Pour qu’ils se changent en arguments, il faut qu’ils ne soient plus des êtres : un portrait vivant pourrait attirer l’attention, et le spectateur oublierait l’instruction pour le plaisir ; une peinture détaillée pourrait égarer l’interprétation, et le spectateur laisserait la bonne conclusion pour la mauvaise ; si le Renard a trop d’esprit, on ne songera qu’à lui, ou qui pis est, il sera le héros. […] Où trouver maintenant dans le style le portrait du poëte ? […] Il sera à la fois indistinct et inachevé ; il ne touchera que confusément et faiblement : dans la galerie des portraits, tous seront semblables, et aucun saisissant. — Même défaut dans l’action, puisqu’elle dépend des caractères. […] Pourquoi un portrait est-il une oeuvre d’art ?
S’il joue le second, la pièce redeviendra raisonnable ; mais alors, on ne comprendra plus du tout le portrait qui nous a été fait de Tartuffe avant son apparition. […] En d’autres termes, il n’y a pas deux Tartuffe ; mais il y a Tartuffe, d’une part, et, d’autre part, le portrait qui nous a été fait de Tartuffe avant son entrée en scène. Or, il faut considérer que ce portrait est moitié d’une ennemie, et d’une ennemie qui est servante (Dorine), et moitié d’un imbécile (Orgon) ; que, par conséquent, nous ne le pouvons accueillir que sous bénéfice d’inventaire, que nous en devons contrôler, rectifier ou, mieux, interpréter tous les traits. […] Et, par cela seul qu’il applique à une passion profane le vocabulaire et les images de la « mystique » chrétienne, il se trouve presque composer, sans le savoir, une sorte d’élégie idéaliste aux airs déjà vaguement lamartiniens : Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles… Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés ; Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint.
le portrait de M. […] Pour mieux m’entendre, il faudrait que j’eusse là un portrait de Louis peint par Chardin. On dirait d’un amas de petits flocons de laine teinte et artistement appliqués les uns à côté des autres, sans lien ; en sorte que, quand le portrait est debout, on est surpris que l’amas reste, que les molécules coloriés ne se détachent pas, et que la toile ne reste pas nue. […] Voilà-t-il pas que je me rappelle ce portrait de Bridan ; il y a une extrême vérité et des détails qui ne permettent pas de douter de la ressemblance ; mais j’oserai demander si c’est là de la chair ; et pour vous montrer combien je suis de bonne foi, c’est que si l’on me soutient qu’il y a de la finesse dans la tête de la dormeuse, et que la tête du vieillard est d’un beau faire, d’un bon caractère, barbe légère et mieux coloriée qu’il ne lui appartient, je ne disputerai pas.
Sainte-Beuve, dans une autre préface, se souvint qu’il avait écrit lui-même l’histoire de Port-Royal et de ses religieuses, et qu’en outre il avait fait le portrait de plusieurs grandes dames du temps. […] Sur un simple portrait, Amadis devint amoureux d’Oriane ; sur un simple soupçon, M. […] II Tel est cet orateur que l’imagination poétique et l’esprit d’érudition ont promené dans l’érudition et égaré dans la philosophie, qui, après avoir voyagé parmi divers systèmes et hasardé un pied, et même deux pieds, dans le panthéisme, est venu se rasseoir dans les opinions moyennes, dans la philosophie oratoire, dans la doctrine du sens commun et des pères de famille ; qui, pensant faire l’histoire du dix-septième siècle, en a fait le panégyrique ; qui, croyant tracer des portraits et composer des peintures, n’a su que recueillir des documents et assembler des textes ; mais qui, dans l’exposition des vérités moyennes et dans le développement des sujets oratoires, a presque égalé la perfection des écrivains classiques, et qui, par la patience de ses recherches, par le choix de ses publications, par la beauté et la solidité de ses monographies, a laissé des modèles aux érudits qui continueront son œuvre, et des matériaux aux philosophes qui profiteront de son travail. […] Il apprit, en écoutant le langage exquis des gens de cour et des gens du monde, la différence du style enflé et du style noble, du style vague et du style élevé ; il se dépouilla d’une certaine rouille philosophique qu’il avait contractée en théologie, et comprit que, lorsqu’on faisait le portrait de personnes si élégantes et si mondaines, il ne fallait pas y apporter les habitudes philosophiques que la Sorbonne conservait dans ses argumentations d’apparat.
Ils écrivirent : Les Maîtresses de Louis XV, — Portraits intimes du xviiie siècle, — et cette Femme au xviiie siècle 29. […] Et non seulement ces Lavatériens de l’Histoire s’étaient servis des portraits d’une époque pour en connaître mieux les hommes, mais ils s’étaient emparés de tous les produits d’art laissés par les sociétés derrière elles pour expliquer l’état moral de ces sociétés. […] Mais personne, avant MM. de Goncourt, n’avait appliqué cette idée à l’Histoire avec une telle précision et même une telle exclusion que si vous ôtiez de la leur les gravures, les miniatures, les portraits, les caricatures, l’ameublement, l’ornementation des appartements, tout le bric-à-brac, tout l’inventaire artistique du xviiie siècle, on se demanderait ce qui resterait de l’Histoire !
Cette beauté, du reste, aucun portrait d’elle ne l’a révélée, et il y en a trois d’immortels… Ni celui de Gérard, ni celui de David, ni celui de Chateaubriand, autre genre de peintre ! […] … » La beauté de Madame Récamier est insaisissable, et les récits qu’on en a faits à ceux qui ne l’ont pas vue sont comme les portraits qu’on en voit… C’est le camée des beautés du temps, commun à en devenir vulgaire : le camée de Pauline Borghèse, de Madame de Rovigo, de Madame de Custine, de Mademoiselle Georges, de Mademoiselle Mars. […] » Mais ce qui l’attestera mieux que ces vains portraits, ce sont les lettres que voici.
. — un portrait de libri. — projet d’une statue de lamartine a arles. — inexpérience scénique de ponsard. — le role des trois femmes dans lucrèce. […] Quoi que j’aie pu dire de l’opportunité de la première dans une de mes précédentes chroniques, il y a un portrait à faire de Libri, tête encyclopédique, adversaire net et logique, bonne lame et inflexible, donnant, comme Rossi, l’exemple d’une saine justesse dans une langue qui n’est pas la sienne.
Récemment, ce peintre nous a montré, dans le portrait au pastel d’une femme, qu’elle prodigieuse science il possédait du dessin descriptif. […] Aujourd’hui sous le prétexte d’un portrait, il présente une symphonie de couleurs bleues et blanches. […] L’effet extérieur rappelle trop le magnifique portrait sombre, le portrait d’une dame anglaise, que le peintre nous montrait, en 1885. Mais surtout ce portrait d’un violoniste diffère du portrait précédent, en ce que M. Whistler a remplacé, sans raison, par les formes ingracieuses d’un personnage en habit noir, ce qui, l’année dernière, rendait si intense l’émotion de son tableau, ces vagues contours féminins, et cette ressemblance d’un mince visage lascif, imprégnant à peine d’une mystérieuse tache claire l’harmonie sombre des couleurs, Aujourd’hui ce n’est plus une symphonie, mais un portrait : et nous nous affligeons, alors, de ce que la réalité visuelle n’ait pas été reproduite.
Il n’importe ; le portrait de Jonas Chuzzlewit est si terrible, qu’on peut lui pardonner d’être utile. […] C’est notre but et c’est le vôtre, et le recueil de vos caractères aura plutôt les effets d’un livre de satires que ceux d’une galerie de portraits. […] Dickens a multiplié les portraits de l’homme positif : Ralph Nickleby, Scrooge, Antony Chuzzlewit, Jonas, l’alderman Cute, M. […] Mais la peinture la plus complète et la plus anglaise de l’esprit aristocratique est le portrait d’un négociant de Londres, M. […] Aujourd’hui, on ne voit chez nous de ces portraits que dans les livres d’étrennes, lesquels sont écrits pour offrir des modèles aux enfants sages.