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209. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Jésus fut touché de cette naïveté d’un personnage considérable. […] À côté et au-dessus de lui, en effet, nous voyons toujours un autre personnage, qui paraît avoir exercé, au moment décisif qui nous occupe, un pouvoir prépondérant. Ce personnage était le beau-père de Kaïapha, Hanan ou Annas 1021 fils de Seth, vieux grand-prêtre déposé, qui, au milieu de cette instabilité du pontificat, conserva au fond toute l’autorité. […] On comprend, en effet, que sous ce régime de pontificat annuel et transmis à tour de rôle selon le caprice des procurateurs, un vieux pontife, ayant gardé le secret des traditions, vu se succéder beaucoup de fortunes plus jeunes que la sienne, et conservé assez de crédit pour faire déléguer le pouvoir à des personnes qui, selon la famille, lui étaient subordonnées, devait être un très important personnage.

210. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

L’important, pour lui, l’art suprême, c’est l’impression et l’expression, — c’est la scène qui succède à la scène, — c’est le pathétique et le poignant des choses, des événements et des personnages. […] Tous les autres personnages qui l’entourent sont des monstres comme lui, des monstres de vice ou de vertu, mais des monstres toujours. […] Trop compliqué d’événements, trop surchargé de personnages (et quels personnages !)

211. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

— et il a eu un style qui, en définitive, n’a pas été plus à lui que ses personnages, décalqués, tous, de quelque souvenir. […] Pour les personnages du roman, ce peut être le froid de la terreur ; pour le lecteur, ce n’est que le froid de l’ennui. […] Comparez seulement les vivants, si violemment vivants et vrais, des Contes drôlatiques, aux pâles et exsangues momies habillées du Capitaine Fracasse, lesquelles font l’amour du même air, du même ton, avec la même phrase qu’elles se plaisantent ou qu’elles se battent, le long de ce fatigant roman, sans que l’auteur lui-même se départe un moment de l’emphase suspecte de son récit, dans laquelle le plaisant et le sérieux se confondent au point qu’on ne sait plus si l’auteur est réellement un romancier sincère, qui croit à ses héros et qui les aime, ou un humouriste en pointe d’ironie, qui se moque également de ses personnages et de son lecteur ! […] Ils ont fait plus : ils ont eu la prudence, dans les comptes rendus qu’ils ont consacrés au Capitaine Fracasse, de supprimer toute analyse de ce roman, bien sûrs qu’ils étaient d’y trouver des événements tout aussi insignifiants que les sentiments, les passions et les personnages.

212. (1900) Molière pp. -283

Quelquefois, c’est un portrait que Molière met dans la bouche d’un personnage. […] M. de Pourceaugnac est un des personnages qui ont fait dire à beaucoup de critiques, et de grands critiques, à Fénelon, par exemple, à Vauvenargues, et même un peu à Boileau, que les personnages de Molière étaient outrés. […] — Quels sont ces personnages-ci, se demande M. de Pourceaugnac, qu’est-ce que ce galimatias ? […] Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. […] CÉSAR, parlant à un personnage qui s’éloigne.

213. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 168-169

Le style des Lettres prétendues interceptées n’est pas celui des personnages qu’il fait parler ; il est celui de l’Auteur, c’est-à-dire, qu’il est plat, froid, sans justesse, sans variété. On y reconnoît partout la même tournure d’esprit, le même caractere, & il falloit que chaque personnage y eût le sien particulier.

214. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Qu’il y ait eu de l’arrangement et de la symétrie jusque dans le désordonné des peintures ; que les paysages soient tout composites, et ne se retrouvent nulle part, avec tout cet assemblage imaginatif, dans la nature même et dans la réalité ; qu’à côté de ces impossibilités d’histoire naturelle, il y ait des anachronismes non moins visibles dans les sentiments ; qu’il y ait des effets forcés et voulus ; que, sous prétexte d’innovation, l’auteur moderne ait sans cesse des réminiscences de l’Antiquité ; qu’il parodie souvent Homère et Théocrite en les déguisant à la sauvage, tout cela est vrai ; et il est vrai encore que les caractères de ses deux personnages principaux ne sont pas consistants et qu’ils assemblent des qualités contraires, inconciliables, tenant à des âges de civilisation très différents. Le christianisme, on l’a dit, est plaqué dans le personnage d’Atala ; il n’y a pas en elle cette fusion insensible qui fait le charme ; il y a du tatouage. […] Mais trop pressé déjà par le temps, trop appelé et tenté par la politique et par ses passions dévorantes, il se hâta de dresser le monument de son souvenir ; il fit ses personnages un peu roides ; il les drapa : au lieu de donner le ton cette fois, il semble avoir suivi lui-même le goût des peintres de l’Empire.

215. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Cet ouvrage fit dans l’art dramatique une révolution dont Molière a eu l’honneur, parce que ce fut son talent qui la signala avec éclat. « Avant Mélite, dit Corneille dans sa préface, on n’avait jamais vu que la comédie fit rire sans personnages ridicules, tels que les valets bouffons, les parasites, les capitans, les docteurs, etc. Celle-ci (Mélite) a fait son effet par l’humeur enjouée de gens, d’une condition au-dessus de ceux qu’on voit dans les comédies de Plaute et de Térence. » En effet, dans cette pièce, l’auteur ne se bornait pas à produire des personnages décents, au lieu des bouffons de fantaisie : il leur donna, dit-il, un style naïf qui faisait une peinture de la conversation des honnêtes gens . […] La qualification de naïf, que Corneille donne au style de ses interlocuteurs, style fort différent de celui des personnages de Molière, qui est aussi estimé naïf, m’a paru rendre nécessaires quelques observations sur la naïveté.

216. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Qu’Orosmane et Zaïre sont petits et mesquins devant ces grands personnages, l’éternel honneur de l’humanité ! […] Quoi qu’il en soit, Le Kain joua depuis Vendôme de manière à couvrir les défauts du personnage. […] Il a fallu un Le Kain, avec la prodigieuse renommée de Voltaire, pour faire passer cet étrange personnage de Gengiskan. […] Qui jamais eut moins cette intention que Voltaire, dont le dialogue est si peu naturel, et qui parle par la bouche de tous ses personnages ? […] Sévère, dans Polyeucte, est aussi un personnage créé d’après les idées de la galanterie chevaleresque.

217. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ce sont les personnages de son temps, roi, clergé, seigneurs, bourgeois, paysans. […] De là une certaine morale et de certains personnages. […] Il se met au-dessus d’eux ou parmi eux « et se croit un personnage. » Cet orgueil est raisonneur et esprit fort. […] Il me faut une grâce d’état spéciale, et je cours risque d’être un des personnages de mon auteur. […] Il change son personnage.

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