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829. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

On voulait, à la place de la curiosité, le choix, qui, parmi toutes ces nourritures, distinguât enfin les plus substantielles ; à la place du doute sur toutes choses, le discernement des choses indispensables et certaines. […] Il faut seulement en faire une mention proportionnée, dans une histoire où la première place, après les ouvrages durables, appartient de droit à ceux qui y ont préparé le goût public. […] La civilité et la flatterie y tiennent une grande place, et ont coûté bien des tours de force à Balzac. […] A ceux qui reprochaient à Balzac le titre de Lettres donné à ses pièces d’éloquence, disant qu’une inscription si basse ne devait couvrir que des choses ordinaires, ses admirateurs répondaient « qu’il n’avait tenu qu’à la fortune que ce qu’on appelait Lettres n’eussent été harangues ou discours d’Etat ; mais que, dans un pays où la volonté d’un seul avait remplacé le gouvernement populaire, n’y ayant ni peuples opprimés à défendre devant un sénat, ni oppresseurs à accuser, il n’y avait pas lieu à l’éloquence politique ; que quant au barreau, les affaires y étaient tellement étouffées par la chicane, que là non plus il n’y avait pas place pour l’éloquence judiciaire : qu’il restait les chaires des prédicateurs, mais que ce n’étaient pas des hommes tels que M. de Balzac qu’on appelait aux fonctions ecclésiastiques », — allusion à Richelieu, qui l’avait critiqué et ne l’avait pas fait évêque, pas même abbé, à quoi Balzac, dit-on, s’était rabattu ; — « que dès lors il avait fallu que son éloquence s’enfermât dans ce petit espace. » C’est là, en effet, le malheur de cette éloquence.

830. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Certes, il était dur, après avoir touché à la plus haute culture de l’esprit et avoir occupé une place déjà honorée, de descendre au degré le plus humble. […] Or notre monde est assez vaste pour que toute place à prendre soit prise ; tout emploi crée en quelque sorte celui qui doit le remplir. […] En chemin de fer, combien y en a-t-il qui sentent que se presser sur le quai pour gagner les autres de vitesse et s’assurer de la meilleure place est une suprême grossièreté ? […] En chemin de fer, à moins que je n’aie la protection d’un chef de gare, j’ai toujours la dernière place.

831. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Déjà les partitions de Lulli et des compositeurs contemporains témoignent du déplacement du chant ; la mélodie a passé aux violons et aux flûtes, on prend donc la peine de la transcrire ; les parties intermédiaires continuent à être négligées, et la basse chiffrée, acceptant la seconde place, prend le caractère déterminé d’un accompagnement. […] L’Association Wagnérienne Universelle vient de publier (en allemand) son Bayreuther Taschen-Kalender fur 1886, sous la direction du comte Ferdinand de Sporck et d’Oskar Merz ; ainsi que le calendrier de l’année dernière (1885, Ière année), c’est un petit volume de poche in-16, contenant des renseignements et des études Wagnériennes : on y a joint cette fois un plan de la salle du théâtre de Bayreuth, avec les numéros des places. […] Et nous tâcherons à ce que, faite dans une langue de lecture aisée, cette œuvre de propagande Wagnérienne place enfin le Maître dans notre pays au juste rang qui lui convient, à côté des maîtres classiques, Bach, Gluck, Beethoven. […] Il est important de noter quelle place centrale tient le wagnérisme dans la naissance du symbolisme, et comment cette revue, à l’origine consacrée à un compositeur allemand, devient le lieu privilégié de l’expression d’un mouvement littéraire typiquement français.

832. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Je trouve peu intéressant de savoir si Moloch était servi par des prêtres en manteau rouge, s’il était célébré en d’horribles concerts où « grinçaient, sifflaient, tonnaient les scheminith à huit cordes, les kinnor, qui en avaient dix, et les nebal, qui en avaient douze » ; mais je sais, toujours d’après les preuves établies par nos maîtres, que le dieu d’airain, à de certains jours, se nourrissait de la chair des enfants, que les plus puissantes familles étaient obligées de lui apporter leur tribut, que le feu de ses entrailles rugissait sur la place publique, et que le monstre, agitant ses longs bras, précipitait lui-même dans le gouffre ses innocentes victimes. […] Frédéric Hebbel, qui donne aussi beaucoup trop de place à la physiologie dans ses poétiques études, a montré Judith sur la scène au moment où elle sort de la tente d’Holopherne. […] Cet homme qui, sur la place publique, raidit ses bras, tend ses muscles et soulève des poids énormes, les passants l’admirent pour sa vigueur. […] Aura-t-il l’ambition de marquer sa place parmi les peintres émus et respectueux de la grande nature humaine ?

833. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

11 avril Dans un angle glacé de la place Royale, il y deux coupés qui se morfondent à une porte, des sergents de ville, et une queue de ménages du Marais, de ménages à la Daumier, et, derrière ces ménages, de petites ouvrières en cheveux. […] Dimanche 9 mai Nous dînons à Bellevue, chez les Charles Edmond, dans une petite maison, toute pleine de mousseline, d’un frais et joli luxe de tapissier et de femme : un petit nid avec un jardin grand comme une corbeille, où il n’y a de la place que pour des fleurs. […] Puis la conversation s’élevant peu à peu, atteint, comme un ballon qui aurait jeté tout son lest, ce panthéon de lumière et de sérénité, cette haute demeure où la place est marquée pour tous ceux qui conservent ou augmentent la patrie, ce temple de l’astronomie antique, cette architecture d’un supra-monde que nous ouvre le Songe de Scipion l’Africain, quand détonne dans la grande évocation, un rappel du présent, le : « Ohé, les petits agneaux !  […] De Cimabué à la Renaissance, les yeux vont de maître en maître en s’éloignant du nez, quittent le caractère du rapprochement byzantin, regagnent les tempes, et finissent par revenir chez le Corrège et chez André del Sarte à la place où les mettaient l’Art et la Beauté antique.

834. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Après l’injure et après l’encens, il y a place encore pour la justice et pour un simple regard d’humanité vers l’un de ceux dont nous sortons. […] Le divorce cesse. « Nous avons fait à la nature, au vaste monde, peut-il dire justement, une place tout aussi large qu’à l’homme. […] Illustrée par des savants tels que le naturaliste d’Iéna, Ernest Haeckel, cette philosophie nouvelle occupe déjà dans le monde des idées une place enviable. « Notre conception du Monisme ou philosophie de l’unité, nous dit Haeckel, est claire et sans équivoque. […] Je veux dire que la vibration personnelle, passionnée, instinctive, ne s’y fait pas assez souvent sentir et que, par contre, la volonté de l’artiste y occupe trop de place.‌

835. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

En résumé donc, à côté du corps qui est confiné au moment présent dans le temps et limité à la place qu’il occupe dans l’espace, qui se conduit en automate et réagit mécaniquement aux influences extérieures, nous saisissons quelque chose qui s’étend beaucoup plus loin que le corps dans l’espace et qui dure à travers le temps, quelque chose qui demande ou impose au corps des mouvements non plus automatiques et prévus, mais imprévisibles et libres : cette chose, qui déborde le corps de tous côtés et qui crée des actes en se créant à nouveau elle-même, c’est le « moi », c’est l’« âme », c’est l’esprit — l’esprit étant précisément une force qui peut tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient, rendre plus qu’elle ne reçoit, donner plus qu’elle n’a. […] Descartes, il est vrai, n’allait pas encore aussi loin : avec le sens qu’il avait des réalités, il préféra, dût la rigueur de la doctrine en souffrir, laisser un peu de place à la volonté libre. […] D’autre part, si le raisonnement pur suffit à nous montrer que cette théorie est à rejeter, il ne nous dit pas, il ne peut pas nous dire ce qu’il faut mettre à la place. […] La seule fonction de la pensée à laquelle on ait pu assigner une place dans le cerveau est en effet la mémoire — plus précisément la mémoire des mots.

836. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Que maintenant, parmi les fêtes et les chefs-d’œuvre des galeries de Florence, Médicis, nourri des pensées de Platon, les ait redites parfois en strophes élégantes ; que Politien ait retrouvé, dans ses deux langues natales, quelque chose de l’harmonie d’Horace et de sa curieuse hardiesse d’expression, ce sont des plaisirs délicats pour le goût, des sujets pour l’étude, mais non de grandes influences qui aient agi sur la pensée et pris place dans l’histoire des lettres. […] À Nicosie, les Turcs, entrés par capitulation, avaient massacré la garnison entière ; à Famagouste, le pacha, reçu également à conditions, sur des ruines, devant une garnison exténuée de misère et de faim, avait, dans un transport de colère, violé toute promesse, fait égorger les nobles vénitiens et écorcher vif l’héroïque gouverneur de la place. […] Il faut l’avouer cependant : la différence saisie par un tel maître échappe à des yeux plus faibles ; et, dans cette périlleuse carrière du mysticisme, la suspension de l’âme humaine pour laisser place à Dieu seul, l’amour contemplatif porté jusqu’à l’extase, sans tomber dans le quiétisme, sont pour nous une douteuse énigme. […] voyez comme, en peu d’espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las, las !

837. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Homais et du débitant du coin de la place lui tiennent peu au cœur. […] Pour Hamlet la place d’honneur, mais une place aussi pour Ariel et Prospero ! […] Il piaffe sur place ou tourne en rond comme dans un manège. […] Votre place est parmi nous ; vous devez être des nôtres. […] Il place auprès d’elle son séducteur et son complice, M. 

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