Au contraire, le philosophe Philinte devait voir tous les désordres de la société avec un flegme stoïque et se mettre en fureur au moindre mal qui s’adressait directement à lui. […] Il le semble, puisque tous les sermonnaires, tous les moralistes, tous les philosophes l’ont cru, depuis bien longtemps ; et en tous cas, si vous interdisiez au dramatiste de la peindre, il faudrait faire assurément la même interdiction à tous les philosophes, à tous les moralistes et à tous les sermonnaires. […] Quoi qu’en disent les philosophes, cet amour est inné dans l’homme et sert de principe à la conscience. […] Certains philosophes réduisent la morale à la science des mœurs, à bien connaître ce que sont les mœurs du temps et à s’y conformer. Molière est, d’avance, un de ces philosophes-là.
Que de poètes, que d’écrivains, et combien de philosophes ont invoqué la science et la piété du docteur Blanche ! […] Je n’ai jamais plus regretté de n’être pas un philosophe, que ce jour-là. […] son fils a déjà la pâleur et l’œil affamé d’un vrai philosophe. Oui, mais le vrai philosophe bat son père au nom du Juste et de l’Injuste ! […] En ce moment le bouffon disparaissait, et l’on ne voyait plus que le philosophe.
Le jeune auteur, en concluant, adressait à la religion une espèce d’hymne, une vraie prière d’action de grâces, et ceci fait trop de contraste à ce que nous verrons plus tard pour ne pas être ici relevé : « Religion très-aimable, s’écriait-il, il est doux pourtant de pouvoir terminer en parlant de toi un travail qui a été entrepris en vue de faire quelque bien à ceux qui recueillent tes bienfaits de chaque jour ; il est doux de pouvoir, d’une âme ferme et assurée, conclure qu’il n’est point vraiment philosophe celui qui ne te suit ni ne te respecte, et que te respecter et te suivre, c’est être par là même assez philosophe. […] Mais, de quelque part que soit arrivée au jeune homme la première provocation au, doute et à l’examen, et quand il en aurait reçu l’initiative dans la conversation de quelqu’un de ses amis philosophes, comme Giordani ou tout autre, il faut reconnaître que l’esprit seul de Leopardi fit les frais de cette nouvelle opinion dans laquelle il s’engagea, et qui lui devint aussitôt comme un progrès naturel et nécessaire de sa pensée, un sombre et harmonieux développement de son talent et de sa nature. […] … » Et l’un des morts lui apprend que ce réveillon ne tire pas à conséquence, que c’est la première célébration de la grande année mathématique qui s’accomplit en ce moment, et que les morts n’en ont plus de ce rare sabbat périodique que pour un quart d’heure. — Ruysch en profite pour les interroger sur tant de choses qu’ils doivent savoir mieux que les vivants ; et le quart d’heure est bientôt passé, même un peu trop vite pour le philosophe et avant qu’il ait obtenu toutes les réponses satisfaisantes152. — Dans le dialogue intitulé Parini, ou de la Gloire, Leopardi met dans la bouche du sage poëte Parini, sous forme de conseils à un jeune homme, ses propres réflexions, qui sont comme le développement des paroles de l’antique Théophraste.
Après vingt-sept ans de prison, ce dominicain philosophe venait d’être rendu à la liberté par la bonté d’Urbain VIII. […] Lui qui n’était pas philosophe ni protestant à demi, il jugeait qu’il y avait plus de place encore pour des opinions quelconques sous la noble pourpre flottante de ses patrons que sous l’habit noir serré du ministre ; mais c’était à condition toujours de n’en rien laisser passer242. […] (je fais grâce des autres), le matois Saint-Ange répond : « Tu m’endors quand tu me parles de tous ces auteurs-là que je ne connois point ; il y avoit l’autre jour un homme bien sensé, chez « Blaise, qui n’y faisoit pas tant de finesse ; car il disoit que la Sagesse de Charron et la République de Bodin étoient les meilleurs livres du monde, et sa raison étoit que le premier enseigne à se bien gouverner soi-même, et le second à bien gouverner les autres… Ce discours, à te dire vrai, me tient lieu de démonstration et me persuade bien davantage que ne font tous les mathématiciens et philosophes ; mais tu as l’esprit si sublime que tu voudrois toujours être avec les auteurs de la première classe. […] On assure qu’il eut alors les rieurs de son côté ; mais il dut être au fond mécontent de lui-même : le philosophe en lui avait fait une faute252.
Aussitôt il se mit à visiter la retraite du grand capitaine, du grand roi, qui s’appelait le philosophe de Sans-Souci, et avec quelque raison, car il sembla porter le poids de l’épée et du sceptre avec une indifférence railleuse, se moquant de toutes les cours de l’Europe, on oserait même ajouter de ses peuples, s’il n’avait mis tant de soin à les bien gouverner. […] Ce roi philosophe, qui, sans qu’il s’en doutât, s’était fait, du haut du trône, l’un des promoteurs de la Révolution française, couché maintenant dans son cercueil, recevait la visite du général de cette Révolution, devenu empereur, conquérant de Berlin et de Potsdam ! […] Mais la gloire pour le chef qui conçoit et qui exécute la perte de sept cent mille hommes pour une cause absurde, et par une poursuite insensée d’un but qu’il ne peut ni atteindre ni conserver, est-ce là le mot dont un écrivain philosophe doit décorer la folie meurtrière d’un conquérant ? […] Aussi ce livre sera-t-il à jamais le manuel des administrateurs et des militaires ; les philosophes, les politiques, les hommes de pensée, les hommes de liberté, les hommes de religion, les hommes d’humanité, les hommes de bien écriront à leur tour cette histoire en se plaçant à un autre point de vue que le champ de bataille, au point de vue du bien ou du mal fait au genre humain par ce héros de l’armée et par ce héros du despotisme.
.” — Depuis la réforme, les mystères ont été livrés à la discussion populaire, on les a ainsi exposés à toutes les subtilités captieuses de l’étroitesse de jugement, et on ne peut pas encore dire quand finiront les tristes égarements d’esprit qui en sont résultés. » XIX Les résultats de la philosophie, de la politique, de la religion : voilà ce que l’on doit donner au peuple et ce qui lui sera utile ; mais il ne faut pas vouloir des hommes du peuple faire des philosophes, des prêtres ou des politiques. […] Une portion de philosophes l’écoute comme une révélation cachée des deux mondes. […] Corneille était aussi fort, mais pas aussi divin ; Racine, moins philosophe et moins original. […] Le philosophe et le poète pouvaient y vivre hermétiquement solitaires, et y mûrir des conceptions intellectuelles tout à la fois neuves, originales et palpitantes.
Le génie poétique avec lequel il étoit né, éclate en ces trois endroits, de même que dans sa description de la peste ; mais il est étouffé dans tout le reste, où loin d’y trouver un Poëte qui imite, qui peigne & qui remuë, on entend toujours un Philosophe qui argumente & parle du même ton. […] Jusqu’où n’auroient point été les hommes capables de traiter ainsi de pareilles matieres, si leurs Philosophes sécouant le joug des opinions qui dans tous les âges ont subjugué le génie, s’étoient plus occupés du soin d’étendre & de perfectionner leurs propres lumieres, que des revêries de leurs prédécesseurs ? […] Il a moins considéré ce Poëte comme le maître ou le précurseur de Virgile, que comme un Philosophe profond & sublime, qui déduit avec beaucoup d’art des principes qu’il a établis, l’explication des phénomènes de la nature. […] Nous avons des Tragédies sous le nom de ce Philosophe.
Que le roi de la Chine fasse pendre tous les philosophes ; que la Norvège se donne une Constitution, ou sage, ou ridicule, qu’est-ce que cela nous fait ? […] Il n’a pas plus de foi qu’il ne faut au gouvernement représentatif ; il ne fait pas chorus avec les philosophes contre les Jésuites, et, s’il avait été, dit-il, à la place du pape, il ne les aurait pas supprimés.
» Le comte de Maistre, dans une des charmantes lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, a badiné agréablement sur cette question, et il y a mêlé des vues pleines de force et de vérité : « L’erreur de certaines femmes est d’imaginer que pour être distinguées, elles doivent l’être à la manière des hommes… On ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été malheureuses ou ridicules par la science. » Au siècle dernier, un jésuite des plus éclairés et des plus spirituels, le père Buffier, qui était de la société de Mme de Lambert, dans une dissertation légèrement paradoxale, s’est plu à soutenir et à prouver que « les femmes sont capables des sciences » ; et après s’être joué dans les diverses branches de la question, après avoir montré qu’il y a eu des femmes politiques comme Zénobie ou la reine Élisabeth, des femmes philosophes comme l’Aspasie de Périclès et tant d’autres, des femmes géomètres et astronomes comme Hypatie ou telle marquise moderne, des femmes docteurs comme la fameuse Cornara de l’école de Padoue, et après s’être un peu moqué de celles qui chez nous, à son exemple, « auraient toutes les envies imaginables d’être docteurs de Sorbonne », — le père Buffier, s’étant ainsi donné carrière et en ayant fini du piquant, arrive à une conclusion mixte et qui n’est plus que raisonnable : À l’égard des autres, dit-il, qui ont des devoirs à remplir, si elles ont du temps de reste, il leur sera toujours beaucoup plus utile de l’employer à se mettre dans l’esprit quelques connaissances honnêtes, pourvu qu’elles n’en tirent point de sotte vanité, que de l’occuper au jeu et à d’autres amusements aussi frivoles et aussi dangereux, tels que ceux qui partagent la vie de la plupart des femmes du monde. […] Il faut lui passer d’être érudite comme à la fille de Pythagore d’avoir été philosophe, comme à la fille de l’orateur Hortensius d’avoir été éloquente, comme à la fille du grand jurisconsulte Accurse d’avoir excellé dans le droit ; de telles vocations filiales n’apportent point de trouble dans les mœurs de famille ; elles ne font, dans l’exception, que les continuer et les confirmer.