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589. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Ceux qui par leur condition se trouvent exempts de la jalousie d’auteur, ont ou des passions ou des besoins qui les distraient et les rendent froids sur les conceptions d’autrui : personne presque, par la disposition de son esprit, de son cœur et de sa fortune, n’est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage. Le plaisir de la critique nous ôte celui d’être vivement touchés de très belles choses. […] L’Opéra jusques à ce jour n’est pas un poème, ce sont des vers ; ni un spectacle, depuis que les machines ont disparu par le bon ménage d’ Amphion et de sa race ; c’est un concert, ou ce sont des voix soutenues par des instruments : c’est prendre le change, et cultiver un mauvais goût, que de dire, comme l’on fait, que la machine n’est qu’un amusement d’enfants, et qui ne convient qu’aux Marionnettes ; elle augmente et embellit la fiction, soutient dans les spectateurs cette douce illusion qui est tout le plaisir du théâtre, où elle jette encore le merveilleux. […] Il faut éviter le style vain et puéril, de peur de ressembler à Dorilas et Handburg  : l’on peut au contraire en une sorte d’écrits hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement ; et plaindre ceux qui ne sentent pas le plaisir qu’il y a à s’en servir ou à les entendre.

590. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

L’art de se réduire est plus difficile, et il n’est pas donné à tout le monde de faire naître l’admiration et le plaisir, en ne présentant que ce qui est. […] Enfin, comme dans les monarchies ce sont les grands, les riches, et tous ceux qui composent ce qu’on appelle le monde, qui distribuent la gloire des arts, et décident du prix des talents ; comme la plupart des hommes de cette classe, par leur oisiveté, par leurs intrigues, par la lassitude et le besoin des plaisirs, par la recherche continuelle de la société, par la crainte de blesser l’amour-propre encore plus que l’orgueil ; enfin, par la politesse et le désir de plaire, qui donne une attention continuelle et sur soi-même et sur les autres, ont, en général, plus d’esprit et de délicatesse de goût, que de passions et de force de caractère ; ils doivent tendre sans cesse à atténuer, et, pour ainsi dire, assassiner le style, la langue et l’esprit. […] On vit la France quarante ans aux prises avec l’Europe ; on vit des provinces conquises, tous les rois humiliés, ou protégés, ou vaincus, une foule de grands hommes, les arts et les plaisirs au milieu des batailles, partout un caractère imposant, et cet éclat de renommée, qui subjugue autant que la force, qui annonce la puissance, la fait et la multiplie : alors les esprits et les âmes se montèrent au niveau du gouvernement ; chacun fut jaloux de soutenir la dignité de sa nation. […] L’enthousiasme publia fit naître ou perfectionna les talents ; ils se vouèrent tous au plaisir, ou à la grandeur du maître.

591. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Si parfois pourtant il s’est attaché à quelques individus et a paru les distinguer avec plus de soin, ce n’est pas toujours qu’il leur accorde une importance personnelle beaucoup plus prononcée, et qu’il prenne plaisir à se surfaire leur valeur historique. […] Mignet, sans parler de ce qu’elle a de séduisant et d’imposant en elle-même, se présente avec les incontestables avantages d’un pareil sujet, qu’on croirait fait à plaisir pour elle, tant il s’y prête merveilleusement.

592. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

Description brève de ce lieu de plaisir : le jardin éclairé par des verres de couleur, les bosquets, qu’on dirait en zinc découpé, la cascade et la grotte en carton sous laquelle on passe… Il remarque, parmi les promeneuses, une fille d’allure effarouchée, l’air minable, vêtue d’une méchante robe et coiffée d’un énorme chapeau, très voyant, qui fait que les hommes se retournent sur son passage avec des rires et des plaisanteries. […] Manger ça toute seule… ça durerait trop longtemps… Et puis ça me ferait trop gros cœur… Alors, Monsieur, si ça ne vous gênait pas… au lieu d’aller à la brasserie, nous rentrerions chez moi tout de suite… je ferais cuire le boudin et les crépinettes… Ça serait gentil et ça me ferait tant de plaisir !

593. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Il accompagne tristement Lucrezia dans ses parties de plaisir, refusant de céder la place aux Sigisbés qui entourent la brillante Vénitienne ; payant toutes ses fantaisies, mais incivil et incommode. […] Le génie français dépassait de beaucoup le génie italien ; et celui-ci, réduit à un rôle inférieur, ne fournissait plus, pour ainsi dire, qu’aux menus plaisirs de la cour et de la nation.

594. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Lorsqu’il nous arrive, comme dans le pur sentiment de plaisir ou de peine, de passer de l’état, objectif à l’état subjectif ; nous subissons un changement qui ne saurait être traduit dans l’espace. […] Sans certains modes particuliers de l’étendue — le cerveau et le système nerveux — nous ne pourrions avoir ces moments d’extase, — nos plaisirs, nos souffrances, nos idées, — qui dans cette vie alternent par accès avec notre conscience étendue. » II Allant encore plus loin, M. 

595. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Le plaisir la surmène plus que le travail ne fatigue les autres. […] Beaucoup ne me paient point, parce que je ne réclame pas et parce qu’ils voient que j’ai eu autant de plaisir qu’eux.

596. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Cet oracle de Delphes, qui l’avoit nommé l’homme de la Grèce le plus sage ; cette fureur de décrier toutes les sectes, & de n’en avoir aucune ; cette antipathie pour tout ce qui étoit mode, agrémens, magnificence, plaisirs, fêtes ; ses goûts suspects ; ses tracasseries de ménage ; le prétendu démon duquel il se disoit inspiré ; tout, jusqu’à sa naissance & sa profession, fournissoit des armes contre lui. […] Il crut se trouver alors au milieu d’un repas délicieux, dans l’ivresse de la joie la plus vive, parmi des convives qui ne le plaisantoient que pour le faire briller & contribuer au plaisir de la fête.

597. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

La Pluralité des mondes, de Fontenelle, sera toujours lue avec plaisir. […] Daniel, se fait lire avec plaisir.

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