurs… C’est surtout l’épître à M. le prince, après son retour d’Allemagne où il avait failli mourir de maladie (1645), pièce charmante, philosophique et de la plus douce veine. […] Avec les princes et les grands, bien que d’abord excellent à s’y produire et à gagner une faveur brillante, Voltaire excédait tôt ou tard la mesure et s’attirait de fâcheux retours ; ce que Voiture eut le tact d’éviter.
La margrave prend la part la plus entière à son sort ; elle l’admire comme son héros, comme le plus grand prince régnant, « et un de ces phénomènes qui ne paraissent tout au plus qu’une fois dans un siècle. » Après ses premiers succès dont il ne profite peut-être pas autant qu’il aurait pu65, elle le voit près d’être écrasé entre les trois puissances ennemies : elle brûle de s’entremettre en sa faveur. […] L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ? […] J’ai cru qu’étant roi, disait Frédéric, il me convenait de penser en souverain, et j’ai pris pour principe que la réputation d’un prince devait lui être plus chère que la vie. » Elle épouse donc complètement ses intérêts et sa destinée. […] Il serait, ce me semble, bien difficile qu’on refusât d’être l’arbitre de tout, et de donner des lois absolues à un prince qui croyait, le 17 juin (veille de la bataille de Kolin), en donner à toute l’Allemagne.