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660. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il y trouve des figures sublimes, dignes d’Homère, quand il montre « les Parques blêmes dont la main se joue également des jours du vieillard et de ceux du jeune homme. » Il ne peint pas les dieux vaguement, avec des souvenirs de classe. […] Ce qu’il fait au dehors, le poëte le fait au dedans ; il est mime ; il sent ce qu’il observe et tout ce qu’il observe, et les objets qui se peignent dans ses yeux les traversent pour aller jusqu’à sa sympathie, qui leur fait écho.

661. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Dans l’argent, sur l’émail où le paillon s’irise, J’ai peint et j’ai sculpté, mettant l’âme en péril, Au lieu du Christ en croix ou du Saint sur le gril, Ô honte ! […] J’ai vu parfois, ayant le ciel bleu pour émail, Les nuages d’argent et de pourpre et de cuivre, A l’Occident, où l’œil s’éblouit à les suivre, Peindre d’un grand blason le céleste vitrail.

662. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Pour les femmes, on recevait tout ce qui se présentait ; aussi elles se peignaient souvent. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

663. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Ils disent aussi que la gloire qui remplit le haut du tableau est un peu lourde, et il faut leur accorder ce point ; d’autant plus que l’éclat qu’ils y désirent n’aurait pas éteint le reste d’une composition peinte très fortement. […] Le Lazare avec son linceul est peint largement.

664. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

« Dans l’origine, les mots ont tous été imitatifs ou analogiques, et destinés à peindre ou à rappeler une relation physique. […] « En Europe, où nos langues ne sont que des langues dérivées, la valeur des mots qui peignent à la fois le rapport physique, ou l’être physique, avec le rapport analogique intellectuel ; s’est presque totalement perdue.

665. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Est-ce que le poëte Sténio n’était pas Alfred de Musset peint avec une cruauté passionnée ? […] Lamennais, dans lequel l’imagination de la femme qui le peignait allumait, sur les débris des croyances qui l’avaient fait si grand, la passion impie, qui arrache les âmes à leur Dieu !

666. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Une femme y périrait, tuée par le sujet même et aussi par sa nature de femme, qui l’empêchera toujours de peindre ce qu’elle ne peut pas éprouver. […] La vertu qu’elle peint est bien plus extérieure que profonde.

667. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Louis Vian est un aigu, comme l’homme qu’il peint, — car il ne faut pas s’y tromper, le caractère distinctif et suprême de Montesquieu, ce qui le résume tout entier, c’est d’être un aigu, avant tout, un aigu et un pénétrant, qui cachait souvent sa pointe pour qu’elle pénétrât davantage, un aigu qui n’avait pas toujours la bravoure du javelot qu’il lançait, qui en eut souvent la prudence et qui parfois en eut la peur ! […] Je crois que Vian l’a peint quelque part se promenant en carrosse éreinté, attelé de deux rosses, lui qui avait soixante mille livres de rente au beau soleil du Bordelais !

668. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Cet homme, qu’on a peint comme un vieux troubadour et qui faisait des chansons comme Henri IV, inventait des canons que Henri IV n’aurait pas inventés, se contentant, lui, de les employer ! […] Et, non contente de le peindre ainsi, jusque par la main soi-disant historique du romancier Walter Scott, le bric-à-brackiste d’Abbotsford, qui avait les mêmes manies que le Roi René, elle a fini par l’accuser d’avoir abandonné, pour muser dans quelque Musée, le soin de ses états, même contre une rente viagère !

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