/ 3204
790. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

L’historien de Grimod de la Reynière, le poète des Petites blanchisseuses, écouta sans doute plus sa pensée que la curiosité qu’il avait fait naître, et il se mit à nous dire des vers qui n’étaient pas ceux, je vous en réponds ! […] Les yeux cachés passèrent hardiment par-dessus les éventails pour regarder le poète inconnu qui tout à coup venait d’apparaître. […] L’homme, en effet, qui entre autres choses du présent volume, a écrit la grande et simple et superbe étude sur Chateaubriand, dans laquelle je rencontre des passages aussi surprenants par la gravité forte que par la profondeur de la mélancolie n’est plus, et de nature première ne saurait être uniquement ce poète léger du Plaisir et de l’Amour qui commença par les sensualités du cœur pour finir par les sensualités de l’estomac. […] Je le croyais perdu… Ce poète qui n’avait jamais appuyé sur rien, pas même sur les lèvres et le cœur de sa maîtresse, et qui, s’épaississant, était devenu (Dieu lui pardonne !) […] Or bien, voilà que tout à coup le poète, qui n’est plus celui de l’Amour et du Plaisir, mais de la douleur, venue enfin, comme elle vient toujours, par la vie, s’est mêlé, en ce livre de Portraits, au critique de la réflexion, et tout cela dans une si heureuse mesure qu’on se demande maintenant si le Monselet du pâté de foie gras n’était pas un mythe… ou un mystificateur, qui nous jouait, avec sa gastronomie, une comédie littéraire, et qui avait mis, pour qu’on ne le fît pas trop souffrir, son cœur derrière son ventre, mais non dedans !

791. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Et, de fait, la langue du seizième siècle allait d’elle-même, faceva da se, quand il s’agissait de traduire les ondoyances, la force tempérée de grâce, la gravité riante, toutes les poésies, tous les ionismes de ce poète en prose qui était d’Ionie, de cet Homère de l’Histoire à qui les Grecs firent cet honneur, qui fut une justice, de nommer du nom de chaque Muse les neuf chapitres de ses Histoires, pour eux, un Parnasse tout entier ! Ce rapsode, qui mérite d’autant plus son nom que les ennemis de l’histoire légendaire ont traité brutalement ses histoires de rapsodies, a d’autant plus besoin pour sa traduction d’une langue poétique qu’il est plus poète. […] Des poètes, oui ! […] ne pense ouïr un David, un Isaïe, un Jérémie, ou quelqu’autre du nombre des Prophètes, plutôt qu’un Homère, un Hésiode, ou quelque autre poète ? Or, il est bien certain que cette chose est commune à Hérodote, ancien et véritable historien, aussi bien qu’à ces poètes, afin que je passe sous silence ce qu’il a de particulier en ce qui sent à plein son vrai chrétien. » L’expression va peut-être un peu loin, mais au fond Saliat a raison.

792. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Ce ne sera bien évidemment ni l’homme politique ni le poëte. Le poëte, selon nous, ne fut pas, et l’homme politique fut encore trop, sans être grand-chose. […] Risqué déjà à une autre époque, ce noble aveu, — on se le rappelle, — rapporta un orage de sifflets à l’une des tragédies du poëte, mais aujourd’hui que cet aveu est affermi et courageusement répété, tous ceux qui avaient drapé Silvio Pellico, en martyr contre l’Autriche, reprendront leur pitié… et leurs sifflets, et ce n’est plus une tragédie qu’ils siffleront ! […] Nous préférons au Silvio Pellico de la commisération publique le Silvio qui ne la demande pas, le Silvio humble, sévère pour lui et surtout repentant de sa faute que l’on a travestie en gloire ; mais nous, nous n’avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poëte dont le doux nom a servi à tant de tapages ! […] Il ne fut pas même un grand poëte — un poëte, cette chose de troisième rang dans l’humanité !

793. (1888) Études sur le XIXe siècle

Costa n’hésite plus à nous communiquer les lettres de Paolina, la sœur préférée du poète, à ses amies Marianna et Anna Brighenti. […] Celle de Pétrarque, au contraire, se montra dès les débuts du poète. […] Rossetti, d’un bout à l’autre de son œuvre, demeure un pur poète. […] Lessing est lui-même le plus frappant exemple de ce souci continuel de la théorie qui semble hanter les poètes de sa race. […] Sarrazin (Poètes modernes de l’Angleterre).

794. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cosnard, Alexandre (1802-18..) »

C’est un mausolée qu’il a consacré à ses plus saintes affections, à ses plus vives espérances, comme à sa légitime ambition de poète. C’est dans cette poésie de deuil et de regret que le poète a rencontré les notes les plus émouvantes, et la monotonie même qui s’y fait sentir s’harmonise parfaitement avec le motif presque invariable qui revient sans cesse à travers tout le volume. [Les Poètes français, recueil sous la direction d’Eugène Crépet (1861-1863).]

795. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hinzelin, Émile (1857-1937) »

Hinzelin, Émile (1857-1937) [Bibliographie] Poèmes et poètes (1891). — Raisons de vivre (1894). — Le Huitième Péché (1895). — Labour profond (1897). — Toute une année (1898). […] Charles Fuster Ce recueil (Poèmes et poètes) est assurément un des meilleurs de l’année. […] Mais que de jolies choses… C’est Adam chassé, le Charnier des moines, — un chef-d’œuvre pur, — c’est la délicate Fleur de tout, c’est le sonnet fantaisiste : Si Dieu se mettait en grève… [L’Année des poètes (1891).]

796. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Il a traduit les œuvres de Virgile, de Lucain, de Lucrèce, d’Horace, de Juvénal, de Perse, de Catulle, de Tibulle, de Properce, de Martial, de Plaute, de Térence, de Sénèque le tragique, de Stace, avec les Fastes d’Ovide, et plusieurs autres livres du même poète. […] Il s’était borné jusque-là à traduire en prose les poètes, lorsque tout à coup la tarentule le piqua, et il se remit, en tout ou partie, à traduire en vers (et quels vers !) les mêmes poètes qu’il avait déjà exécutés sous une forme plus simple, Lucrèce, Stace, Lucain, etc. […] L’honnête personnage se doutait bien que depuis qu’il s’était fait poète, il s’était passé quelque chose de nouveau, et il sentait que le vide avait redoublé autour de lui. […] La version qu’en a fait (sic) l’abbé de Marolles est infâme et déshonore ce grand poète… » 29.

797. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Le mérite de la difficulté vaincue, et le charme d’un rythme harmonieux, tout sert à relever le double mérite du poète et de l’auteur dramatique. […] Chez les anciens, on était d’autant meilleur poète, que l’imagination s’enchantait plus facilement. […] Il faut qu’au milieu de tous les tableaux de la prospérité même, un appel aux réflexions du cœur vous fasse sentir le penseur dans le poète. […] Ducis, dans quelques scènes de presque toutes ses pièces ; Chénier, dans le quatrième acte de Charles IX ; Arnault, dans le cinquième acte des Vénitiens, ont introduit sur la scène française un nouveau genre d’effet très remarquable, et qui appartient plus au génie des poètes du Nord qu’à celui des poètes français. […] Delille, Saint-Lambert et Fontanes, nos meilleurs poètes dans le genre descriptif, se sont déjà très rapprochés du caractère des poètes anglais.

798. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Évrard, Laurent (1858-1911) »

Laurent Évrard, à la fin du court avertissement où il justifie son système rythmique, ajoute : « Ce n’est donc pas de la matière sonore ni du nombre métrique que le lecteur pourra se plaindre, mais du poète qui ne sait pas, dans les entraves d’or, marcher d’un pas agile ou boiter comme un dieu. » À quoi d’aucuns objecteraient que le poète eût mieux fait de ne se mettre aux chevilles nulle entrave, même d’or… Ce poète sait voir et exprimer ; il observe la vie latente des eaux, des pierres et des plantes ; l’obscur frisson des choses inertes ne lui a pas échappé.

/ 3204