/ 1682
520. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Le tour de telle phrase ou le lac d’un distique, copiés sur notre conformation, aident l’éclosion, en nous, d’aperçus et de correspondances. […] Par contre, à ce tracé, il y a une minute, des sinueuses et mobiles variations de l’Idée, que l’écrit revendique de fixer, y eut-il, peut-être, chez quelques-uns de vous, lieu de confronter à telles phrases une réminiscence de l’orchestre ; où succède à des rentrées en l’ombre, après un remous soucieux, tout à coup l’éruptif multiple sursautement de la clarté, comme les proches irradiations d’un lever de jour : vain, si le langage, par la retrempe et l’essor purifiants du chant, n’y confère un sens. […]   Le vers par flèches jeté moins avec succession que presque simultanément pour l’idée, réduit la durée à une division spirituelle propre au sujet : diffère de la phrase ou développement temporaire, dont la prose joue, le dissimulant, selon mille tours.

521. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Plusieurs articles sont remplis de déclamations, paradoxes, idées hasardées, dont le contraire est souvent vrai ; phrases ampoulées, exclamations qu’on sifflerait dans une académie de province, etc. » A quoi d’Alembert répond : « Vous avez bien raison de dire qu’on a employé trop de manœuvres à cet ouvrage… C’est un habit d’arlequin, où il y a quelques morceaux de bonne étoffe et trop de haillons. » Nous le pensions bien ; mais il nous plaît que ce soient les encyclopédistes qui le disent. […] Dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, je lis cette remarque piquante sur la vanité des érudits, « plus grande, dit d’Alembert, que celle des poètes, parce que l’érudit croit voir tous les jours augmenter sa substance par les acquisitions qu’il fait sans peine, tandis que l’esprit qui invente est toujours mécontent de ses progrès, parce qu’il voit au-delà. » On ne sait trop qui a pu amener cette phrase, ni ce qu’elle fait dans un discours de ce genre, tant le titre et la matière emportent l’esprit loin de réflexions agréables sur les mœurs littéraires. […] Dans ce qu’il écrivit pour les lettres en ce temps-là, les belles pages sont plus rares que les belles phrases.

522. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

., ces originaux complexes qui sont un résumé et un assemblage d’un tas de choses, ces hommes au langage concret, dont la vie, selon la phrase du dessinateur, « se passe à être un objet d’étude et de jouissance pour l’intelligence de ceux qui boivent avec eux, et cela sans qu’il reste rien de cela dans une œuvre écrite ou peinte ». […] On cherche une taille comme on ne cherche pas une épithète, on poursuit un effet de griffonnis comme on ne poursuit pas un tour de phrase. […] 15 décembre Nous tombons sur des fragments oratoires du Marat de Lyon, sur l’éloquence grisée de Chalier, où la phrase sonne parfois comme un vers d’Hugo.

523. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Qui peut oublier, après l’avoir lue, cette phrase où ressuscitent à la vie les cuirassiers du maréchal Ney qui vont charger : « Ils étaient 3 500 ; ils faisaient un front d’un quart de lieue ; c’étaient des hommes géants sur des chevaux colosses… » ? […] La phrase reste toute simple ; elle parlait à l’imagination, elle parle au cœur, c’est-à-dire aux deux forces qui commandent à tous. […] Tout au plus seront-ils, en face des clartés et des harmonies de la phrase, comme ces marins et ces paysans, incapables de raisonner de la beauté de la campagne ou de la mer, mais qui l’aperçoivent obscurément, et l’aiment jusqu’à ne pouvoir s’en passer.

524. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit. […] Rien n’est si aisé que de traduire Cicéron, si l’on se contente d’exprimer en gros le sens de la phrase : Cicéron n’est pas seulement le plus clair, il est le plus lumineux des écrivains ; rien n’est si difficile, si l’on veut pénétrer dans les nuances, saisir ce rayon fugitif qui brille en passant dans chaque expression, ne jamais prendre pour des synonymes ces mots qui ne complètent l’harmonie de la période qu’en représentant toutes les faces de la pensée.

525. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

On a beaucoup admiré les Paroles d’un croyant ; nous n’avons, pour notre part, jamais su goûter ce pastiche apocalyptique, ce genre emprunté à la Bible et qui consiste essentiellement dans le dépècement du discours en versets et dans l’usage de la conjonction et au commencement des phrases, cette prose soi-disant poétique enfin, qui trahit par son ambition même l’impuissance d’écrire un poème véritable. […] Malheureusement, cette tendance se développa à mesure que l’auteur entra plus avant dans la carrière politique ; son rôle d’opposition, le vague de ses principes, ses emportements le poussaient à la phrase.

526. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Ledieu fait des phrases sur Homère et Démosthène ; pour couper court à ces assertions vagues qui tendraient à faire du lévite et du prêtre par vocation un nourrisson des neuf Muses, on peut recourir à Bossuet lui-même dans une note qu’il a tracée de ses études jusqu’à l’âge de quarante-deux ans environ : à cette première époque, et avant d’entrer dans cette seconde carrière de précepteur du Dauphin qui le ramena heureusement par devoir aux lettres et aux lectures profanes, il était sobre dans ses choix de ce côté, sobre et même exclusif : Virgile, Cicéron, un peu Homère, un peu Démosthène, … mais les choses avant tout, c’est-à-dire les saintes Écritures anciennes et nouvelles, l’Ancien et le Nouveau Testament, médité, remédité sans cesse dans toutes ses parties ; ce fut du premier jour sa principale, sa perpétuelle lecture, celle sur laquelle il aspirera à vieillir et à mourir : Certe in his consenescere, his immori, summa votorum est , disait-il. […] C’est de cette connaissance approfondie du latin et de l’usage excellent qu’il en sut faire que découle chez Bossuet ce français neuf, plein, substantiel, dans le sens de la racine, et original : et ce n’est pas seulement dans le détail de l’expression, de la locution et du mot, que cette sève de littérature latine se fait sentir, c’est dans l’ampleur des tours, dans la forme des mouvements et des liaisons, dans le joint des phrases, et comme dans le geste.

527. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Dès qu’on met la main à l’œuvre, il ne s’agit pas seulement de se croire littéral, il faut être lisible et plus on s’éloigne de la phrase ordinaire et de fa locution française consacrée, plus il serait besoin d’avoir en dédommagement les mille secrets d’un grand écrivain. […] Le traducteur au lieu des Furies met les Érinnyes ; ce n’est guère la peine de traduire, et, qui pis est, le reste de la phrase va contre le sens.

528. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

En voici la preuve dans deux phrases : « Le pinson, l’alouette, la linotte, le serin, jasent et babillent tant que le jour dure. […] Phrase déjà citée par M. 

/ 1682