« Le pauvre homme, dit Goethe, ne se doute pas que le mal est sans remède, et qu’un insecte mortel a piqué dans sa fleur la jeunesse de Werther. » Oui, sans doute, nous pressentons aujourd’hui une autre poésie, une poésie qui n’aboutira pas au suicide.
Tout ce qui mérite l’estime des hommes s’y trouve réuni : unité, consistance, fierté sans morgue ; un homme qui n’a pas toute l’ambition de ses talents ; pauvre et gardant un grand air ; l’agent d’un roi sans royaume, qui fait respecter dans son maître la dignité du malheur par la façon dont il fait respecter sa propre gêne ; aimable, civil, mêlé aux affaires sans en être possédé ; ayant, lui aussi, ses retraites et sa solitude, mais dans sa pensée tranquille, dans sa conscience de chrétien, dans les affections de la famille, si favorables à la recherche et à l’expression de la vérité.
Puis voici qu’au torrent gracieux afflue une inquiète coulée : voici revenue la coutumière douleur, s’insinuant de toutes parts en la pauvre âme un peu divertie.
Prison de Saint-Lazare Quand au mouton bêlant la sombre boucherie Ouvre ses cavernes de mort, Pauvres chiens et moutons, toute la bergerie Ne s’informe plus de son sort.
Et le pauvre apprend ici à juger de son état tout autrement qu’il ne fait, et, loin de se plaindre, à savoir même bon gré à sa pauvreté, qui lui tient lieu d’asile, de port, de citadelle, en le mettant en repos et en sûreté, et le délivrant des craintes et des alarmes dont il voit que les richesses sont la cause et l’origine. » Le but qu’avait saint Chrysostome en tenant tout ce discours, n’était pas seulement d’instruire son peuple, mais de l’attendrir par le récit des maux dont il lui faisait une peinture si vive.
» Comme toujours, il me parla peu de lui-même ; il me parlait de chefs ou de camarades trop lents qui l’agaçaient, et d’autres chefs aussi qui l’enthousiasmaient, de son capitaine récemment mort, qu’il révérait et regrettait ardemment, enfin des pertes déjà si nombreuses que nous comptons parmi nos amis, André d’Harmenon et le pauvre petit Fernand, et celle, alors la plus récente et à jamais une des plus graves, d’Octave de Barral.
Et si cette troupe n’est pas sans analogie avec une bande de sauvages, il ne faut pas oublier que ces pauvres sauvages possèdent en germe le principe des développements et des transformations qui en feront une société politique avec le temps et sous l’influence de milieux différents, tandis que jamais aucune espèce animale n’est parvenue à un véritable état politique, malgré les changements de conditions géographiques ou domestiques.
Cette manière de moine pauvre, sinon de moine mendiant, intéressa Platon comme une nouveauté curieuse. […] Il le souhaitera pauvre pour l’avoir plus complètement dans sa dépendance, faible du reste et incapable de s’enrichir ou seulement de gagner sa vie, pour la même raison ; sans parents, sans amis, sans soutiens ou sans surveillants. […] « Si vous trouvez des gens qui préfèrent au commandement une autre condition d’existence et si vous leur confiez le commandement, vous aurez une république bien gouvernée… mais partout où des hommes pauvres, affamés de biens, aspireront au commandement croyant rencontrer là le bonheur qu’ils cherchent, le gouvernement sera toujours mauvais, on se disputera l’autorité, on se l’arrachera ; et cette guerre intestine perdra l’État avec ses chefs… Il faut donc confier l’autorité à ceux qui ne tiennent pas du tout à la posséder. » — Et le véritable philosophe a précisément ce dédain du pouvoir et des honneurs, n’est-ce pas ? […] Notre gouvernement sera socialiste en ce sens que par esprit socialiste on peut entendre le désir qu’il n’y ait dans l’État ni richesse ni misère et que nous prendrons toutes les dispositions possibles pour qu’il n’y ait dans notre république ni riches ni misérables, mais seulement des pauvres, c’est-à-dire des hommes de fortune médiocre. […] Ils seront absolument pauvres.
C’était, en effet, un adroit courtisan que Molière ; il faut ici s’en souvenir ; et ce pauvre grand Corneille lui-même n’a pas de dédicace plus humble que celle de l’École des maris à Monsieur, frère du roi : « Il n’est rien de si superbe que le nom que je mets à la tête de ce livre, et rien de plus bas que ce qu’il contient. » Cette remarque préliminaire jette peut-être déjà quelque jour sur le vrai sens de Tartufe et sur les intentions de Molière.