Ampère, je me trouve plus d’égards, je dirai presque de respect pour les passions. […] C’est de la force, et la force, partout où elle se rencontre, paraît à son avantage au milieu de la faiblesse universelle qui nous environne. » Ses passions, à lui, se réduisaient pourtant à une seule, et il nous la déclare : « On veut absolument faire de moi un homme de parti, et je ne le suis point (il écrivait cela en mars 1837, après son premier grand succès). On me donne des passions et je n’ai que des opinions ; ou plutôt je n’ai qu’une passion, l’amour de la liberté et de la dignité humaine. Toutes les formes gouvernementales ne sont à mes yeux que des moyens plus ou moins parfaits de satisfaire cette sainte et légitime passion de l’homme. » Lorsqu’on entre dans la politique avec une telle visée, on court risque de rencontrer sur son chemin bien des mécomptes.
Pour bien entendre, par exemple, ce qu’était Mme de Maintenon auprès de Louis XIV, ou Mme de Sévigné auprès de sa fille, et quel genre de sentiment ou de passion elles y apportaient, il faut s'être posé sur la jeunesse de ces deux femmes plusieurs questions, ou plus simplement il faut s’en être posé une, la première et presque la seule toujours qu’on ait à se faire en parlant d’une femme : A-t-elle aimé ? […] Non, elle n’a jamais aimé, aimé de passion et de flamme ; mais cet immense besoin d’aimer que porte en elle toute âme tendre se changeait pour elle en un infini besoin de plaire, ou mieux d’être aimée, et en une volonté active, en un fervent désir de payer tout cela en bonté. […] Cette jeune femme, en face de ces passions qu’elle excitait et qu’elle ignorait, avait des imprudences, des confiances, des curiosités presque d’une enfant ou d’une pensionnaire. […] Mathieu de Montmorency, qui fut depuis un saint, Adrien (depuis duc de Laval), bien plus tard le fils d’Adrien, qui se trouvait ainsi le rival de son père, tous l’aimaient de passion. […] En jouant avec ces passions humaines qu’elle ne voulait que charmer et qu’elle irritait plus qu’elle ne croyait, elle ressemblait à la plus jeune des Grâces qui se serait amusée à atteler des lions et à les agacer.
Cet auteur prend pour l’art des pantomimes, qui consistoit à réciter une piece ou une scéne suivie sans parler, ce que Tite-Live appelle amitandorum carminum actum, l’art d’exprimer à son gré et arbitrairement en dansant, quelques passions, art qui étoit certainement plus ancien qu’Auguste. […] Seneque le pere qui exerçoit une profession des plus graves qui fussent de son temps, confesse que son goût pour les représentations des pantomimes étoit une véritable passion. […] L’extrême passion que le peuple avoit pour leurs représentations, donnoit lieu de tramer des cabales pour faire applaudir l’un plûtôt que l’autre, et ces cabales devenoient des factions. […] L’équivoque affecté qui se trouve dans les derniers mots de ce passage, s’explique par ce que Tertullien dit de la passion effrenée que les hommes et les femmes avoient alors pour les pantomimes. On peut ajouter à cela ce que dit Gallien dans ses pronostics : qu’ayant été appellé pour voir une femme de condition attaquée d’une maladie extraordinaire, il découvrit par les altérations qui survinrent dans la malade quand on parla d’un certain pantomime devant elle, que son mal venoit uniquement de la passion qu’elle avoit conçûë pour lui, et des efforts qu’elle faisoit pour la cacher.
Il trouve les passions du Midi violentes et portées à l’excès ; pour lui, sensible et tempéré, il vit de réflexion et de silence ; il garde la chambre et lit beaucoup, sans même éprouver le besoin de composer. […] La naïveté d’impressions et l’enfance de cœur qui éclatent dans son récit marquent le point de départ d’où il s’avança graduellement, à force d’expérience et d’étude, jusqu’aux dernières profondeurs de la même passion dans Phèdre. […] Son propre cœur lui expliquait celui de Phèdre ; et si l’on suppose, comme il est assez vraisemblable, que ce qui le retenait malgré lui au théâtre était quelque attache amoureuse dont il avait peine à se dépouiller, la ressemblance devient plus intime et peut aider à faire comprendre tout ce qu’il a mis en cette circonstance de déchirant, de réellement senti et de plus particulier qu’à l’ordinaire dans les combats de cette passion. […] Chez Racine tout ce qui n’est pas Phèdre et sa passion échappe et fuit : la triste Aricie, les Pallantides, les aventures diverses de Thésée, laissent à peine trace dans notre mémoire. […] Racine a quelquefois laissé à Euripide des détails de couleur qui eussent été aussi des traits de passion : Dieux !
L’écrivain qui nous l’a peinte restera apprécié dans le calme, comme étant arrivé à la profondeur la plus inouïe de la passion par le simple naturel d’un récit, et pour avoir fait de sa plume, en cette circonstance, un emploi cher à certains cœurs dans tous les temps. […] Dans cette première, qui est la plus courte, après avoir moralisé au début sur les grandes passions, les avoir distinguées de la pure concupiscence, et s’être efforcé d’y saisir un dessein particulier de la Providence pour des fins inconnues, le marquis raconte les malheurs de son père, les siens propres, ses voyages en Angleterre, en Allemagne, sa captivité en Turquie96, la mort de sa chère Sélima, qu’il y avait épousée et avec laquelle il était venu à Rome. […] Le premier, malgré ses emportements de passion et deux ou trois meurtres bien involontaires, prélude déjà à tous les honneurs de la vertu d’un Grandisson ; le chevalier, après quelques escroqueries et un assassinat de peu de conséquence, demeure sans contredit le plus prévenant par sa bonne mine et le plus honnête des infortunés. […] » Malgré les démonstrations du doyen, les passions de tous ces jolis couples allaient toujours et se compliquaient follement ; l’aimable Rose, dans sa logique de cœur, ne soutenait pas moins à son frère Patrice qu’en dépit du sort qui le séparait de son amante, ils étaient, lui et elle, dignes d’envie, et que des peines causées par la fidélité et la tendresse méritaient le nom du plus charmant bonheur. […] Pour se soustraire à cette passion indiscrète, ajoute son biographe de 1764, Prévost passa en Angleterre ; mais comme il emmena avec lui la demoiselle amoureuse, on a droit de conjecturer qu’il ne se défendait qu’à demi contre une si furieuse passion.
La vanité, chez lui, entravait l’ambition ; la passion déconcertait les calculs de l’égoïsme ; l’intelligence faisait hésiter la volonté : il était irrésolu, inconstant ; il paraissait peu sûr à son parti, qui ne lui pardonnait point de le juger parfois, et de se juger lui-même en tant qu’il y coopérait, avec trop de clairvoyance. […] Il n’y a dans le monde qu’égoïsme, c’est-à-dire intérêt : ni vertu, ni dévouement, peu même de ces passions, qui, égoïstes en leur principe, s’absorbent dans leur objet jusqu’à l’entier désintéressement. […] Elle n’eut de passion que pour sa fille, un peu aussi pour Marie Blanche, une affection calme pour son fils ; en dehors de cela, quelques amitiés solides et sereines, où son esprit prenait autant que son cœur : Fouquet, Retz, Mme de la Fayette. […] De ce fonds de lectures, que son esprit applique à son expérience, sortent tant de réflexions sur la vie humaine, sur les mœurs et sur les passions, qui rendent ses lettres si substantielles. […] Mme de la Fayette peint des esprits qui s’embrassent, se pénètrent et comme se fondent intimement : ce n’est pas là encore la passion sans épithète et sans restriction.
La vérité complète serait si quintessenciée, si pondérée qu’elle n’exciterait pas assez les passions et ressemblerait au scepticisme. […] La passion, en même temps qu’elle adore son objet, a besoin de haïr son contraire. […] La passion suppose exclusion, antagonisme, partialité. […] Car ce qui est partiel est plus fort ; les hommes ne se passionnent que pour ce qui est incomplet, ou, pour mieux dire, la passion, les attachant exclusivement à un objet, leur ferme les yeux sur tout le reste. […] Un des traits caractéristiques des hommes dont je parle est d’affecter un profond mépris pour l’art idéal, la passion noble et pure.
Cet homme, « qui n’a d’autre passion que la fatuité », s’est conduit en malhonnête homme. […] Cinq années de passion, d’erreur, d’entraînement et de délire, mais aussi de dévouement, de souffrance et de persécution vaillamment endurée, en seront la preuve. […] Il le fait de cette façon directe, didactique, indélicate, qui est proprement le caractère et l’affiche de la passion au xviiie siècle. […] Mais la passion continuait de l’en rapprocher. […] Elle avait l’esprit naïf quoique fin, solide et gai tout ensemble, des saillies d’enfant, et quand la passion l’eut touchée une fois, cette âme douce devint forte, résolue, courageuse.
Les passions violentes me valaient mieux. […] Il plaide volontiers ses passions. […] Elle se fait à propos de don Juan des raisonnements très-beaux : la belle chose que les raisonnements, et comme ils sont propres à brider la passion ! […] My school-friendships were with me passions (for I was always violent). […] My passion had its usual effects upon me.