C’était un instinct de la grandeur sous toutes les formes, un goût pour les choses éclatantes, depuis les phénomènes de la nature jusqu’aux pompes de la puissance et de la richesse humaines ; c’était aussi ce ferme jugement, en contraste avec l’imagination éblouie, ce retour sévère et triste qui abat ce qu’elle avait d’abord admiré et se donne le spectacle de deux grandeurs également senties, celle du monument et celle de la ruine.
Or ce merveilleux embrasse toutes les religions, tous les phénomènes, toutes les passions, toutes les idées, et ne se resserre pas dans l’Olympe des païens, dans le Paradis des chrétiens, dans leurs Enfers, et dans quelques châteaux de fées. […] Je ne saurais mieux exprimer la nécessité d’en user, qu’en citant l’exclamation d’un de nos poètes renommés qu’un jeune auteur consulta sur le plan d’une épopée prétendue philosophique, où les mystères de la religion devaient être expliqués par des phénomènes naturels ; mais, s’écria l’Aristarque, quel diable de Dieu mettrez-vous dans ce poème-là ? […] Cette invention sera bonne, si l’erreur qu’elle produit laisse entrevoir la réalité qu’elle déguise : elle s’applique également aux passions et aux phénomènes naturels ; elle les personnifie pour les faire agir, et les habille d’un voile transparent que l’œil de la raison peut percer. […] Cette idée m’a fait présumer qu’il était temps de s’ouvrir des cieux nouveaux, de se construire un autre monde idéal, et d’y créer une Théogonie merveilleuse qui représentât les phénomènes de la nature, ainsi que nous les a fait concevoir la philosophie newtonienne : là il me fallut tout inventer. […] Une religion qui remonte à un créateur et suprême moteur des choses, par qui tous les phénomènes et toutes les actions se produisent, et qui ordonne et gouverne tout.
Mais la théorie de l’hérédité, mal dégagée encore de la multiplicité des phénomènes naturels qui ont pu être observés, est d’un faible secours dans l’ordre plus complexe des phénomènes sociaux. […] Il avait cru d’abord à la réalité des phénomènes, et cette croyance lui avait causé beaucoup de contrainte et d’ennui. […] Elle fait briller les phénomènes à nos yeux, elle les fait scintiller, elle nous fait voir le monde sous un prisme ; elle nous fait découvrir les facettes étincelantes des choses incompréhensibles.
Comme une image réfléchie, comme un écho, comme un éblouissement ou le vertige de la danse, comme un songe, comme un discours vain et futile, comme la magie et le mirage, elles sont remplies de fausseté ; elles sont vides comme l’écume et la bulle d’eau. » A ses yeux, le vide apparaît partout : « Tout phénomène est vide, toute substance est vide, en dehors il n’y a que le vide… Le mal, c’est l’existence. […] ignorez-vous que je déteste la vie ; que je me désole d’avoir tant vécu, et que je ne me console pas d’être née. » Et plus loin : « Si la raison arrêtait les mouvements de notre âme, ce serait vivre pour sentir le néant, et le néant (dont je fais grand cas) n’est bon que parce qu’on ne le sent pas. » Ces sombres boutades échappées à l’humeur aigrie de Mme du Deffand, ne sont pas un phénomène isolé. […] Voici que le phénomène d’une œuvre maladive dans une contrée méridionale vient donner un démenti aux théories trop absolues de Mme de Staël que j’ai rappelées plus haut. […] Il est plus difficile de déterminer les causes du mal hors de la France, et de ramener à des lois générales des phénomènes répartis sur des points du globe fort différents. […] A voir se reproduire, chez deux êtres, issus de la même source, un phénomène identique, on ne peut s’empêcher de penser que ce phénomène a précisément pour cause leur commune origine.
Un phénomène très inattendu sauva la littérature et la langue de cette proscription par le dégoût. Ce phénomène fut l’émigration : cent mille familles françaises, l’élite littéraire de la nation par le rang, le nom, l’élégance, les mœurs, le langage, s’étaient dispersées dans toutes les cours et dans toutes les villes de la Suisse, de l’Allemagne, de la Russie, de l’Angleterre, traînant avec elles la haine qu’elles portaient à la révolution et la pitié qui s’attache aux proscrits.
… Quant à mesdites injustices, un phénomène assez amusant a eu lieu. […] Il n’y aurait là qu’un phénomène de pathologie mentale à noter si le sectaire papiste ne montrait quelquefois le bout de l’oreille. […] Francis Jammes est un phénomène surprenant. […] Mais l’homme n’étant pas isolé, sa volonté dépendant de la volonté universelle, il épandra, aux jours d’exaltation où il se sentira vivre avec plénitude, son âme par le monde, afin qu’elle communie avec la puissance éternelle qu’il perçoit sous le flux changeant des phénomènes.
Et le phénomène corrélatif de la Fin des Notables fut la Formation des Cadres par ces sociétés de pensée, dont le génial commis voyageur s’appela Gambetta. […] Il est vrai que devant un phénomène qui n’est ni héritier, ni boursier, mais Auvergnat, comme M. […] L’évolution pacifiste du socialisme français (car il y a, malgré l’Internationale, autant de socialismes que de pays) doit être tenue pour un phénomène autonome, qui remonte à une trentaine d’années, et dont Jaurès a été le principal auteur. […] La géographie des idées se trouve ici devant un phénomène de relief rajeuni, de vallées qui, à travers des mouvements tectoniques successifs, et de sens différents, maintiennent une ligne stable à une figure de la terre.
On pourra faire des remarques très justes, on n’en fera pas de profondes, jusqu’à ce qu’on possède un fil pour se guider dans ce labyrinthe, une idée générale autour de laquelle puissent se rallier tant de phénomènes épars. […] Vrai phénomène pour le temps où il a vécu, où tant de préjugés obscurcissaient les intelligences, il est en lui-même un des esprits les plus indépendants qui aient existé. […] Aussi Montaigne a-t-il singulièrement bien vu et bien décrit une foule de phénomènes de notre nature. […] Et nous voyons que l’ame en ses passions se pipe plustost elle mesme, se dressant un fauls subject et fantastique, voire contre sa propre creance, que de n’agir contre quelque chose44. » Quelle vivacité naïve Montaigne apporte dans la description des phénomènes moraux et des caractères ! […] En se fiant à ses impressions et se tenant aux grosses apparences, comme Montaigne l’avoue lui-même (« Je me tiens un peu au massif et au vraysemblable »), une grande partie des phénomènes moraux était sujette à lui échapper.
Il y entre un peu et même beaucoup du phénomène physiologique de la suggestion que vient de découvrir l’école de Nancy. […] Avec La Rochefoucauld à sa droite, La Bruyère à sa gauche, et, un peu en arrière, Marivaux, il éveille l’idée d’un phénomène sans équivalent comme sans précédent dans l’histoire générale de la littérature et des mœurs. […] Le conteur s’y donne ses aises, et c’est à ce caractère semblable qu’il faut attribuer ce phénomène qu’en lisant l’Histoire ancienne et Gil Blas, on éprouve le même degré, presque le même genre d’intérêt. […] Dans cette triste histoire, chacun, d’accord avec l’auteur, n’a paru voir qu’un phénomène psychologique comme un autre, malheureux ou non, peu importe ! […] Taine considère dans un auteur les qualités, les défauts et les sujets choisis comme autant de phénomènes qui ne pouvaient point ne pas se produire.