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825. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M.  […] On a coutume de s’étonner que l’esprit humain soit si infini dans ses combinaisons et ses portées ; j’avouerai bien bas que je m’étonne souvent qu’il le soit si peu.

826. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

La pureté du style, l’élégance des expressions n’ont pu faire des progrès après Racine et Fénelon ; mais la méthode analytique donnant plus d’indépendance à l’esprit, a porté la réflexion sur une foule d’objets nouveaux. […] M. de Buffon s’est complu dans l’art d’écrire, et l’a porté très loin ; mais quoiqu’il fût du dix-huitième siècle, il n’a point dépassé le cercle des succès littéraires : il ne veut faire, avec de beaux mots, qu’un bel ouvrage ; il ne demande aux hommes que leur approbation : il ne cherche point à les influencer, à les remuer jusqu’au fond de leur âme ; la parole est son but autant que son instrument ; il n’atteint donc pas au plus haut point de l’éloquence.

827. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Si vous portez une nation vers les amusements et les voluptés, si vous énervez en elle toutes les qualités fortes et courageuses pour la détourner de la pensée, qui vous défendra contre des voisins belliqueux ? […] Vainement les goûts se modifient, les inclinations changent ainsi que le caractère ; il faut rester la même puisqu’on vous croit la même ; il faut tâcher d’avoir quelques succès nouveaux puisqu’on vous hait encore pour les succès passés ; il faut traîner cette chaîne des souvenirs de vos premières années, des jugements qu’on a portés sur vous, de l’existence enfin telle qu’on vous la suppose, telle qu’on croit que vous la voulez.

828. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Mais quand leurs dégoûts portent sur des mots, il est bien rare qu’ils ne s’attachent pas à certains sens des mots, par conséquent aux idées : et ils ne repoussent les mots ignobles que comme signe d’idées ignobles. […] Dès le début, le nombre des académiciens avait été porté de 34 à 40, où il est encore aujourd’hui fixé.

829. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

En attendant les Bâtards célèbres, qu’un ancien journaliste, dit-on, va publier, il est un bâtard qu’on réédite avec beaucoup de soin, c’est Chamfort14, Chamfort, le plus spirituel et le plus malheureux peut-être de tous ces malheureux qui veulent porter aussi haut le vice de leur naissance que si c’était une vertu, et qui ne savent pas s’en faire une ! […] Reçu par les hautes classes de son temps, comme elles recevaient, ces folles, à la veille de périr, tous ces hommes qui allaient devenir leurs bourreaux, il dut porter jusque parmi elles ces rages de déclassé vexé qu’on retrouve encore dans son livre.

830. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Mais M. d’Héricault l’a mis en saillie dans la sienne, parce qu’il était réellement en saillie dans l’histoire de l’an II ; M. d’Héricault a bien compris que la Terreur n’était plus qu’une chose sans visage, quand elle ne portait pas celui de Robespierre… On peut dire de l’historien de Thermidor qu’il ôte des mains de Michelet la tête de Robespierre, coupée, par cet innocent bourreau, en l’honneur et au profit de la canaille, qui n’en a pas, et qu’il l’a restituée à celui qui, devant Dieu et devant les hommes, a individualisé la Terreur. […] Les partis, qui lui ont fait un pavois de leurs dos courbés, oseront-ils continuer de porter cette vieille relique éventrée et déshonorée ?

831. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Coquet et cancanier, gourmand de ragoûts, de confitures et de bonbons (son chef-d’œuvre s’appelait le Cordon-Bleu et c’était un livre tellement monumental que l’auteur est mort avant de l’achever), surchargé d’édredons, entouré de crachoirs, roulé comme une momie dans les châles les plus extravagants, regrettant ses dents, son estomac, la vie et le pouvoir de faire encore des mensonges, au demeurant chrétien grabataire, détestant les doctrines canailles qui font déroger un homme, et sur le chapitre de l’éternité se décidant à la courte-paille, d’après l’argument de Pascal, il s’éteignit pauvre et vieux dans ses coiffes (car il en portait) chez les frères de Saint-Jean-de-Dieu, rue Plumet, où mourut si saintement Ourliac. […] Malgré l’appréciation la plus délicate et la plus subtile de chaque détail isolé des lettres, l’auteur de l’Introduction n’a pas porté le jugement qu’il méritait sur cet esprit d’un charme si sérieux, si animé et si profond.

832. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Des génies qui se portent bien, et non des malades comme Hoffmann, ont touché à ce côté mystérieux et profond de l’imagination et de la sensibilité. […] On se dit que l’homme des superstitions de l’Écosse doit toucher de bien près aux superstitions du visionnaire allemand, et toutes ces raisons combinées donnent un poids immense au jugement porté par Walter Scott sur les Contes fantastiques et sur leur auteur.

833. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Quand un homme se laisse rouler par le plus ignoble flot de la pensée contemporaine, et que, soutenu par elle, il nage là-dedans, ce n’est pas merveille d’héroïsme ; il est porté ! […] Renan, mais allant jusqu’à en faire un fou, à qui la croix a porté le bonheur de ne pas mourir idiot ou crétin dans quelque cul de basse-fosse ou dans quelque hôpital de Jérusalem !

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