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609. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Sans doute les misérables êtres qui bégayèrent d’abord des sons inarticulés sur le sol malheureux de l’Afrique ou de l’Océanie ressemblèrent peu à ces naïfs et gracieux enfants qui servirent de pères à la race religieuse et théocratique des Sémites, et aux vigoureux ancêtres de la race philosophique et rationaliste des peuples indo-germaniques. […] L’esprit philosophique sait tirer philosophie de toute chose. […] Ce serait certes une œuvre qui aurait quelque importance philosophique que celle où un critique ferait d’après les sources l’histoire des Origines du christianisme : eh bien ! […] L’étude scientifique des peuples sauvages amènerait des résultats bien plus décisifs encore, si elle était faite par des esprits vraiment philosophiques.

610. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Herbert Spencer a promulgué dans la série non encore close de ses œuvres, l’enseignement philosophique le plus compréhensif que l’humanité ait pu méditer depuis Aristote. […] Ce Moi ne contient pas, en conséquence, la pluralité ; il s’en suit qu’il est sans péché, car le péché provient du désir et le désir suppose un Autre, tandis que ce Moi est un avec tout ce qui est. — Est-ce que, vraiment, la puissance et le charme incomparables de la doctrine de Schopenhauer sur la Négation de la Volonté reposent sur un pareil tour de force philosophique ? […] Car, ce qui le poussa à écrire des ouvrages philosophiques, ce fut la conviction d’une profonde révélation dont il sentait que les Hindous et le Christianisme avaient parlé. — Mais, comment l’exprimer ? […] Cette image sert aussi à montrer ce qui, dans ce système philosophique, reste inexpliquable et infigurable ; — des causes intérieures ne soulèveraient pas de vagues sur un tel globe-océan, celles-ci ne pourraient être le résultat que d’influences extérieures.

611. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Analyser de cette façon les origines du romantisme est une tâche ardue : l’époque a été peu fouillée, bien qu’elle renferme plus de documents sociaux que ne soupçonnent les historiens ; et que leur étude permet de comprendre l’évolution politique, philosophique, religieuse, littéraire et artistique de la société bourgeoise. […] (Décade philosophique, 10 messidor an IX.) […] La Décade philosophique (10 pluviôse an VII), après avoir constaté l’engouement pour les romans anglais, ajoutait, « nous pouvons affirmer que nous possédons en original et de notre propre cru des horreurs dont les plus difficiles peuvent se contenter, que nous ne manquons pas de personnages atroces, atrocement crayonnés, que nous avons des esprits corps, c’est-à-dire des fantômes qui n’en sont pas, heureuse invention par laquelle s’est éminemment distinguée mistress Radcliffe, que nous sommes riches en descriptions du soleil et de la lune, en sites romantiques, en événements romanesques, enfin que nous ne sommes pas moins experts que nos maîtres dans la science des longueurs et l’art de multiplier les volumes… On a réussi à naturaliser le spleen, on a essayé d’imiter l’humour ; mais il faut qu’il soit plus facile de faire du Radcliffe que du Sterne, je ne saurais du moins proclamer nos succès en ce genre, je dois me borner à dire que jusqu’ici on l’a seulement innocemment tenté ». […] L’évolution philosophique, au commencement du siècle, marchait de pair avec la transformation littéraire : la Bourgeoisie avait pris le scepticisme et le matérialisme pour armes contre le clergé, faisant cause commune avec l’aristocratie ; une fois parvenue à la domination sociale, elle voulut asservir la religion à son usage et l’employer à contenir dans la soumission passive les masses travailleuses ; elle enjoignit à ses littérateurs et à ses philosophes de combattre « l’abominable philosophie du xviiie  siècle, qui avait prêché la révolte contre toute autorité, l’oubli de tous les devoirs, le mépris de toutes les suprématies sociales… C’est elle qui a instruit et excité les monstres qui ont dévasté la France… Robespierre, Collot, Carrier étaient des philosophes21 ».

612. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Le plus grand des mathématiciens, dans ses habitudes d’abstraction philosophique et de pures jouissances intellectuelles, estimait que ces détails d’arrangement et de ménage humain, dont au reste il savait doucement s’accommoder, ne méritent pas qu’on y prenne parti ni qu’on s’en émeuve ; et comme le disait spirituellement M.  […] Son testament philosophique, ou ce qu’il appelait moins justement de ce nom, se trouverait dans le Journal des Savants de mars à mai 1852 : c’est une suite d’articles sur Cotes et Newton.

613. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Au reste, la pure spéculation philosophique n’occupe guère ici que cinq ou six pages ; elle est une contemplation de voyageur, que l’on s’accorde pour quelques minutes lorsqu’on atteint un lieu élevé. […] Leuret, Fragments philosophiques, 1 vol.

614. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Ils le furent aussi, par opposition aux disciples du xviiie  siècle, qui, retenant le goût de Voltaire ou de Condorcet, en professaient les idées ; comme le même siècle avait produit Mérope et le Dictionnaire philosophique, on le haïssait ou l’aimait en bloc : les libéraux se croyaient tenus d’être classiques, et les romantiques chantaient le trône et l’autel. […] Le romantisme élégiaque et fiévreux, le romantisme philosophique et symbolique étaient nés.

615. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Les nouveaux versificateurs seraient obscurs parce qu’ils dressent des constructions philosophiques dans leurs vers. […] Vous ne me citerez pas un poète récent — et j’en nommais beaucoup tout à l’heure — qui songe au poème philosophique.

616. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Autrement dit : idées relatives à ce qui est du domaine des sciences physiques et naturelles ; idées morales ; idées politiques et sociales ; idées esthétiques ; idées philosophiques et religieuses ; tels sont les principaux cadres qu’il faudra remplir les uns après les autres. […] Je veux dire que tel écrivain aimera à considérer le détail, à étudier les infiniment petits, à décrire avec un soin minutieux un coin de nature ou une particularité de caractère, à débattre une question microscopique, à couper, suivant l’expression consacrée, un cheveu en quatre ; que tel autre, au contraire, se plaira aux grandes généralisations hâtives, aux considérations philosophiques hasardeuses, aux vastes systèmes embrassant l’univers ; qu’un troisième, réunissant les qualités de l’un et de l’autre, essaiera de concilier l’exactitude et la précision dans les moindres choses avec les vues d’ensemble suggérées par l’étude des faits particuliers.

617. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Après avoir accepté avec confiance ce mode d’interprétation par les choses extérieures et la démonstration de Dieu par la nature, Fénelon, dans la seconde partie de son Traité, aborde un autre ordre de preuves ; il admet le doute philosophique sur les choses du dehors et s’enferme en soi, pour arriver au même but par un autre chemin et pour démontrer Dieu par la seule nature de nos idées. […] Le caractère philosophique et indépendant qu’il a tenu à y laisser n’en saurait altérer le prix, et il y ajoute plutôt à mes yeux.

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