Aujourd’hui, nous avons ce choix : — ou bien un théâtre, des décors, des acteurs : des demi trompe-l’œil, l’apparence d’une forêt et les planches, ni convention pure, ni représentation artistique complète de la nature ; et les acteurs, des hommes nécessairement difformes, incapables de faire admettre qu’ils sont les dieux qu’ils singent, et ne nous laissant plus qu’ils sont simplement des porte-parole ; avec les décors de notre Opéra et les acteurs de Meiningen, un compromis entre une convention et une réalité, le faux par définition ; — ou bien le concert, c’est-à-dire nulle prétention de représentation, mais le champ libre à la conception, l’espace grand ouvert à la réalité supérieure des forêts et des hôtes divins qu’en nous suscitera l’imagination : car cette musique c’est un décor, la nuit est dans la musique où Siegmund solitaire contemple le foyer éteint, et cette musique c’est encore les personnages, je vois (et combien plus beau que M.
Mme Jacques Fréhel, inégale encore à l’effort de composer un livre harmonieux et encore impuissante à faire vivre les personnages qui lui répugnent, est admirable dans la peinture de quelques êtres nobles, qu’elle fait passer malheureusement sur les marges de l’intrigue.
… De voir un auteur jongler avec les mots, Les faire travailler, sans un autre propos Que de remplir le personnage d’acrobate, cela semble bien valoir quelques applaudissements.
On nous montrait que deux événements, simultanés pour le personnage qui les observe à l’intérieur de son système, seraient successifs pour celui qui se représenterait, du dehors, le système en mouvement.
Malherbe, avec un mince bagage poétique, avec une douzaine de vers cités éternellement, mais avec sa grande situation de réparateur de la langue et de la poésie françaises, est un des personnages les plus solidement, les plus fièrement campés dans l’immortalité du nom et de l’œuvre que présente l’histoire de notre littérature. […] L’utilité, mais, en même temps, le danger et le ridicule des noms de baptême trop significatifs est de vouer d’avance les enfants qui les reçoivent tantôt à une qualité qui pourra bien n’être représentée que par son contraire, tantôt à l’émulation avec quelque grand personnage historique, ou à sa parodie. […] Certains héros du drame et de l’épopée se prêtent particulièrement bien au travail de transformation qui consiste à refondre, pour l’usage de chaque siècle, un personnage donné, en le présentant aux générations successives sous un aspect toujours intéressant pour elles et nouveau. […] Parce qu’on ne lit plus guère la Jérusalem délivrée, il ne s’ensuit point que le Tasse soit devenu un moindre personnage dans l’histoire de la littérature italienne. […] Robert Macaire est un personnage fameux ; mais qui donc connaît les noms des trois génies qui l’inventèrent ?
Berlin, en ces quatre ans, fait d’Amiel un des personnages de ce dialogue des philosophes, le philosophe auteur du Journal, celui que M. […] Lui, il enveloppe d’un regard mélancolique, et de haut, sinon du haut, cette troupe hostile : Un individu dont la vie apparente a été tout intellectuelle, indifférente et froide, et dont la vie secrète n’a été qu’une perpétuelle offrande aux affections ; un personnage qui semble n’avoir fréquenté que les livres, et qui n’a rien tant expérimenté que les sentiments et les rêves du cœur féminin ; un Hippolytes que ses envieux ont cru être un Lovelace ; un rêveur que ses ennemis ont accusé d’être un simple égoïste, tandis qu’il n’avait pas même assez de personnalité pour vivre comme les autres et faire son chemin : ce n’est pas une combinaison trop banale. […] Si le biographe d’Amiel travaillait ici à la loupe, il montrerait sa vie parfois prise et tiraillée dans les problèmes genevois de l’élévation, matérielle et morale, aussi compliqués alors que ceux de l’étiquette mondaine pour les personnages de Marcel Proust.
Nous avons suivi, pour le classement, l’ordre chronologique même lorsque, malgré l’absence fréquente des dates, le contenu de la lettre ou le nom du destinataire nous éclairait sur l’époque où elle avait dû être écrite, et nous avons rejeté aux dernières pages quelques billets que nous aurions été contraint de placer arbitrairement, si nous les eussions supposé écrits à tel moment ou adressés à tel personnage. […] Les personnages les plus ridicules, les moines, les religieuses, les abbés, les évêques, les présidents à mortier nous sont interdits, tant c’est une chose respectable pour nous qu’une croix et un capuchon. […] Son Dorante aurait de belles et bonnes choses à dire qui le caractériseraient ; mais l’auteur ne pouvait les trouver ni dans son cœur, ni dans son esprit : et ce personnage, prétendu philosophe, n’est pas même de l’étoffe d’un homme du monde. […] Cela est sans mouvement et sans chaleur, et tous ces personnages ne semblent agir que pour prouver que toute idée d’honnêteté est étrangère à l’auteur. […] S’il arrivait toutefois qu’on vous dît que je suis resté muet devant quelques malheureux personnages en qui le sentiment de l’honneur fut étouffé ou ne poignît jamais, et qui auraient eu l’imprudence de les attaquer, croyez-le, l’indignation et le mépris, lorsqu’ils sont profonds, se manifestent, mais ils ne parlent pas, et je suis persuadé qu’il est des circonstances où ce n’est pas honorer dignement la vertu que d’en prendre la défense.
Nau le croquemitaine, qui fait donner la question avec la même fureur qu’il danse lui-même la bourrée, ce sont moins là encore des portraits que des personnages d’une comédie de société et d’un proverbe : on les voit agir et vivre.
Il y avait d’autres mécontentements plus violents de personnages secondaires, qui pourtant n’auraient pas laissé d’embarrasser : on en peut prendre idée par la furieuse colère du duc de Saint-Simon, racontée dans les Mémoires de son fils, t. 1, p. 91 141.