Si Ariane n’était qu’une bourgeoise trahie par son amant et par sa sœur, la pièce qui porte son nom ne laisserait pas de subsister toute entière ; mais cette pièce si agréable y perdrait un grand ornement. […] Les grands intérêts se réduisent à être en péril de perdre la vie, ou l’honneur, ou la liberté, ou un trône, ou son ami, ou sa maîtresse. […] Nullement : c’est la nécessité où il est de perdre l’honneur ou sa maîtresse ; c’est la difficulté d’obtenir sa grâce de Chimène, dont il a tué le père. […] Il n’y a point non plus de milieu à l’alternative ; ou il faut qu’il s’expose au murmure de toute la Grèce et à son mépris, ou qu’il perde sa fille : enfin il se décide pour le parti le plus vertueux. […] Le comique n’étant qu’une relation, il doit perdre à être transplanté ; mais il perd plus ou moins, en raison de sa bonté essentielle.
… O tems perdu, ô peines despendues ! […] Jodelle a énormément écrit, et il est certain que la plupart de ses ouvrages ont été perdus. […] aussi fai-je moy : J’ai perdu ma tourterelle. […] Cependant Rotrou avait ébauché là quelque chose qui ne doit pas être perdu. […] Il lui fit la cour et y perdit sa peine probablement.
Aussi ses doctrines ont perdu pour lui leur autorité singulière et absolue. […] Il y a des maladies qui nous font perdre partiellement la mémoire. […] Prenons un exemple, et supposons que trois naturalistes, bons logiciens, aient perdu à la suite d’une maladie le souvenir net et complet de la nature. […] Uranie cependant ne perd pas courage. […] Schlegel la contredit, seulement pour n’en pas perdre l’habitude ; Jean-Paul l’écoute, et oublie l’une après l’autre toutes ses métaphores ; Hegel, sans le savoir, s’instruit à son école.
— « Sire, disait à Louis XVI le maréchal de Richelieu, témoin des trois règnes, sous Louis XIV, on n’osait dire mot ; sous Louis XV, on parlait tout bas ; sous Votre Majesté, on parle tout haut. » — Si l’autorité y perd, la société y gagne ; l’étiquette, insensiblement relâchée, laisse entrer l’aisance et l’agrément. […] On savait se ruiner sans qu’il y parût, comme de beaux joueurs qui perdent sans montrer d’inquiétude et de dépit. […] On jouissait de la vie, et, quand l’heure était venue de la perdre, on ne cherchait pas à dégoûter les autres de vivre. […] Sur un mot, sur un manque d’usage, sur la moindre apparence de prétention ou de fatuité, on encourt sa désapprobation qui est sans appel, et l’on est perdu à tout jamais dans le beau monde. […] Sous sa pression, comme sous le doigt d’un sculpteur, le masque du siècle se transforme par degrés et perd insensiblement son sérieux : la figure compassée du courtisan devient d’abord la physionomie enjouée du mondain ; puis, sur cette bouche souriante dont les contours s’altèrent, on voit éclater le rire effronté et débridé du gamin296.
Je finis par sonner moins souvent et par me passer de ses services pour ne pas me distraire et ne pas perdre mon temps à la contempler. […] Mozart avait perdu son père, qui mourut à Salzbourg, le 28 mai 1787, à l’âge de soixante et dix ans, dans un état voisin de la misère, mais heureux devant Dieu et devant les hommes d’avoir accompli sa mission en donnant au monde le plus sublime des compositeurs. […] « Comme son cœur avait besoin de se soulager, je pensai que c’était le moment de lui parler de ses deux fils perdus pendant mon absence. […] La terre ne se doutait pas de ce qu’elle perdait : il fallut trente ans à son nom pour mûrir à la gloire que ce nom possède aujourd’hui. […] Mon cri se perdit dans l’espace vide, mais il réveilla les esprits des instruments de l’orchestre.
Pétrarque se résigna, par amitié, à perdre pour quelque temps la présence de Laure. […] L’Italie frémit tout entière à cette voix ; mais cette voix se perdit dans le tumulte des ambitions et des rivalités de ville à ville. […] La voilà vérifiée la prédiction de ce poète qui disait : Rome a perdu la douce consolation, dans son malheur, de ne reconnaître point de rois, et de n’obéir qu’à ses enfants. […] Nous allons perdre une compagne qui était l’âme de nos plaisirs innocents ; une amie qui nous consolait dans nos chagrins, et dont l’exemple était pour nous une leçon vivante. […] Nous perdrons tout en la perdant.
« Cependant, sans Gori, le séjour de Sienne me devint tout d’abord insupportable ; j’espérai qu’en changeant de lieux et d’objet j’allais affaiblir ma douleur sans rien perdre de sa mémoire. […] Mon ami que j’avais perdu à Sienne, ma bien-aimée qui désormais allait vivre hors de l’Italie, me déterminèrent aussi à ne pas y demeurer plus longtemps. […] « Après avoir employé ou perdu environ deux mois, dit-il, à chercher et à meubler une nouvelle maison, nous y entrâmes au commencement de 1792. […] Il y mettait le sérieux que sa vie avait perdu depuis tant de variations éclatantes à Paris et à Londres. […] Pour sauver cet ouvrage qui m’était cher et auquel je tenais beaucoup, j’en fis faire jusqu’à dix copies, et je veillai à ce que, déposées en différents lieux, elles ne pussent ni s’anéantir ni se perdre, mais reparaître, quand le moment serait venu.
tante Grédel, taisez-vous, parlez plus bas, lui dis-je en regardant la fenêtre, on pourrait vous entendre ; nous serions tous perdus. […] fit-il, on ne perd pas de temps… ça presse. » Il est facile de se faire une idée de mon chagrin durant ce jour et les suivants. […] Alors je fus effrayé, mais au lieu de pâlir je devins encore plus rouge, et je m’écriai dans la désolation : « Maintenant je suis perdu ! […] — Non, répondit-il, je n’aime pas les guerres, surtout celles où des cent mille hommes perdent la vie pour la gloire d’un seul. […] » C’est tout ce que je me rappelle, car aussitôt après je perdis tout sentiment.
Tout se dissout alors, tout perd sa valeur pour l’analyste, même l’amour. […] A quoi bon nous perdre dans l’enchevêtrement est la chaîne sans fin qui l’unit aux grands rouages de la société humaine et de l’univers. […] Le talent, c’est le tuyau de drainage qui ne laisse pas perdre une goutte et donne un petit filet d’eau bien mince qui coule en frétillant sur l’herbe. […] En tout cas, cet effet amollissant de l’art a été souvent constaté sur les peuples, qui, à trop exercer leurs facultés de contemplation et d’imagination, perdent parfois leurs facultés d’action. […] Malheureusement, la passion de la vertu ne peut offrir à l’art qu’un domaine relativement restreint : elle n’est pour l’écrivain qu’une passion comme les autres, et perdue, pour ainsi dire, au milieu de toutes les autres.