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21. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Je n’oserais affirmer le contraire, et pourtant, du moment qu’on en veut juger en toute connaissance de cause, comme c’est la prétention de la critique, voilà l’interminable voyage qui recommence. […] On a le talent, l’exécution, une riche palette aux couleurs incomparables, un orchestre aux cent bouches sonores ; mais, au lieu de soumettre tous ces moyens et, si j’ose dire, tout ce merveilleux attirail à une pensée, à un sentiment sacré, harmonieux, et qui tienne l’archet d’or, on détrône l’esprit souverain, et c’est l’attirail qui mène. […] Il nous est arrivé à nous-même (je n’ai garde de l’oublier), en parlant de certaine beauté, d’oser dire qu’elle avait l’épaule nacrée. […] C’est là, j’ose le dire, un pont aux ânes un peu trop commun et trop simple ; je demande la permission de n’y point passer.

22. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Mais avec nous non plus qu’avec personne il ne fallait risquer, fût-ce dans un pamphlet à outrance, les affirmations compromettantes, même pour un pamphlet, que Pelletan a osé risquer dans le sien. […] Il n’ose pas le dire, mais il n’ose pas dire non plus que c’est l’œuvre des républicains… II Telles sont les pitoyables idées de cette introduction, dont il faut sortir au plus vite, et qui déshonore le seuil de ce livre, qu’on ne lira peut-être plus une fois qu’on aura lu cette introduction. […] Il s’est permis une mise en scène, romanesque et plaisante, qui ricane et persifle, et tend à ridiculiser la grande physionomie d’un homme qui résiste à tous les petits calculs d’ironie et d’impertinence qu’on ose contre lui.

23. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Oserai-je dire que je le conçois et que je l’explique ? […] leur naturelle encadrure dans la simple vignette d’un missel, deux à trois figures, comme celles de saint Benoît, de saint Grégoire, de saint Colomban, lesquelles, de grandeur, répugnent à entrer dans le cercle étranglant d’un médaillon, et qui, si on ose les y mettre, le font éclater ! […] Villemain, qui n’est point certainement un barbare, comme le Cimbre qui n’osa tuer Marius, mais qui n’a pas osé non plus tuer Grégoire VII, mais M. 

24. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Cette attitude consiste à ne vouloir se connaître, si j’ose dire, que par les signes. […] Nous sommes en plein Freud, si j’ose dire, et jusqu’ici la ressemblance entre nos deux auteurs, sous les réserves posées au début de cette causerie, est parfaite. […] Il ne les a pas voulues, si j’ose dire, ces vérités. […] C’est ainsi que je me rassure sur la valeur des quelques doutes que j’ose élever sur une aussi grande pensée. […] Il est évident que c’est un sentiment si sublime qu’il est ridicule, et je comprends que Proust n’ait pas osé en reconnaître la réalité.

25. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Laisse-moi en paix, je t’en prie ; j’ose tout ce qui appartient à un homme : celui qui ose davantage n’en est pas un. […] non, je n’ose. […] Ce qu’il sait oser va bien loin, et à cette disposition intrépide il joint une sagesse qui enseigne à sa valeur la route la plus sûre. […] Tout ce qu’un homme peut oser, je l’ose. […] elle n’ose presque plus se reconnaître.

26. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Dans tous les genres de littérature, la raison a fait un petit nombre de règles, le caprice les a étendues, et le pédantisme en a forgé des fers que le préjugé respecte, et que le talent n’ose briser. […] J’ose croire que dans ce cas on aurait plus de traducteurs médiocres et moins d’excellents. […] C’est là, si on ose le dire, l’espèce de contresens qui fait le plus de tort à une traduction ; les autres sont passagers et se corrigent, celui-ci est continu et sans remède. […] Croit-on que notre poésie, avec ses rimes, ses hémistiches toujours semblables, l’uniformité de sa marche, et, si on l’ose dire, sa monotonie, puisse représenter la cadence variée de la poésie grecque et latine ? […] Pour ne comparer que des morts, qui osera mettre Sophocle au-dessus de Corneille, Euripide au-dessus de Racine, Théophraste au-dessus de La Bruyère, Phèdre au-dessus de La Fontaine ?

27. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Baudouin » p. 233

Celle qui ose braver les dieux, ne doit pas craindre de mourir. […] Lorsque l’orateur eût écarté le voile qui couvrait sa tête, on aurait vu ses belles épaules, ses beaux bras, sa belle gorge, et par son attitude je l’aurais fait concourir à l’action de l’orateur au moment où il disait aux juges : Vous qui êtes assis comme les vengeurs des dieux offensés, voyez cette femme qu’ils se sont complu à former, et, si vous l’osez, détruisez leur plus bel ouvrage.

28. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Chaque trait de talent et de pensée était vivement saisi au passage, et je me souviens qu’on applaudit fort celui-ci, par exemple (je ne le cite que comme m’étant resté dans la mémoire), lorsque, arrivant à parler de l’ordre des jésuites, l’historien décrivait cette société habile, active, infatigable, qui, pour arriver à ses fins, osait otut, même le bien. […] La hardiesse ici et l’extrême nouveauté étaient, encore une fois, dans l’application qu’il faisait à une catastrophe d’hier : c’était d’oser introduire un système de lois fixes au sein de souvenirs épars et tout palpitants. […] Osons bien nous l’avouer, oui, c’est au prix de cette connaissance et aussi de cet emploi du mal que le monde est gouverné, qu’il l’a été jusqu’ici. […] Voilà les défauts qui disparaissent le plus habituellement dans la fermeté, l’énergie, l’éclat ou la propriété de l’expression, et qui ne se remarquent plus du tout dans les beaux récits de M.Mignet, tels que celui des événements de Hollande sous les frères de Witt ; nous osons lui proposer à lui-même ce parfait exemple pour son histoire future de la Réformation. […] Il est une dernière remarque que j’oserai glisser ici, bien que contraire à la prévention qui règne aujourd’hui en faveur du langage du siècle de Louis XIV ; tous ces hommes d’esprit dont j’ai parlé causaient à merveille, mais comment écrivaient-ils pour la plupart ?

29. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Qu’on ose dire, après cela, que la Philosophie n’est pas l’art de manier les esprits ; que son flambeau n’est pas un guide capable de se faire suivre par-tout où il veut conduire ; que ses prestiges n’ont pas le pouvoir de transformer les êtres au gré de ceux qui ont le don de la métamorphose. […] Et cependant ces prétendus Zélateurs de l’humanité, qui n’en sont que la honte, oseront encore se plaindre, quand on s’élevera contre leurs odieux systêmes ! […] On peut en juger par ce passage horrible : Des milliers d’hommes dépouillés de tout par la dureté de leurs Maîtres, enhardis par le sentiment de la liberté, & encouragés par le vrai droit naturel, oseront enfin un jour réclamer hautement leurs droits. […] Croira-t-on que, pour procurer du débit à son Ouvrage, qui n’en avoit point sous son premier titre, il ait osé le changer, pour lui donner le titre du mien ? […] Voici ce que dit l’un de leurs Apologistes [l’Auteur de la Lettre d’un Théologien], pour justifier les épithetes d’hypocrite, de méchant, d’insecte, de calomniateur public qu’il me donne, parce que j’ai osé attaquer les Productions de ses Confreres.

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