/ 2350
675. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

À la surface tout était soumis en Allemagne ; tout reconnaissait la domination suprême du vainqueur de Wagram et de l’arbitre de la Confédération du Rhin ; les rois, les princes s’inclinaient et courbaient la tête : le peuples restaient frémissants. […] L’opinion prit alors ce caractère énergique qui la rend maîtresse des événements ; et c’est ainsi que le grand mouvement qui a abattu la puissance gigantesque créée par la Révolution, loin de démentir l’esprit primitif de celle-ci et le génie du siècle, n’a fait que déployer le principe fondamental de l’une et de l’autre, sous de plus nobles auspices et dans une direction plus heureuse. » Quand il écrivait ainsi, M. de Senfft était encore libéral, et il avait foi encore en l’avenir des peuples. — Mêlant des idées mystiques et des pensées de l’ordre providentiel à ses observations d’homme politique, il voyait, l’année suivante (1812) et lors de la gigantesque expédition entreprise pour refouler la Russie, il voyait, disait-il, dans « cette réunion monstrueuse » de toutes les puissances de l’Europe entraînées malgré elles dans une sphère d’attraction irrésistible et marchant en contradiction avec leurs propres intérêts à une guerre où elles n’avaient rien tant à redouter que le triomphe, « un caractère d’immoralité et de superbe, qui semblait appeler cette puissance vengeresse nommée par les Grecs du nom de Némésis » et dont le spectre apparaît, par intervalles, dans l’histoire comme le ministre des « jugements divins. » Il lisait après l’événement, dans l’excès même des instruments et des forces déployées, une cause finale providentielle en vue d’un résultat désiré et prévu : car telle grandeur d’élévation, telle profondeur de ruine. […] Loin de nier l’espèce de police à laquelle il se livrait, il en explique à merveille et avec esprit les difficultés dans un pays si vaste et chez un peuple à imagination vive, doué à ce degré de la faculté d’illusion : « L’établissement et la direction d’une agence assez nombreuse d’observation militaire formait alors, nous dit-il, l’une de mes plus laborieuses attributions. […] Toute la ville était illuminée, et le peuple était au comble de l’enthousiasme.

676. (1890) L’avenir de la science « XII »

… Non, elles vivent dans l’humanité ; elles ont servi à bâtir la grande Babel qui monte vers le ciel, et où chaque assise est un peuple. […] C’est pour cela que l’homme du peuple est bien plus sensible à la gloire patriotique que l’homme plus réfléchi, qui a une individualité prononcée. […] L’homme du peuple, au contraire, qui n’a rien de tout cela, s’attribue comme un patrimoine la gloire nationale et s’identifie avec la masse qui a fait ces grandes choses. […] Là est le secret de cette puissante adoption de Napoléon par le peuple.

677. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Une bataille n’est pas seulement un accident, c’est la destinée de tout un peuple. […] A la sèche histoire du moyen âge, à la chronique conteuse et naïve de Joinville et de Froissart ont succédé d’abord les grandes imitations de l’antiquité, à savoir les récits oratoires et politiques ; puis on est arrivé à penser que les événements intérieurs de la vie d’un peuple ont un intérêt non moins grand que les événements plus palpables de la politique et de la guerre. […] Et si les causes de la grandeur et de la chute d’un peuple méritent l’étude attentive des plus grands esprits, que dira-t-on du règne d’une philosophie, de son origine, de ses progrès, de sa chute ? Remarquez d’ailleurs que les peuples périssent, et que les philosophies ne périssent pas.

678. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Les devoirs de la vertu, ce code de principes qui a pour appui le consentement unanime de tous les peuples, reçoit quelques légers changements, par les mœurs et les coutumes des nations diverses ; et quoique les premiers rapports restent les mêmes, le rang de telle ou telle vertu peut varier selon les habitudes et les gouvernements des peuples.

679. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Partant de la vieille et banale comparaison d’un peuple libre à un cheval sauvage, Barbier a traduit dans les images qui montrent l’animal dompté, enlevé, poussé, crevé par son écuyer, l’histoire de la France asservie par Bonaparte, lancée à travers l’Europe, épuisée de guerres, et agonisante enfin avec lui. […] On peut être embarrassé de peindre le caractère du peuple athénien, et de résumer en quelques traits l’histoire du paysan français, tandis que l’on se tirerait convenablement du portrait du vieillard Dêmos ou de la vie de Jacques Bonhomme.

680. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

si tout meurt avec nous, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l’honneur qu’on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu’il est ridicule d’honorer ce qui n’est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu’il faut jeter au vent, et qui n’appartient à personne ; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d’une machine qui se dissout ; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes ; la loi des mariages, un vain scrupule ; la pudeur, un préjugé ; l’honneur et la probité, des chimères ; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.

681. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens Il arrive encore des temps dont les évenemens font penser qu’il étoit arrivé quelque altération physique dans la constitution des hommes. […] Leur nombre, disent-ils, s’est trop multiplié par rapport au nombre du peuple qui exerce les arts mécaniques.

682. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Quand, au lieu de s’en tenir à la forme, on va au fond des choses, on voit combien il est faux que le gouvernement sorte de la souveraineté du peuple, même dans les républiques où l’on consulte le peuple à ce sujet : il sort d’une situation ou d’un concours de circonstances qui obligent le peuple à se prononcer, dans le sens où il se prononce. […] Mais, dans l’un et l’autre cas, en ayant l’air de commander, le peuple obéit. […] Les partisans les plus absolus de la souveraineté du peuple sont obligés de reconnaître, au moins implicitement, cette vérité, et J. […] Le despotisme d’un seul est une liberté relative pour les peuples qui sortent de l’anarchie. […] Il déploya donc pour ce peuple les ressources d’un génie fécond en surprises.

683. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

L’un, issu des profondeurs de la nation, est le sentiment national, inséparable de la pitié du pauvre peuple. […] Il a des accents délicieux de foi ingénue : c’est plus rare aujourd’hui chez nous, mais là où le peuple n’a pas encore rejeté la foi, en Espagne, en Russie, j’imagine dans des âmes d’assassins des coins parfumés de dévote candeur. […] Sans un mouvement de charité, par esprit d’ordre et respect de la richesse publique, il condamne les cruautés de la guerre, pillages, incendies, massacres134 : il réclame qu’on ménage le peuple, qu’on ne le foule pas. […] Sur un point, il est remarquablement net et formel : il veut que le peuple consente aux impôts qu’il paie. […] « Ils vivent de moy, et je meurs pour eux. » (Le peuple, dans le Quadrilogue invectif).

/ 2350