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345. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Nous avons commencé par l’Odyssée, parce que, l’Odyssée, c’est l’homme ; l’Iliade, c’est le poète. […] Ce père et ce roi des poètes a précédé de près de mille ans la naissance de Jésus-Christ. […] Il y avait déjà d’autres grands poètes avant lui et de son temps ; son apostrophe aux jeunes filles de Délos l’attesterait seul. […] Voilà l’abrégé de l’histoire d’Homère ; elle est simple comme la nature, triste comme la vie ; elle consiste à souffrir et à chanter : c’est en général la destinée des poètes. […] ce qu’un tel poète aurait fait pour un seul homme, Homère le fit pour tout un peuple.

346. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

À ce titre, le siècle d’Auguste ne fit que recueillir l’héritage de la république, dont il n’a point réellement surpassé le grand poëte et dont il n’égala point le grand orateur. […] Lucrèce, nous ne voulons parler ici que de poésie, pour la verve, la grandeur, la magnificence, demeure le premier poëte de Rome. Mais ce poëte, si puissant de sève natale et de génie, s’est formé sous l’influence de l’âge philosophique des Grecs. […] Sous cette entrave cependant, la lumière sortie de l’âme du poëte s’échappe, et brille au moins par les bords du nuage qui la couvre. […] Le poëte saisit une grande image terrestre ; mais il n’a plus rien au-delà, et s’arrête au bord de l’infini, sans amour et sans espérance.

347. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cros, Charles (1842-1888) »

Car Charles Cros, il ne faut jamais l’oublier, demeure poète, et poète très idéaliste, très chaste, très naïf, même dans ses fantaisies les plus apparemment terre-à-terre ; cela, d’ailleurs, saute aux yeux dès les premières lignes de n’importe quoi de lui. […] Il mériterait de l’être comme poète, pour quelques pièces du Coffret de santal, qui sont d’un artiste étrange et sincère. [Nos poètes (1888).] […] Ce livre unique est celui d’un vrai poète, au charme étrange et réel, qui procède de Baudelaire et des Parnassiens, mais qui n’imite personne. […] Laurent Tailhade Ce n’était pas Verlaine, mais c’était un poète encore et non des moins exquis.

348. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mérat, Albert (1840-1909) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] En se promenant, sans autre compagne même que sa rêverie ou cette vague musique que les poètes écoutent en leur cœur, dans le bruit et le silence des choses, comme il regarde, comme il devine tout, comme tout l’intéresse, l’émeut des mille détails de la vie qui passe ! Une femme entre à l’église et prie en sa grâce de parisienne agenouillée : sait-elle, saura-t-elle jamais qu’un poète l’a vue ainsi et qu’il a pensé, en la voyant, à la divine douceur mystique de l’Évangile ? Elle monte les Champs-Élysées dans son coupé, à l’heure du lac : sait-elle que le poète l’a reconnue et, à cette minute, dans la lumière d’or du jour qui meurt, sincèrement et mélancoliquement aimée ? Une fleur aperçue dans un terrain vague ou sur le rebord d’une fenêtre, à un étage proche du ciel, un coin joyeux du faubourg, un pauvre intérieur étudié d’un coup d’œil qui en fait sentir la noire misère, un enterrement par la pluie, tout est bon aux rêves du poète.

349. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Merrill est, de tous les poètes « mélodistes » de la génération hautaine qui s’est levée, un des plus purs et certainement le plus musical. […] L’imagination magnifique de ce poète évoque les héros et les pâles princesses de la légende et les fait passer sur de somptueux décors. […] Seul, le magnifique Chant de Satan semble indiquer la volonté décisive du poète de se hausser à un art plus violent et plus puissant. […] Quelquefois, le poète se retourne par le souvenir et l’angoisse devers la grande ville quittée. […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

350. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Non seulement un poëte né avec du genie, ne dira jamais qu’il ne sçauroit trouver de nouveaux sujets, mais j’ose même avancer qu’il ne trouvera jamais aucun sujet épuisé. […] Un autre poëte les trouve des sujets heureux, parce que son genie est d’un caractere different du genie de l’autre. […] Mais il faut que le poëte comique fasse des portraits où nous reconnoissions les hommes avec qui nous vivons. […] Le poëte tragique peut bien inventer de nouveaux caracteres, mais le poëte comique ne peut que copier les caracteres des hommes. […] Les hommes paroissent differens les uns des autres aux esprits plus étendus ; mais les hommes sont tous des originaux particuliers pour le poëte né avec le genie de la comedie.

351. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Il a de plus été le poète d’insignes mauvais sujets, tels que le duc de Vendôme, le prince de Condé, le comte de Fiesque. […] Le prince de Condé prit les deux poètes sous sa protection spéciale. […] Mais les amours finis, elle épargna moins les éloges au grand poète ; elle se livra au charme de ses ouvrages, à mesure que le temps de ces amours s’éloignait. […] « Le roi », dit-elle ailleurs, « méritait d’avoir d’autres historiens que deux poètes. Vous savez mieux que moi ce qu’on dit en disant deux poètes.

352. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Livet l’occasion de s’étendre sur son poète favori et celui qu’il a le plus particulièrement étudié. […] Pareil à bien des poètes de hasard, il n’a jamais, depuis, surpassé ce coup d’essai. […] mais c’est cette opinion même qui renferme toute la question de goût au sujet du poète dont nous parlons. […] Quant au poète, il fait ce qu’il fait toujours, et, pour mieux célébrer l’eau, il demande du vin. […] Saint-Amant est poète : il a du relief et de l’expression, il abonde en images.

353. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Du Bellay : un fin poète. — 2. […] Il y a conflit entre l’intelligence et la sensibilité du poète. […] Puis, il a créé, mis en usage, laissé aux poètes futurs une grande variété de rythmes lyriques. […] Nous avons donc affaire en Ronsard à un poète, déjà même à un grand poète. […] Chapelain, un des fondateurs à certains égards du classicisme, l’estimait plus poète que Malherbe.

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