Durant toute cette campagne où l’ennemi s’empara de plusieurs places, Douai, Béthune, Aire, Saint-Venant, Villars se borna à faire traîner les sièges en longueur, à intercepter des convois, et à se rattraper sur de petites affaires de détail où il avait le grappin sur l’ennemi. […] Le prince Eugène, en portant son armée entre l’Escaut et la Sambre, continuait de tirer ses approvisionnements et ses vivres de la place de Marchiennes avec laquelle il restait en communication, moyennant le camp retranché de Denain sur l’Escaut. […] Le roi fut mécontent de ces airs d’incertitude, et de tous ces revirements ; il le lui fit savoir, et le ministre de la guerre lui écrivait de Fontainebleau, à la date du 23 juillet : « Toutes vos lettres sont pleines de réflexions sur le hasard d’une bataille ; mais peut-être n’en faites-vous pas assez sur les tristes conséquences de n’en point donner et de laisser pénétrer les ennemis jusque dans le royaume, en prenant toutes les places qu’ils veulent attaquer. […] Non content d’avoir sauvé Landrecies, il reprit à l’instant l’offensive sur tous les points ; délogeant l’ennemi de tous ses postes sur la Scarpe, priant M. de Montesquiou de se charger de la prise de Marchiennes, réunissant lui-même ses garnisons comme n’ayant plus à craindre pour ses places, il se mit en devoir, malgré les alarmistes qui ne manquaient pas autour de lui, de reconquérir Douai, Le Quesnoi, Bouchain. […] Dans toute sa carrière active antérieure, il a montré l’instinct et le sentiment de la grande guerre, de brillantes et solides parties, des talents de plus d’un genre qui le classent comme capitaine à une belle place entre ceux qui viennent après les plus grands.
Car la géographie, surtout, enseigne la sagesse, cette saine appréciation des choses mortelles ; et, quand on voit dans l’Atlas géographique et historique ces grands déserts qui furent des empires, ces vides immenses qui ne pouvaient jadis contenir leur population, et qui débordaient en colonies inépuisables pour aller peupler des continents nouveaux ; quand on voit la place de ces fourmilières de peuples marquée seulement par un nom à déchiffrer sur un monolithe couché dans le sable, on se demande si c’était, pour ces torrents d’hommes engloutis, la peine de naître, de vivre, de combattre et de mourir sur la terre, et on se répond avec tristesse : Non, l’humanité n’est que l’ombre d’un nuage qui passe sur ce petit globe, encore trop grand et trop permanent pour elle, entre deux soleils, et, quand elle a été, c’est comme si elle n’avait pas été ! […] Considérée comme existence visible, comme occupant sous le nom d’empire, de république, de race, de tribu, de nation, telle ou telle place dans l’espace et dans le temps, elle ne vaut pas plus que cela : car tout ce qu’elle remue n’est que poussière, tout ce qu’elle crée n’est que néant, tout ce qu’elle laisse après elle n’est qu’éblouissement, puis nuit profonde. […] Si j’étais père de famille, au lieu d’être un solitaire de l’existence entre deux générations tranchées par la mort, du passé et de l’avenir de ce globe, qui n’a plus pour moi que le tendre et triste intérêt du tombeau ; ou si j’étais un instituteur de la jeunesse, chargé de lui enseigner le plus rapidement et le plus éloquemment possible ce que tout homme doit savoir du globe et de la race à laquelle il appartient, pour être vraiment intelligent de lui-même, je suspendrais un globe terrestre au plancher de ma modeste école, et j’expliquerais, avec ce miraculeux démonstrateur de l’astronomie, le second Herschel, la place et le mouvement de notre globule au milieu des espaces et des mouvements de cette armée des astres, qui exécutent, chacun à son rang et à son heure, la divine stratégie des mondes. […] Quand nous aurions achevé ensemble ce tour du globe, cette chronologie des choses humaines, dans ma chambre de vingt pieds carrés, parcourue lentement en une année de stations devant ces cartes, et que les volumes de l’histoire lue sur place joncheraient à nos pieds le plancher de notre école, semblable à un navire qui aurait fait la circumnavigation du globe et du temps, j’appellerais un à un mes petits géographes, compagnons de notre navigation sur place ; je leur demanderais d’être à leur tour les pilotes de notre longue et universelle expédition sur tant de mers, de côtes, de fleuves, de montagnes, de terres inconnues ; de nous dire où nous en sommes de cet itinéraire géographique entrepris ensemble et accompli en une année d’études aussi variées qu’intéressantes. […] Quelle place occupent-elles aujourd’hui dans la mémoire des hommes ?
Comment l’idée d’un poëte sacré, dominant par l’harmonie jusqu’aux bêtes féroces et aux rochers, n’aurait-elle point apparu dans cette Grèce, où nous voyons, aux époques historiques, un vrai législateur chanter en vers élégiaques, sur la place publique d’Athènes, les conseils qu’il donne à ses concitoyens ? […] Et Pindare, dans une de ses pythiques, ne manque pas de le célébrer parmi d’autres héros dont il évoque les images : « Là, dit-il, de par Apollon, vint aussi le maître de la lyre, le père des chants sacrés, le sujet de nos louanges à toujours, Orphée54. » Dès lors, le nom d’Orphée avait pris place dans la mythologie des Grecs. […] Comme la contemplation de la nature est une des choses qui répondent le mieux à cette paix de l’âme et à ce ton moyen de la poésie, nul doute qu’elle n’eût souvent place dans les vers d’Aleman. […] Le soin même d’Hérodote59 à noter avec détail ce souvenir d’Arion, à quelque distance de l’admirable récit de l’invasion des Perses, témoigne de la grande place que la poésie occupait dès lors dans la vie des Grecs. […] Laissons donc pour ce qu’elle vaut la citation d’Élien, et contentons-nous de croire, avec Hérodote et Plutarque, que le musicien Arion avait excellé sur le mode Orthien et le mode Pythien, les plus grandes puissances de l’antique mélodie, et que le jour où, charmant par ses accords les matelots âpres à sa dépouille, il eut le temps de sauter du milieu de ces brigands sur un dauphin préservateur, il avait employé au soutien de ses vers et de sa voix suppliante ces deux modes harmoniques, dont Platon a vanté la vertu pour adoucir tes âmes et calmer, sur place, même une sédition politique.
Nous avons vu jusqu’à présent, que dès qu’un homme en place, roi ou prince, cardinal ou évêque, général d’armée ou ministre, enfin quiconque, ou avait fait ou avait dû faire de grandes choses, était mort, tout aussitôt un orateur sacré, nommé par la famille, s’emparait de ce grand homme, et après avoir choisi un texte, fait un exorde ou trivial ou touchant, sur la vanité des grandeurs de ce monde, divisé le mérite du mort en deux ou trois points, et chacun des trois points en quatre ; après avoir parlé longuement de la généalogie, en disant qu’il n’en parlerait pas, faisait ensuite le détail des grandes qualités que le mort avait eues ou qu’il devait avoir, mêlait à ces qualités des réflexions ou fines ou profondes, ou élevées ou communes, sur les vertus, sur les vices, sur la cour, sur la guerre, et finissait enfin par assurer que celui qu’on louait, avait été un très grand homme dans ce monde, et serait probablement un très grand saint dans l’autre. […] Dans cette place, où il était si aisé de nuire, il ne fut jamais qu’utile : il produisait les talents, comme d’autres les eussent écartés. […] Quoi qu’il en soit, Charles Perrault était lié avec un parent de Colbert, qui avait occupé plusieurs places importantes, mais dont les places ne faisaient pas tout le mérite : il avait encore celui d’aimer les arts avec passion, de s’intéresser à leurs progrès, comme un courtisan s’intéresse à sa fortune ; et surtout il avait l’enthousiasme de son siècle et de sa nation.
Le lendemain de la répudiation du drapeau rouge, le dimanche qui suivit la révolution du 24 février 1848, le peuple bouillonnait encore sur la place de Grève, ce mont Aventin des insensés, où se proclamait la loi agraire de Paris. […] » Tous applaudirent, et tous se déclarèrent éclairés et satisfaits, évacuèrent les escaliers et remplirent la place de Grève de cris de : Vive Lamartine ! […] Puis, obliquant à gauche d’un mouvement insensible, je me lançai dans la mer d’hommes de toutes conditions qui couvrait la place de la Bastille, à l’embouchure de la rue Saint-Antoine. […] hâtons-nous, lui dis-je, de nous y jeter, et que quelques-uns de vos amis en disputent un moment l’entrée à la foule : pendant ce temps-là, nous gagnerons plus facilement l’issue la plus voisine de la place Royale, et, une fois arrivés là, protégés par la galerie étroite et longue, j’atteindrai le numéro 6, au fond de la voûte qu’habite Hugo, et j’irai lui demander asile contre cet assaut de l’enthousiasme. […] Je la suivis quelque temps comme un oisif qui se promène, et je priai un obligeant inconnu, qui avait franchi avec moi la muraille, d’aller me chercher un cabriolet à la place la plus voisine où il pourrait en rencontrer un.
Cette imagination, périlleuse dans la réalité, devint une grande qualité littéraire pour représenter par le roman une société où les affaires et l’argent tenaient tant de place. […] Il se promenait au Père-Lachaise pour chercher sur les tombes des noms expressifs ; il écrivait à une amie d’Angoulème pour savoir « le nom de la rue par laquelle vous arrivez à la place du Mûrier, puis le nom de la rue qui longe la place du Mûrier et le palais de Justice, puis le nom de la porte qui débouche sur la cathédrale ; puis le nom de la petite rue qui mène au Minage et qui avoisine le rempart822 ». […] Balzac nous montrait les faits : l’effort universel, la lutte brutale pour la fortune, pour les places, pour le pouvoir. […] Il ne se perd pas en longues analyses : il se place entre Balzac et Stendhal : comme le premier, il indique le dedans par le dehors, mais il indique avec précision des états de conscience perceptibles seulement au second. […] Ainsi en un sens il tient dans le roman la place que tiennent au théâtre Scribe.
Elle ressemble à son regard qui n’est jamais en place, et dans lequel passent, brouillés en une seconde, les regards divers de la femme. […] Ce sont de grosses servantes, crevantes de santé, les joues presque bleues de sang, qui traversent la place. […] On compterait les allants et les venants sur ses doigts… Puis un chien qui fait, comme un homme, le tour de la place, puis un autre… Ah ! […] Il y a quelque chose de plus mort que la mort ; c’est le mouvement de la place d’une ville de province. […] Il y a des points sur le globe où l’on ne voit point la place d’un souverain.
Le duc de Montmorency avait la place d’amiral ; le cardinal l’en dépouille, et la prend pour lui sous un autre nom. […] C’est ainsi que le cardinal traita tous les grands et les hommes en place qui étaient, ou qu’il regardait comme ses ennemis. […] Pour voir maintenant s’il travailla pour l’État ou pour lui-même, il suffit de remarquer qu’il était roi sous le nom de ministre ; que, secrétaire d’état en 1624, et chef de tous les conseils en 1639, il se fit donner pour le siège de La Rochelle les patentes de général ; que, dans la guerre d’Italie, il était généralissime, et faisait marcher deux maréchaux de France sous ses ordres ; qu’il était amiral, sous le titre de surintendant-général de la navigation et du commerce ; qu’il avait pris pour lui le gouvernement de Bretagne et tous les plus riches bénéfices du royaume ; que, tandis qu’il faisait abattre dans les provinces toutes les petites forteresses des petits seigneurs, et qu’il ôtait aux calvinistes leurs places de sûreté, il s’assurait pour lui de ces mêmes places ; qu’il possédait Saumur, Angers, Honfleur, le Havre, Oléron et l’île de Rhé, usurpant pour lui tout ce qu’il était aux autres ; qu’il disposait en maître de toutes les finances de l’État ; qu’il avait toujours en réserve chez lui trois millions de notre monnaie actuelle ; qu’il avait des gardes comme son maître, et que son faste effaçait le faste du trône. […] D’ailleurs je cite ici le cardinal de Richelieu au tribunal de la justice et de l’humanité : on les a trop oubliées quand il a fallu juger des hommes en place.
Son excès d’ardeur, comme une fièvre qui veut sortir, a besoin de se porter à la frontière : c’est là que son exaltation est à sa place, qu’elle trouve son aliment. et son emploi, qu’elle est honorable et civique, non sauvage et désastreuse. […] Une muraille très élevée en masquait et en fermait l’intérieur ; une porte, une vraie porte de ville, que surmontait un pavillon sans jour sur la campagne, donnait entrée sur une cour, ou plutôt sur une place magnifique. […] Ne vous fiez point à ses promesses ; il n’a pas le droit de vous céder sa place ; et, le pourrait-il, il ne le ferait pas. Sa place et la mienne elle-même ne tiennent à rien : un caprice des visiteurs peut nous replonger dans le cloître et nous replacer sous la main de ces moines qui nous haïssent. […] Le frère Jean, j’imagine, eût fait comme lui, à sa place, et aurait volé à la frontière.