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453. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Par exemple, le premier coup d’œil révèle, au xviiie  siècle, une nouvelle renaissance de l’antiquité classique et une transfusion partielle du génie anglais dans les âmes françaises ; mais on risque d’oublier un apport venant de l’Orient et des contrées sauvages de l’Amérique et de l’Océanie, apport considérable pourtant, témoin tant d’écrits où les Persans, les Chinois, les Arabes sont appelés à donner des leçons aux sujets de Louis XV, témoin tant de robinsonnades et d’utopies où l’état de nature est opposé à la corruption des grandes villes. […] Je crois, par exemple, qu’Aristote eût été fort surpris des choses que les scolastiques lui faisaient dire et même des préceptes tyranniques qu’un abbé d’Aubignac prétendait tirer de sa Poétique. […] Je citerai par exemple l’ouvrage de M. 

454. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

« On lui donne la gloire, dit le Mercure (mars 1730), d’avoir introduit la déclamation simple, noble et naturelle, et d’en avoir banni le chant. » Elle rechercha plus d’exactitude et de vérité dans les costumes ; elle fut la première, par exemple, à mettre en usage les robes de cour dans les rôles de reine et de princesse. […] Mlle Le Couvreur, dans sa première jeunesse, avait accueilli bien des adorateurs, dont on a droit de nommer quelques-uns, Voltaire par exemple. […] On peut y joindre une ou deux femmes spirituelles, de condition et pas trop grandes dames, telles que la présidente Bertier, par exemple.

455. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Voulant expliquer, par exemple, pourquoi le connétable de Luynes, pour le moins aussi digne d’être haï et méprisé que le maréchal d’Ancre, n’a pas encouru la même impopularité dans sa mémoire, il dira énergiquement : « C’est qu’il mourut au sein de sa grandeur, qui se continuait dans une famille riche et puissante ; et il faut toujours au vulgaire l’autorité d’un revers pour lui faire mépriser tout à fait les enfants de la fortune : il ne comprend guère que les dénouements. » Mais le plus souvent sa malice se recouvre, et plus d’un lecteur qui parcourrait le livre avec bonhomie pourrait la laisser échapper. […] Il est difficile de croire que cette sorte d’inimitié personnelle contre Retz ne l’ait pas entraîné à quelques excès en sens contraire ; tout ce que Retz met en relief, par exemple, il affecte de l’éteindre et de l’effacer. […] Par exemple, en mars 1612, deux ans après la mort de Henri IV, à l’occasion du double mariage annoncé entre les maisons de France et d’Espagne, l’historien nous montre le deuil public faisant place à des fêtes « où allait se réveiller cette passion du luxe, de l’éclat et du plaisir, si longtemps ensevelie sous la triste livrée du regret ».

456. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Ce secret était le mot même du proverbe (par exemple, Selon les gens l’encens, ou bien Il ne faut pas jeter le manche après la cognée, ou bien Les battus paient l’amende, etc.), mot qui était enveloppé dans l’action, et qu’il s’agissait de deviner : « de manière, dit Carmontelle (le grand créateur du genre), que si les spectateurs ne le devinent pas, il faut, lorsqu’on le leur dit, qu’ils s’écrient : Ah ! […] L’Humoriste, par exemple, est un petit chef-d’œuvre de ce genre. […] Le Retour du baron, par exemple, est délicieux et d’une touche pas trop marquée encore.

457. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Arrivé à cette première grande division, animal, végétal et minéral, il en viendra à distinguer dans le règne animal les animaux qui vivent sur la terre d’avec ceux qui demeurent dans l’eau ou ceux qui s’élèvent dans l’air : Ensuite mettons-nous à la place de cet homme, continue Buffon, ou supposons qu’il ait acquis autant de connaissance et qu’il ait autant d’expérience que nous en avons, il viendra à juger des objets de l’histoire naturelle par les rapports qu’ils auront avec lui ; ceux qui lui seront les plus nécessaires, les plus utiles, tiendront le premier rang ; par exemple, il donnera la préférence dans l’ordre des animaux au cheval, au chien, au bœuf, etc. […] Par exemple, parlant du cerf : Le cerf, dit-il, paraît avoir l’œil bon, l’odorat exquis et l’oreille excellente. […] Cela se sent trop, et dans Les Époques de la nature, par exemple, il régnerait un sentiment plus religieux relativement et plus sacré, si l’auteur avait pu mettre de côté les précautions, et s’il avait déchaîné avec ampleur cette force immense et féconde de génération, telle qu’il la concevait circulant incessamment dans la nature.

458. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Par exemple, à propos de la loi de la presse, proposée en janvier 1827, il écrivait (3 janvier) : Combien faut-il de poudre pour charger une pièce de 24 ? […] Sous l’Empire, étant l’un des propriétaires de La Gazette de France, il eut l’idée, par exemple, de L’Ermite de la Chaussée-d’Antin, dont les chapitres parurent d’abord en feuilletons dans La Gazette (1811-1812) ; il avait même pris la plume pour la mise en train, et il y a, m’assure-t-on, des chapitres qui sont de lui et de Merle. […] Ces lettres tournent quelquefois au discours, et j’y voudrais un peu moins de périphrase ; par exemple, dès les premières lettres : « Quand nous avons passé devant Messine, le soleil était au milieu de son cours. » Pourquoi ne pas dire : Il était midi ?

459. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Il y a des incorrections, par exemple : « La plus grande peine n’est pas de se divertir, c’est de le paraître. » Mais Montesquieu, sur le style, a des idées fort dégagées : « Un homme qui écrit bien, pense-t-il, n’écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit ; et c’est souvent en parlant mal qu’il parle bien. » Il écrit donc à sa manière, et cette manière, toujours fine et vive, devient forte et fière et grandit avec les sujets. J’ai dit qu’il aime et affectionne un genre d’images ou de comparaisons pittoresques pour éclairer sa pensée ; par exemple, voulant faire dire à Rica que le mari d’une jolie femme en France, s’il est battu chez lui, prend sa revanche sur les femmes des autres : « Ce titre de mari d’une jolie femme, qui se cache en Asie avec tant de soin, écrit-il, se porte ici sans inquiétude. […] Si les Mexicains, par exemple, avaient eu un Descartes avant le débarquement des Espagnols, Fernand Cortez ne les aurait point conquis ; car l’effroi qu’ils eurent des Espagnols, et cette idée que ces étrangers étaient des dieux, n’était « qu’un simple effet de l’ignorance d’un principe de philosophie ».

460. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Un autre extrême, tout opposé, dans lequel on est tombé de nos jours (et je parle ici de la critique sérieuse, de celle de quelques revues anglaises ou françaises, par exemple), est de ne presque point donner idée du livre à l’occasion duquel on écrit, et de n’y voir qu’un prétexte à développement pour des considérations nouvelles, plus ou moins appropriées, et pour des essais nouveaux ; l’auteur primitif sur lequel on s’appuie disparaît ; c’est le critique qui devient le principal et le véritable auteur. […] Que pense Grimm, par exemple, je ne dirai pas sur Homère, Sophocle, Molière (il n’en parle qu’incidemment), mais sur Shakespeare, sur Montaigne, et sur tous les hommes du xviiie  siècle, Fontenelle, Montesquieu, Buffon, Voltaire, Jean-Jacques, Duclos, etc. ? […] Grimm explique très bien comment et pourquoi Voltaire n’est point comique dans ses comédies, dans L’Écossaise, par exemple, il n’est point parvenu à faire de son Frélon, qui se dit à lui-même toutes sortes de vérités, un personnage comique : « On voit dans cette comédie, et en général dans tous les ouvrages plaisants de M. de Voltaire, qu’il n’a jamais connu la différence du ridicule qu’on se donne à soi-même, et du ridicule qu’on reçoit des autres. » Et c’est ce dernier qui est le vrai comique.

461. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Par exemple, s’il y a quatre systèmes fondamentaux, comme on l’a dit, — le mysticisme, le scepticisme, le sensualisme, l’idéalisme, — on exclura les trois premiers comme faux, le quatrième seul étant le vrai ; mais l’idéalisme lui-même étant une expression vague qui réunit les systèmes les plus contraires, à savoir l’idéalisme de Plotin et celui de Hegel, celui de Platon et celui de Descartes, on fera encore un choix entre toutes ces formes de l’idéalisme, et on finira par se limiter au pur spiritualisme, entendu dans le sens le plus précis, mais aussi le plus étroit. […] Par exemple, j’admirerai et défendrai sans réserves la théorie des idées de Platon, les preuves de l’existence de Dieu données par Descartes, etc. ; mais si j’appliquais à ces principes le même genre de critique impitoyable que je dirige contre la sensation transformée ou l’impersonnalité de Dieu, qui me prouve que même ces grands principes resteraient encore debout ? […] Par exemple, il n’est personne aujourd’hui qui ne reconnaisse que Hegel a trop sacrifié l’expérience, qu’il a trop exagéré la puissance de la méthode a priori.

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