Quoi de plus semblable d’ailleurs à la vie que cette maturité de l’événement, qui fait que, dès les premières scènes, le spectateur connaît tous ceux qui doivent y figurer, et qu’avant d’avoir pu penser qu’il y a là un habile homme dont la fable ingénieuse va le transporter du réel dans l’imaginaire, il est saisi dès le lever de la toile de ces images frappantes de la vie, et prend parti dans la lutte qui va s’engager ? […] Il avait en effet plus de tendresse pour l’intrigue, où portait le plus fort de son travail ; et telle était son illusion à cet égard, qu’il égalait à ses chefs-d’œuvre ses pièces les plus défectueuses, pour y avoir mis, pensait-il, la même quantité d’esprit. […] Par là il pensait faire pièce aux doucereux et aux enjoués, comme il appelait les partisans de Quinault. […] Ceux qui pensent du bien du Commentaire sur Corneille sont en bonne compagnie.
C’est pour vous dire, ô Parisiens qui pensez à jouer quelque gîte pittoresque au bord de la mer ou en pleine campagne pour y passer agréablement le temps des vacances, de ne rien décider avant d’avoir lu le dernier numéro de la Revue wagnérienne française, paraissant à Paris vers le 8 de chaque mois. […] Félicitons la direction du Ménestrel qui a « donné une nouvelle preuve de son impartialité en insérant les lettres de son jeune collaborateur Julien Tiersot, si contraires (pourtant) à son sentiment sur l’œuvre de Richard Wagner », mais qui a « en ce qui la concerne, fait toutes les réserves possibles sur leur contenu » et qui « reprendra quelque jour la question pour dire ce qu’elle en pense, lors des représentations prochaines annoncées à l’Eden. […] Richard Wagner a dit une chose plus mélancolique qu’il ne pense lui-même ; ce sont des représentations modèles, des représentations, comme il n’y en a pas, comme il n’y en aura plus, un art sans veille et sans lendemain. […] Déjà s’éloignent les dernières lumières ; ce que nous avons pensé, ce que nous avons cru voir, les souvenirs et les images des choses, les restes de l’illusion, l’auguste pressentiment des saintes ténèbres éteint tout cela en nous affranchissant du monde.
Comment, en effet, prononcer « sur le même et l’autre », sur la différence et la ressemblance, en un mot sur la relation, par exemple sur celle du bleu et du rouge, si cette relation n’est pas donnée à la conscience en même temps que les termes où elle est encore engagée et d’où je l’extrais pour la penser à part ? […] Voir une ombre ou voir un corps, c’est toujours voir, c’est toujours sentir, c’est toujours penser. […] Or, la plupart des problèmes viennent d’impressions sensibles, soit vives, soit nouvelles ; c’est un intérêt qui nous fait penser. Il n’y a pas lieu de séparer une pensée théorique et une pensée pratique : il n’y a au fond qu’une manière de penser, qui, dans son origine, est essentiellement pratique, c’est-à-dire issue d’appétitions et tendant à des appétitions ; elle s’élève peu à peu vers des objets d’un intérêt plus général, mais sans perdre jamais, même à l’apogée de son développement, la marque de son caractère primitivement sensible et volitif.
» Les réponses, comme bien l’on pense, se pressaient sous sa plume et jaillissaient de toutes parts. […] » — Grande et belle question, et de celles qui font le plus penser et rêver ! […] J’ai souvent remarqué que, quand deux bons esprits portent un jugement tout à fait différent sur le même auteur, il y a fort à parier que c’est qu’ils ne pensent pas en effet, pour le moment, au même objet, aux mêmes ouvrages de l’auteur en question, aux mêmes endroits de ses œuvres ; que c’est qu’ils ne l’ont pas tout entier présent, qu’ils ne le comprennent pas actuellement tout entier.
Ce n’est ni de sa manière de penser ni de son style. […] Boissonade était de ceux qui se défient d’eux-mêmes, qui ne sont jamais plus contents et plus à l’aise que quand ils parviennent à penser et à sentir avec les pensées et les paroles des autres, soit celles des anciens, soit celles des illustres ou même des moindres d’entre les modernes. […] Boissonade le rappela à la bonté et à l’équité par une lettre qui est un modèle d’humaine sagesse : « Ceux que vous nommez, que vous accusez, sur lesquels vous appelez le ridicule ou peut-être quelque chose de plus sévère (car les révolutions, faciles et humaines à leur origine, sont quelquefois suivies de violentes réactions), ceux de qui vous riez, d’un rire bien amer et bien cruel, sont d’honnêtes gens, séduits d’abord par des illusions très-séduisantes, menés ensuite plus loin qu’ils ne l’avaient pensé.
la charité, c’est un beau mot à prononcer, une belle chose à célébrer un jour de fête en Académie ; mais les conditions habituelles, journalières, la réalité et le matériel, si j’ose dire, de la charité, y pense-t-on bien ? […] Elle n’a jamais pensé à ce qui brille, et elle ne s’attendait certes pas que le nom de Scheffer ferait jamais épisode dans sa vie. […] En ceci, comme en beaucoup de choses, gardons-nous d’être ingrats ; ne pensons pas toujours à un lendemain trop immense, qui est sujet à fuir devant nous : rappelons-nous ce qu’on avait la veille, et jouissons de ce qu’un bon, un grand et glorieux Gouvernement réalise.
Dans deux jours, je saurai si je suis définitivement condamné ; car vous pensez bien que, dans cette horrible position, il s’agit d’être ou de ne pas être (to be or not to be) et si je ne suis rien après un événement comme celui de Bautzen, quel espoir me restera-t-il ? […] mon cher général, nous avons fait tous les deux une sottise ; si j’avais pu m’attendre à devenir le conseiller d’un général autrichien, je n’aurais certes pas quitté l’Amérique. » Jomini essaya, nous dit-on, de faire une distinction dans sa réponse et de se montrer plus désintéressé dans la question, mais il n’était pas éloigné de penser de même. […] Cet homme d’étude, qui, dans sa jeunesse, avait été précepteur du comte Tanneguy Duchâtel (les Suisses sont volontiers précepteurs dans leur jeunesse), n’avait pas varié une minute au fond du cœur ni faibli dans sa première et vieille trempe helvétique ; et quand je pense à cet homme de bien, vétéran des universités, ancien membre de la Diète aux heures difficiles, si modeste de vie, mais intègre et grand par le caractère, je me le figure toujours sous les traits d’un soldat suisse dans les combats, inébranlable dans la mêlée comme à Sempach, la pique ou la hallebarde à la main.
La vie tumultueuse de Rancé reçut à diverses reprises des avertissements qui le frappèrent et lui donnèrent à penser. […] Peu après il partit pour sa belle terre de Veretz en Touraine, et se mit à penser de plus en plus sérieusement à la perte irréparable : « La retraite, dit M. de Chateaubriand (d’après Dom Gervaise), ne fit qu’augmenter sa douleur : une noire mélancolie prit la place de sa gaieté ; les nuits lui étaient insupportables ; il passait les jours à courir dans les bois, le long des rivières, sur les bords des étangs, appelant par son nom celle qui ne pouvait lui répondre. […] Enfin, Rancé eut la satisfaction de voir l’abbaye remise en bonnes mains sous la conduite de Dom Jacques de La Cour (1698), et il ne pensa plus qu’à mourir.
Si mes craintes se réalisent, mon parti est pris, et je quitte la France en secouant la poussière de mes pieds. » Le lendemain, il écrivait encore au même : « Je regrette bien de ne pouvoir savoir, avant de partir, ce que tu penses du projet, qui me paraît renfermer la plus vexatoire, la plus sotte, la plus impolitique et la plus odieuse de toutes les lois. N’as-tu pas admiré dans le discours de M. de Montesquiou comme quoi les Français ont trop d’esprit pour avoir besoin de dire ce qu’ils pensent ? […] C’en est assez, je pense, pour bien marquer le point de départ et la continuité toute logique de la carrière chrétienne de M. de La Mennais, pour expliquer en lui certaines préoccupations qui choquent et le peu de ménagement de quelques sorties.