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377. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Le climat peut encore y apporter quelques changements ; mais l’éducation générale des premières classes de la société est toujours le résultat des institutions politiques dominantes. […] Dans les monarchies limitées, comme en Angleterre et en Suède, l’amour de la liberté, l’exercice des droits politiques, des troubles civils presque continuels, apprenaient aux rois qu’ils avaient besoin de rencontrer dans leurs favoris de certaines qualités défensives, apprenaient aux courtisans que même pour être préférés par les rois, il fallait pouvoir appuyer leur autorité sur des moyens indépendants et personnels. […] La grâce était, pour ainsi dire, dans leur situation, une politique nécessaire ; elle seule pouvait donner quelque chose de volontaire à l’obéissance. […] Cette crainte mettait souvent obstacle à l’originalité du talent, peut-être même pouvait-elle nuire, dans la carrière politique, à l’énergie des actions ; mais elle développait dans l’esprit des Français un genre de perspicacité singulièrement remarquable.

378. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Autrefois, une sorte de génie spontané, aidé par la rudesse des mœurs et l’inconscience des masses, créait ces grands développements politiques et religieux dont les conséquences nous régissent encore à beaucoup d’égards. […] La barbarie n’aura jamais d’industrie savante, de forte organisation politique ; car tout cela suppose une grande application intellectuelle. […] Les sociétés actuelles ne peuvent plus compter uniquement, comme celles d’autrefois, sur les qualités héréditaires de quelques familles choisies, sur des institutions tutélaires, sur des organismes politiques où la valeur du cadre était souvent fort supérieure à celle des individus. […] Ne dites jamais, comme les mécontents dont parle le prophète d’Israël : « Nos pères ont mangé le raisin vert, et les dents de leurs fils sont agacées. » Votre part est la bonne, et je vois mille raisons de vous porter envie, non seulement parce que vous êtes jeunes et que la jeunesse est la découverte d’une chose excellente, qui est la vie, mais parce que vous verrez ce que nous ne pourrons voir, vous saurez ce que nous cherchons avec inquiétude, vous posséderez la solution de plusieurs des problèmes politiques sur lesquels nous hésitons parce que les faits n’ont point encore parlé assez clairement.

379. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

A part toute opinion politique, et pour qui ne veut voir que les grands effets et la beauté des choses telle que les artistes et les poètes la comprennent, nulle période dans le monde moderne ne fut poétiquement supérieure à cette période de l’Empire dont nous, prosaïque et pacifique génération, sommes si rapprochés et si séparés en même temps, — car il est des moments dans l’Histoire où la longueur d’une lame d’épée semble quelque chose d’infini. […] La poésie individuelle ne doit pas plus périr que l’âme de l’homme dont elle est la fille, et ce nous semble une erreur du même ordre en littérature qu’en politique de croire que le sentiment social puisse entièrement se substituer à l’action libre de l’individualité humaine. […] car ce n’étaient ni leurs opinions politiques ni leurs sympathies naturelles qui les entraînaient du côté où ils sont involontairement allés tous. […] Il a donc cette fortune de la pensée que ses opinions politiques et les inspirations de sa muse s’accordent et mutuellement s’exaltent.

380. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

La liaison de Benjamin Constant avec madame de Staël fut le malheur de cette femme politique. […] Madame de Staël avait livré son amitié politique sans être sûre d’avoir livré toute son estime. […] J’acceptai, car je ne savais pas alors que je pouvais nuire à une personne si étrangère à la politique, je la croyais à l’abri de tout, malgré la générosité de son caractère. […] C’était enfin un crime non-seulement contre la politique, mais contre la nature, à détester dans son persécuteur. […] Les Bourbons n’étaient donc pas seulement pour madame de Staël la liberté et la patrie, ils étaient la fortune ; elle les accueillait par réminiscence, mais elle les accueillait aussi par politique.

381. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

La guerre et la politique n’avaient pas fait moins. Deux grands ministres : l’un, le Machiavel français, Richelieu ; l’autre, le politique italien, Mazarin, maîtres de deux règnes et d’une régence, avaient fait le reste. […] Il avait compris que la nation, intimidée et abattue, n’avait plus besoin que d’être relevée, caressée et séduite par les manèges et par les bienfaits d’une politique de négociation. […] En hommes aussi politiques que religieux, ils redoutaient l’exagération de foi et de mœurs des jansénites. […] Jamais la politique ne s’insinua au cœur des rois dans un si divin langage.

382. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

.— improvisations politiques de m. de lamartine. […] — M. de Lamartine continue tous les matins ses improvisations politiques : il n’y a pas de raison pour qu’il n’en paraisse pas une chaque jour ainsi durant des années. […] Dans son poëme de la Mort de Socrate, on a remarqué que lorsqu’il était embarrassé de transitions, il mettait des blancs et des pages de points. — Eh bien, il fait de même dans ses exposés politiques, et, quand il arrive à la portion positive, organique, à l’indication précise des voies et moyens, il met des points et passe outre.

383. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

Dans le morceau qu’il vient de publier très à propos, il fait preuve d’un esprit fin, rapide, brillant et à la fois politique ; il a été successivement ambassadeur à Rio, à Lisbonne, et en dernier lieu à Copenhague. […] Malgré les fautes politiques des évêques, la mode néo-catholique se soutient. […] On vient de voir un homme du monde, M. de Saint-Priest, y chercher et y trouver une occasion de nouveauté, un prétexte piquant à des portraits politiques et diplomatiques.

384. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle La marche que nous avons tracée ne fut point suivie par Carthage, Capoue et Numance, ces trois cités qui firent craindre à Rome d’être supplantée dans l’empire du Monde. […] Les trois formes de gouvernement se succédèrent chez eux conformément à l’ordre naturel ; l’aristocratie dura jusqu’aux lois Publilia et Petilia, la liberté populaire jusqu’à Auguste, la monarchie tant qu’il fut humainement possible de résister aux causes intérieures et extérieures qui détruisent un tel état politique. […] Le retour des mêmes besoins politiques y a renouvelé la forme du gouvernement des Achéens et des Étoliens.

385. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

. —  Elle accompagne la révolution politique. […] Macheath, c’est le digne gendre d’un tel politique. […] C’est par ce sentiment qu’on conquiert et qu’on garde la liberté politique. […] C’est un aveu effronté d’immoralité politique, comme si cette espèce de trahison était moindre qu’aucune autre. […] Encore une phrase, car véritablement cette clairvoyance politique touche au génie.

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