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1822. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Chapitre IV Le théâtre romantique Premiers essais. — 1. […] Le jeune premier du drame romantique vient tout droit de ses poèmes. […] Hugo ne s’est pas lassé de répéter ce type qui n’était même pas une expression sincère de sa propre personnalité : le laquais Ruy Blas, le bandit Hernani, l’aventurier Gennaro, le chevalier Otbert, le proscrit Rodolfo, ne sont que des variantes, les deux premières originales, les autres assez décolorées de Didier. […] D’une matinée de bon sens lucide, où il s’est dit ses vérités, le premier acte de Il ne faut jurer de rien est sorti ; la réalité a fourni le point de départ, l’imagination fera le reste ; elle organisera une action, un dénouement conformes à cette situation première où le poète s’est trouvé.

1823. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

. — Pour quoi le succulent gnômique de l’Art poétique et délicieux chanteur du Lutrin ; pour quoi l’immense Baudelaire réalise des critiques de premier ordre ; pour quoi tant d’extravagances dans Shakespeare de ce dadais épique de Hugo, n’empêchent qu’on ne le déguste avec plus de plaisir et de fruit que l’œuvre entier du petit bonhomme envieux, Sainte-Beuve, consacré tout à rapetisser les Lettres. […] Le lendemain, des articles en première page du Temps et de ses émules informeront de votre manifestation Paris et l’univers. […] Exemple : récemment, une jeune revue ouvrait un plébiscite, demandant quels sont les sept poètes du premier bateau, les sept du second, les sept du troisième. […] Mais s’il s’agit d’études qui à distance doivent conserver tout leur prix, une critique moins calquée sur l’actualité nous retiendra davantage, celle des Promenades littéraires de Gourmont, des Essais de Bourget, des Contemporains de Lemaître, ou, plus près de nous, celle de Suarès, de Thibaudet et du rédacteur unique des premières Marges.

1824. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

J’ai ouï dire que son premier essai littéraire fut un petit poème antireligieux et passablement décolleté, nommé la Gavriliade. […] Pendant toute sa carrière, il subit la peine de cette première polissonnerie d’écolier. […] Un officier russe, prisonnier des Circassiens, est consolé dans sa captivité, puis délivré par une jeune fille Tchetchenge, qui, lui sachant un autre amour au cœur, se jette dans un torrent après l’avoir conduit aux premières vedettes des Cosaques. […] Parmi des refrains de Bohême, les hurlements de l’ours et le cliquetis incessant de sa chaîne ; partout des haillons aux couleurs criardes : ici des enfants et des vieillards à demi nus, là des chiens qui hurlent et aboient ; le violon ronfle, les roues grincent sur le sable, tout est sauvage, misérable, désordonné… » Sous le titre de Boris Godounov, Pouchkine a composé un drame historique dans la forme de ceux de Shakespeare, avec l’aventure du premier des faux Démétrius.

1825. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Le luxe, les arts, les commodités de la vie, y sont au premier rang ; il fait la civilisation à l’image de sa vie. […] Pour moi, qui ne puis m’accoutumer à ce que la marche des nations soit une course aveugle à travers le temps, qui regarde la guerre qu’on fait au passé comme une guerre civile, tout en admirant dans l’Essai la beauté de la pensée première, les vérités de détail dont le livre est semé, un style où, à la différence du style précieux, ce sont les beautés et non les défauts qui se cachent, j’estime que le bien n’y compense pas le mal, et je ne verrais pas sans inquiétude pour mon pays qu’on y préférât l’Essai sur les mœurs au Siècle de Louis XIV. […] C’est cet esprit qui, dans nos premiers conteurs, naît tout formé, et, parmi tant de mots et de tours destinés à la refonte, crée un français qui ne changera pas. C’est celui qui, dans Villon et Marot, se dégage des allégories du moyen âge et résiste aux premières superstitions pour l’antiquité classique.

1826. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Ne lui demandez point de jugement approfondi ni de révélations directes sur les hommes et les personnages en scène : il pourra porter quelques-uns de ces jugements sur les personnes tout à la fin et après l’expérience faite ; mais d’abord il ne les juge que d’après l’ensemble de leur rôle et de leur action, et comme on peut le faire au premier rang du parterre. […] Pourtant cette misanthropie première ne tint pas devant les grands événements et les promesses de 89. […] Ce premier moment qui nous laisse voir André Chénier dans la modération toujours, mais pas encore dans la résistance, se distingue par quelques écrits, dont le plus remarqué fut celui qui a pour titre : Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, et qui parut d’abord dans le numéro XIII du Journal de la Société de 89. […] Par un mouvement généreux et tout chevaleresque, il se déclare plus à découvert que jamais pour le roi entre le 20 juin et le 10 août ; il félicite le pauvre Louis XVI, si humilié et si insulté, de son attitude honorable dans cette première journée.

1827. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Or à considérer dans son détail le jeu de cette illusion qui réussit à se faire agréer, il apparaît que l’homme de toutes les époques se montre préoccupé à la fois d’améliorer sa vie immédiate, son bien-être terrestre et de s’assurer, par-delà cette première existence, un bonheur plus parfait et plus durable en une seconde existence qu’il imagine. […] Tout son labeur a été détourné du but initial qu’il s’était proposé et a été utilisé pour une autre fin ; car sa première inquiétude s’est objectivée en un admirable paysage logique, où, s’enracinant dans un sol remué par l’expérience, les idées s’entrecroisent comme des frondaisons sous le ciel lointain des conceptions abstraites. […] Il est donc naturel que cette source d’énergie ait été captée et utilisée à son profit par le Génie de la Connaissance, et de fait, il semble bien qu’un tel souci soit une des premières sources de l’esprit scientifique. […] Mais ce qu’il convient d’admirer, c’est qu’avec la médecine, avec ce premier souci qui poussa l’homme à intervenir dans sa propre physiologie, le Génie de la Connaissance semble avoir créé une cause d’effort qui, s’étant une fois exercée, se cause elle-même à l’infini, se légitime et s’engendre avec une force qui va toujours croissant.

1828. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Par exemple, dans un des premiers chapitres, il montre que le trait fondamental de la démocratie américaine est l’absence totale de centralisation administrative, et dans le dernier livre de son ouvrage il soutient que cette sorte de centralisation est le plus grand mal des démocraties. […] En un mot, M. de Tocqueville, qui a prévu beaucoup de choses avec une sagacité vraiment surprenante, n’a pas prévu le socialisme, au moins dans ses écrits, car il a été un des premiers à s’en émouvoir comme homme politique8. […] Ces règlements déterminaient la longueur et la largeur des étoffes, les dimensions des lisières, le nombre des fils de la chaîne, la qualité, des matières premières et le mode de fabrication. […] Un des premiers, il a montré le lien étroit qui unit le panthéisme et l’esprit de démocratie exagéré.

1829. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

De l’éducation de son esprit, j’ai déjà dit un mot quand il s’est agi de vous parler de ses premières études. […] Je vous dirai que nous sommes là sur un terrain très sûr et que nous savons presque la date des lectures que La Fontaine a faites de ces trois poètes, car dans son premier poème  non, ce n’est pas tout à fait le premier  mais enfin dans un poème qu’il a fait dans sa jeunesse, à savoir dans Clymène, il nous parle à plusieurs reprises et avec éloge de Malherbe, de Marot et de Voiture. […] Voilà ses trois premiers maîtres, incontestablement. […] Or, que nous a dit Gassendi, au commencement, ou au premier tiers du siècle ?

1830. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Aujourd’hui, pour toujours, chacun d’eux appartient à ce monde des tranchées par ses impressions profondes, par ses premières et grandioses expériences. […] Le jeune Antoine Boisson, né d’une famille de soldats, à Lure, dans une de ces petites villes de l’Est pleines de vertus militaires, quitte le lycée pour s’engager au premier temps de la guerre. […] Et puis parfaits dans les autres (car, n’est-ce pas, nous croyons à la communion des saints), ce qui veut dire prier pour eux, pour qu’ils sachent plier leurs consciences et leurs volontés à la volonté royale de Dieu. »‌ Voilà ses pensées premières, voilà d’où part cet enfant plein du génie religieux de sa maison familiale, et, jour par jour, durant sa courte année d’apprentissage à la vie, il s’occupe passionnément à recevoir la leçon des faits.‌ […] Excuse la brièveté de ma lettre, je ne suis plus au repos, je suis en première ligne dans une cagna obscure où il pleut et où je ne peux me tenir qu’à genoux.

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