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2013. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Il y passa par tous les degrés de l’apprentissage ; correcteur d’abord, il s’éleva aux faits divers, à l’entrefilet, puis au petit article. […] Passe pour Mme Clorinde, dont une pièce sur trois a dû sombrer ; mais les Stances à Théophile Gautier, qui donc l’empêchait de les reproduire ? […] Quel plus triste métier après tout, quand on a l’honneur d’être le contemporain d’un grand esprit qui a des défauts de caractère, que de passer son temps et de consacrer sa vie à le harceler, à l’irriter, à lui faire faire toutes les fautes dont il est capable ! […] J’ai connu, il y a quelque quinze ans, un pauvre homme de lettres plus maigre et plus râpé que feu Baculard d’Arnaud, Fayot, qui passait sa vie à recueillir, à éditer, à colporter les Classiques de la table.

2014. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

L’Hôpital ne se fait pas faute de citer à la file dans le même discours Philippe, Démétrius, Louis XII, Théopompe, Galba, et bien d’autres : cela passait pour gentillesse dans le monde lettré du Palais. […] Et de là vint que son mérite et son succès ne furent pas de pure actualité : assez d’apaisement s’était déjà fait pour que la satire ne put se passer de grâce littéraire, et que cette grâce littéraire fût savourée du lecteur. […] Mais il faut noter qu’ici encore la guerre civile et l’actualité ont aidé les esprits à secouer le joug de l’érudition, et fait passer en quelque sorte l’imitation de l’extérieur à l’intérieur de l’œuvre littéraire ; la nécessité d’être lu, compris et goûté de tous a fait que les auteurs de la Ménippée, et parmi eux un lecteur royal, n’ont plus pris aux anciens que ce qu’ils ont senti être conforme à leur raison, ce qui pouvait rendre leur pensée ou plus forte, ou plus sensible, ou plus agréable aux simples Français. […] La harangue de M. d’Aubray passe pour être de Pithou ; l’idée première et le cadre des États de la Ligue, de P.

2015. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il semble qu’il ait passé sa vie à souffler des idées creuses. […] Il a passé sa vie à forger de belles phrases, comme on n’en avait jamais fait en notre langue. […] La génération qui s’est élevée entre les souvenirs du terrible passé, et les secousses d’un présent encore troublé, ces hommes des conspirations contre Richelieu et de la guerre de Trente Ans, sont de fortes, même de rudes natures, peu disposées à s’amuser aux enfantillages de la vie sentimentale, capables et avides d’action : Richelieu, Retz sont les formes supérieures du type. […] Il se passa en littérature quelque chose d’analogue.

2016. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

J’ai dit lugubre, et il l’est, en dépit de toutes les déclamations et de tous les truismes qui ont rempli les gazettes lorsqu’on exhuma ce déplorable ouvrage sur les planches subventionnées, l’an passé. […] Nous l’avons vu expansif, bon garçon, bavard intarissable, racontant au premier venu, devant un bock, ses projets d’art, ses songes, ses émotions, ses amours, galvaudant tout ce que l’homme bien né garde pour lui ou de très rares intimes, étalant son intérieur comme son extérieur : en réalité, sous cette bonhomie ripailleuse, très dénigreur, rongé d’envie, se sachant impuissant, mais retenu dans un monde de ratés par une énorme vanité qui est encore du bourgeoisisme exaspéré, la vanité de serrer des mains célèbres, de figurer parmi les gens de lettres, et de passer pour un martyr de l’idéal. […] Il en fera uniquement l’homme qui passe, indifférent aux lieux, aux langages et aux foules, qui passe porteur d’une âme plus pure, d’un caractère plus beau, d’une éloquence et d’une charité plus altières, l’homme qui détient le secret des lois et des méthodes psychologiques, les raisons du cœur humain, les analogies et les idées générales de la société, l’homme qui, parmi les actifs du domaine transitoire, médite les vérités permanentes et les définit à travers les fluctuations de leurs formes.

2017. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Mais le mot décidément n’y est point ; passons outre. — En somme, que veut ce monsieur ? […] On a dit souvent et justement que le succès violent de tel nouveau venu était moins dû à son originalité qu’à sa contemporanéité : on l’acclamait, non pour les nouveautés dont il pouvait étonner, mais pour le mérite d’avoir formulé avec lumière ce que ses contemporains songeaient obscurément : de la sorte, il faisait passer de l’inconscient au conscient les idées de plusieurs ; il enrichissait et il agréait. […] Ce jour-là il n’y aura plus de roman spirite à écrire ; on aura fait passer dans l’ordre scientifique ce qui aujourd’hui encore appartient à la fantaisie. […] Ça un intellectualiste, cet amant qui ne peut se passer d’une petite maîtresse ?

2018. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

C’est un besoin des sociétés arrivées à leur maturité de tracer des règles, de réduire leur expérience en maximes, d’engager les âges à venir par les exemples du passé. […] Il ne trouve pas de traits vifs pour peindre des intrigues où il s’était vu si tiraillé, et il n’a du cardinal de Retz ni l’imagination qui ressuscite les choses passées, ni la vanité qui ranime les souvenirs personnels. […] Nous passons outre, doublement satisfaits du plaisir de connaisseur que nous a donné la beauté de la forme, et de la réserve que nous avons faite sur le fond. […] Une pensée qui passe ainsi quatre fois sous les yeux d’un esprit supérieur, à de longs intervalles, sans que le doute ni le dégoût la lui aient fait retoucher, tenez-la pour une vérité.

2019. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Dargaud leur a rendu justice avec effusion et cordialité ; il a fait passer dans les moindres lignes de son Histoire le sentiment de poésie et de pitié exaltée qui l’anime pour les souvenirs de la royale et catholique victime ; il a mérité une très belle lettre que Mme Sand lui a adressée de Nohant (10 avril 1851), et où elle le félicite en le critiquant à peine, et en parlant surtout de Marie Stuart avec charme et avec éloquence. […] Nous voilà loin du roux, et je ne vois de moyen de tout concilier que d’en passer par ces cheveux « si beaux, si blonds et cendrés » qu’admirait Brantôme, témoin très oculaire ; cheveux que la captivité devait blanchir, et qui laisseront apparaître, à l’heure de la mort et aux mains du bourreau, cette pauvre reine de quarante-cinq ans « toute chenue », comme dit L’Estoile. […] Les sept années que Marie Stuart passa en Écosse, depuis son retour de France (19 août 1561) jusqu’à son emprisonnement (18 mai 1568), sont remplies de toutes les erreurs et de toutes les fautes que peut commettre une jeune princesse légère, emportée, irréfléchie, et qui n’a d’adresse et d’habileté que dans le sens de sa passion, jamais en vue d’un dessein politique général. […] Elle s’arrêta à la touchante histoire du bon Larron, qui lui sembla le plus rassurant exemple de la confiance humaine et de la clémence divine, et dont Jeanne Kennedy (l’une de ses filles) lui fit lecture : « C’était un grand pécheur, dit-elle, mais pas si grand que moi ; je supplie Notre-Seigneur, en mémoire de sa Passion, d’avoir souvenance et merci de moi comme il l’eut de lui à l’heure de sa mort. » — Ces sentiments vrais et sincères, cette humilité contrite de ses derniers et sublimes moments, cette intelligence parfaite et ce profond besoin du pardon, ne laissent plus moyen de voir en elle aucune tache du passé qu’à travers les larmes.

2020. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Mais tandis que le premier changement s’opère sous des conditions purement physiques, que l’intervention des autres hommes et du milieu ne peut modifier que d’une façon insensible, la croissance intellectuelle et morale semble déterminée en grande partie par cette intervention, par l’exemple immédiat des paroles et des actes, par la notion qui est le legs des exemples et des efforts passés. […] Il ignore ou feint d’ignorer que ce pouvoir de choisir avec plus ou moins de bonheur la direction favorable aux actes, est lui-même déterminé par le degré de convergence des forces léguées par l’hérédité, qu’un individu, un peuple, un groupe social quelconque doivent à leur passé, en même temps qu’aux circonstances du milieu, la possibilité d’adopter pour leur avenir l’orientation qui convient et que les mêmes causes assument seules le crime d’un mauvais choix. […] La foi religieuse pourra disparaître, ne subsistant plus en effigie que dans l’extériorité de quelques pratiques, à l’état de beauté archéologique et de vestige d’un passé, sans lequel la réalité actuelle du groupe social n’eût pu se constituer ; mais elle ne pourra sans danger être remplacée par une autre. […] Celui-ci, qui ne possède encore aucun plan organique, aura tout avantage à se concevoir autre qu’il n’est, à mettre à profit les expériences des autres groupes déjà constitués, car il abrège, par cet expédient, la lente période de formation par laquelle ces groupes ont dû passer avant de parvenir à l’état organique, il s’épargne mille vains essais ; du premier coup, il use d’un système qui déjà a prouvé son efficacité à faire vivre des hommes en société.

2021. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Ce fut le temps du vers parfait pour lui-même, sans suite d’idée, mais où par quelques très purs et subtils poètes passe de plus en plus en l’intellect l’immédiate sensation avant eux immédiatement écrite. * * * Cependant, sur le tard, la quarantaine passée, comme si tout ce que d’épars ils avaient produit n’eût été que pour se faire prendre patience à eux-mêmes, tant ils sentaient le mal de leurs poésies sans lien en même temps qu’ils n’acceptaient de sortir du malaise Baudelairien par aussi quelque facile acceptation du néant : esprits très rares, MM.  […] Stéphane Mallarmé montre enfin à quelles tendances s’arrête sa pensée : On ne peut se passer d’Eden. […] et ils sont demeurés à leurs futilités, impassibles, disant tranquillement : « L’on ne peut se passer d’Eden ! 

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