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734. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Enfin, comme il est arrivé dans les épopées cycliques, où l’on a remonté les temps en passant des fils aux pères, le drame de la nouvelle loi a suscité le drame de l’ancienne loi : on pense que le Mystère du Vieil Testament s’est organisé sous l’influence de la Passion de Gréban. […] Dans le Vieux Testament, quelques touches du caractère de Caïn, une esquisse du pathétique moral auquel le sacrifice d’Abraham peut donner lieu dans les rôles du père et du fils, une notation un peu sèche, mais essentiellement juste des sentiments respectifs de Samson et de Dalila, une discrète et délicate peinture de la belle âme de Suzanne, d’heureux traits de foi timide dans Enther, et d’orgueil féroce dans Aman : voilà où l’esprit aime à se reposer dans la platitude aride de l’immense mystère. […] On a ainsi des moralités de l’Enfant prodigue, du Mauvais Riche et du Ladre : on a celle de l’Enfant ingrat, qui offre à son père un morceau de pain bis, lorsqu’il a lui-même pour son repas un succulent pâté ; il en sort un crapaud qui lui saute au visage, et ne se relire que par commandement du pape. Ou bien c’est la jeune fille qui nourrit sa mère de son lait dans une prison, c’est la villageoise qui aime mieux avoir la tête coupée par son père que de céder à l’amour de son seigneur : c’est l’empereur qui tue de sa main un scélérat de neveu dont il a fait son successeur.

735. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Le roi avait eu de Mme de Vintimille (sœur de Mme de Châteauroux) un fils qui lui ressemblait beaucoup et était tout le portrait de son père. […] » — « Et Crébillon fils, dit quelqu’un, il doit être plus aimable que son père ; et il y a encore l’abbé Prévost, l’abbé d’Olivet. » — « Eh bien ! […] M. de Marigny, frère de Mme de Pompadour, homme de mérite et digne de sa sœur par plus d’un bon côté, se contentait de dire : « C’est la probité qui s’exhale, et non la malveillance. » Un jour, ce même M. de Marigny se trouvait dans l’appartement de Quesnay ; on parlait de M. de Choiseul : « Ce n’est qu’un petit-maître, dit le docteur, et, s’il était plus joli, fait pour être un favori d’Henri III. » — Le marquis de Mirabeau entra (le père du grand tribun) et M. de La Rivière. — « Ce royaume, dit Mirabeau, est bien mal ; il n’y a ni sentiments énergiques, ni argent pour les suppléer. » — « Il ne peut être régénéré dit La Rivière, que par une conquête comme à la Chine, ou par quelque grand bouleversement intérieur ; mais malheur à ceux qui s’y trouveront ! […] Les rois et empereurs qui ont succédé depuis lors en France jusqu’à nos jours, ont été ou trop vertueux, ou trop despotiques, ou trop podagres, ou trop repentants, ou trop pères de famille, pour se permettre encore de ces inutilités-là : on en a entrevu au plus quelques vestiges.

736. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Et dès cinq heures du matin chi, chi, boum boum, le bois qu’on scie pour la soupe, et la tombée des bûches, et le feu qu’on souffle, et le lourd départ, puis, quelques heures après, la dégringolade par l’escalier de toute la marmaille de la maison dans les vieux souliers, les souliers trop larges de leurs pères et mères. […] Et moi, sur ma chaise, j’attends avec l’émotion d’un père qui attend un héritier ou rien. […] Et que personne de ceux qui sont morts ne soit revenu dans le rêve d’un vivant, à ce moment où il est délié de la vie, un père pour avertir son fils, une mère, une mère ! […] Au moment de partir, Mme de Sancy, qui est la fille du général Lefebvre-Desnouettes, nous offre aimablement de visiter son musée napoléonien : la chambre de Napoléon à l’hôtel de la rue de la Victoire, léguée à son père.

737. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Du reste, dans la vie privée, cet homme du roi peut être un honnête homme, bon père, bon fils, bon mari, bon ami, comme disent toutes les épitaphes du Père-Lachaise. […] que son père, que sa mère, que ses enfants, n’en saigneront pas ? […] Et songez-vous sans frissonner à ce que deviendront ces petits garçons, ces petites filles, auxquelles vous ôtez leur père, c’est-à-dire leur pain ? […] N’est-il pas, à un titre bien autrement sacré que l’esclave vis-à-vis du maître, la propriété de son père, le bien de sa femme, la chose de ses enfants ?

738. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Jésus l’a défini : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». […] On ne peut lire sans une admiration qui va jusqu’à la douleur, telle lettre où l’enfant laisse voir comment il vient d’être bouleversé par une première communion de village, et puis s’interrompt, étant remonté aux tranchées, pour réclamer des siens le calme et l’énergie ; — telle autre lettre de charmante gratitude, où cet enfant qui donne sa vie s’inquiète du bien-être qu’il doit aux petites sommes que lui envoient les siens et dont il craint que le modeste foyer ne souffre ; — cette lettre enfin pour la fête de son père, à qui il écrit, oublieux de son propre sacrifice : « Croyez bien que je comprends la peine que doit éprouver un père en voyant partir pour le grand inconnu de la guerre un fils de vingt ans, qu’il a élevé à force de travail, de souci, d’économie… » Et toute la suite. […] — Petit, lui dis-je, en caressant ses cheveux blonds, où est ton père ?‌

739. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Les premiers Pères, il est vrai, avaient noté dans la République comme imités de ces livres la recommandation exclusive et absolue de la poésie lyrique consacrée à la religion, le blâme de toute autre poésie, cette idée enfin de soumettre le chant et la musique à des juges désignés, aux conservateurs des lois, comme dans Israël, où des magistrats veillaient au choix des hymnes et au maintien des mêmes tons dans le chant. […] C’est lui mon Dieu, je le célébrerai ; lui, le Dieu de mon père, je l’exalterai. […] « Réservez ses fils à la destruction, pour l’iniquité de leur père. […] Valeureux soldats et nobles citoyens, qui montrèrent alors de quels pères ils étaient nés39 ! 

740. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Veuf de lui-même, selon la parole du poëte, cherchant la fin de ses maux dans un désir passionné de la mort, mais repoussé de la mort par l’inexorable puissance de Jupiter, il est tout à coup délivré par le fils même de ce dieu, et il peut s’écrier : Ô fils pour moi très cher d’un père abhorré !  […] Laissé près de la veuve et du jeune enfant d’Ajax, le Chœur les protège de sa plainte, tandis que l’enfant lui-même garde le corps de son père. […] « Puisse, dit-il126, la fortune m’assister dans mon soin de garder toujours la pureté des paroles et des actions, les soumettant aux lois suprêmes, filles célestes, dont l’Olympe seul est le père, que nulle origine mortelle n’a enfantées, et que l’oubli n’endormira jamais ! […] Dans le cercle infini de l’Érèbe, avant tout, la Nuit aux ailes noires produisit un œuf non couvé, d’où, par la révolution du temps, jaillit l’Amour, père des Désirs, battant son dos de ses ailes dorées, et semblable lui-même aux tourbillons de la tempête.

741. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

L’esprit gaulois de nos pères prévalut pourtant et l’emporta de bonne heure sur la pureté et sur la force. […] Tels qu’ils sont, ces récits en vers du Renart, ouvrage de divers auteurs, la plupart anonymes, plaisent, amusent, rebutent et dégoûtent quelquefois, mais instruisent toujours sur les mœurs et les opinions de nos pères. […] J’eus cinq frères du côté de mon père ; tous les mangea Renart le larron : ce fut grand perte et grand douleur.

742. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Son père, avocat en parlement, était procureur du roi au bailliage. […] Si l’abbé Prévost, en effet, a répandu et comme réfléchi sur les siens une partie de sa célébrité littéraire et quelque chose de la faveur romanesque qui s’attache à son nom, il leur a dû, il a dû à l’excellente éducation qu’il reçut de ses pères et à la souche honnête et saine dont il sortait, de garder toujours, même au milieu des vicissitudes d’une vie trop souvent irrégulière et abandonnée, le fonds essentiel de l’honnête homme, de l’homme comme il faut. […] Cependant, j’ai sous les yeux une note écrite de la main d’une petite-nièce de l’abbé Prévost, Mlle Rosine Prévost, et dictée à elle par son père, lequel avait dix-huit ans au moment de la mort de l’abbé ; et il dut certainement être informé avec précision de toutes les circonstances par son frère, qui était alors auprès de leur oncle commun.

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