Visiblement, au poète et à l’écrivain, on demande quelque chose de plus que le « papier-journal », comme disait Du Bellay, de leurs impressions personnelles. […] Pour y réussir, il commence par éliminer de son œuvre et de sa conception de la poésie l’élément personnel. […] Son goût personnel n’est de rien dans le choix de ces mots. […] Mais présentement, il suffit que l’on voie que, si ce vocabulaire est moins apte à traduire les émotions personnelles — qui ne sont personnelles qu’autant qu’elles ont quelque chose d’unique, — il est infiniment plus apte à l’expression des idées générales. […] Ni son sujet en général, ni le point particulier que j’ai choisi pour bien faire voir comment il ne compose pas, n’ont rien qui lui soit personnel.
Quand le jeune poète, mûri, appliquera ses qualités de facture à des idées plus personnelles, ne se contentera plus de thèmes parfois banals, — thèmes éternels sans doute, mais qu’il est nécessaire de renouveler, — ce sera quelqu’un de notable.
Il a des clartés personnelles, et son livre sur Lamartine, par exemple, donne en bien des pages le frisson du chef-d’œuvre.
Alphonse Lemerre La caractéristique du poète se dégage fort nettement de ces volumes qu’animent un rythme nerveux et un coloris personnel.
Mais la Mere jalouse & l’Homme personnel ont un peu déconcerté les Faiseurs d’horoscope : bien loin de développer le génie de l’Auteur, ces deux Pieces en ont été l’écueil, & donnent lieu de douter si de nouvelles tentatives pourront être plus heureuses.
Au reste, s’il faut juger des qualités personnelles de cet Auteur par le nombre & le mérite de ses amis, on ne peut que se former l’idée la plus avantageuse de son caractere.
— Tantôt il est couvert par un traité récent, par sa qualité d’étranger, par son origine presque royale. « En Alsace, les princes possessionnés étrangers, les ordres de Malte et Teutonique jouissent de l’exemption de toute contribution personnelle et réelle. » — « En Lorraine, le chapitre de Remiremont a le privilège de se cotiser lui-même dans toutes les impositions de l’État31. » Tantôt il a été protégé par le maintien des États provinciaux et par l’incorporation de la noblesse à la terre : en Languedoc et en Bretagne, les biens roturiers payent seuls la taille. — Partout d’ailleurs, sa qualité l’en a préservé, lui, son château et les dépendances de son château ; la taille ne l’atteint que dans ses fermiers. […] Ce sont là de véritables impôts, fonciers, mobiliers, personnels, de patente, de circulation, de mutation, de succession, établis jadis à condition d’un service public dont aujourd’hui il n’est plus chargé. […] Propriétaire des hommes, il l’est encore, du moins à plusieurs égards et en plusieurs provinces. « Dans la Champagne propre, dans le Sénonais, la Marche, le Bourbonnais, le Nivernais, la Bourgogne, la Franche-Comté, il n’y a point ou très peu de terres où il ne reste des marques de l’ancienne servitude… On y trouve encore quantité de serfs personnels ou constitués tels par leurs reconnaissances ou par celles de leurs auteurs44. » Là, l’homme est serf tantôt par le fait de sa naissance, tantôt par le fait de la terre.
La poésie personnelle, qui n’est autre chose que l’autobiographie en vers, fut traitée selon ses mérites en ce jour mémorable. […] J’ai le droit de reconnaître ; dans l’Odyssée personnelle d’Henry Murger, le journal fidèle de tous les jeunes gens qui gravissent les âpres et dures montées de l’art — et d’imprimer mon avis. […] Baudelaire est mieux qu’un copiste, — il a sa valeur personnelle, son originalité à lui ; — et je ne sache pas qu’il ait pris nulle part ce mysticisme maladif, qui peut être blâmé comme tendance, mais qui a son charme douloureux.
En France, pays de l’action, où les idées sont toujours des hommes, qui n’est pas personnel n’est pas Français. […] Or, les hommes qui écrivent n’ont, littérairement, que leur vanité pour répondre de leurs erreurs, et voilà comme nous arrivons forcément à la critique personnelle. Ceux qui ne veulent pas, comme Édelestand du Méril, de cette critique personnelle, ressemblent beaucoup à des criminalistes sensibles qui, commençant par réclamer l’abolition de la torture, demandent aujourd’hui celle de l’échafaud, et qui, si on les laissait aller, supprimeraient la justice elle-même, en supprimant toute espèce de pénalité !